La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2015 | FRANCE | N°14BX02027

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 23 février 2015, 14BX02027


Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par MeB... ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305626 du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2013 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonn

e de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défau...

Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par MeB... ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305626 du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2013 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, fait à Rabat le 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2015 :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A...C..., ressortissante marocaine, est, selon ses déclarations, entrée en France en 2002 ; que le 6 septembre 2013, elle a sollicité du préfet de Tarn-et-Garonne la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " " pour plus de 10 ans de présence " sur le territoire français, ou à défaut, un titre de séjour salarié ; que le 18 novembre 2013, le préfet de Tarn-et-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que Mme C...fait appel du jugement du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que Mme C...soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas avoir examiné le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de séjour contesté ; que, cependant, il ne ressort pas de sa demande de première instance que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation a été soulevé ; que Mme C... n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'omission de statuer ;

Au fond :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

3. Considérant que la décision contestée vise la convention franco-marocaine du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle mentionne notamment que Mme C...ne justifie pas de sa présence en France depuis 2002 par les attestations qu'elle produit, qu'elle ne produit pas un contrat de travail visée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte) et que le fait qu'elle a travaillé depuis quelques mois ne lui confère pas un droit au séjour en France ; que le préfet de Tarn-et-Garonne, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances constituant la situation de fait de la requérante, mentionne également que sa soeur Fauzia réside au Maroc ; que, dès lors, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; que selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant qu'aucune stipulation de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, ni aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoit que la circonstance qu'un ressortissant étranger réside de façon continue depuis dix ans sur le territoire français emporterait la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale ; que Mme C...n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle aurait droit à la délivrance d'un titre de séjour pour ce motif ;

6. Considérant que Mme C...soutient qu'elle a travaillé depuis 2006 dans une exploitation agricole sous couvert de l'identité de l'une de ses soeurs et de celui de sa mère comme l'attesterait le gérant de cette exploitation, à l'appui de bulletins de salaires édités au nom de ces dernières ; que, toutefois, de tels éléments, qui reposeraient, au demeurant sur une double usurpation d'identité, sont dépourvus d'un caractère probant pour justifier de la réalité de sa présence en France pendant ces années ; qu'elle justifie seulement avoir été recrutée en janvier 2013 en qualité de salarié agricole ; que le certificat de résidence établi par le maire de Molières en 2012 et l'attestation établie par le médecin de famille ne permettent pas de tenir pour établie une résidence continue de la requérante sur le territoire français depuis 2002 ; que Mme C..., qui est âgée de trente-quatre ans à la date d'édiction de l'arrêté contesté, est célibataire et sans enfant à charge ; que si ses parents, qui l'hébergent, et trois de ses frères et soeurs résident en France, dont deux sont de nationalité française, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa soeur aînée ; que dans ces conditions, eu égard au caractère récent de son séjour en France, et en dépit des bons rapports de voisinage qu'elle allègue entretenir et du fait qu'elle suit des cours de français, le préfet de Tarn-et-Garonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux regards des motifs du refus qui lui a été opposé ; qu'il n'a donc méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) " ; que l'article 9 du même accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;

8. Considérant que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions, les premiers juges ont retenu que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; qu'il y a lieu d'adopter ce motif, pertinemment retenu par les premiers juges, pour écarter le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour en qualité de salarié résultant de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'en dehors des cas où il est satisfait aux conditions fixées par la loi, ou par un engagement international, pour la délivrance d'un titre de séjour, un étranger ne saurait se prévaloir d'un droit à l'obtention d'un tel titre ; que s'il peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que la décision du préfet, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, dès lors, Mme C...n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les énonciations qu'elle invoque de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitueraient des lignes directrices dont elle pourrait utilement se prévaloir ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ; que comme il a été dit au point 3 ci-dessus, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 ci-dessus, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ou est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

''

''

''

''

2

No14BX02027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02027
Date de la décision : 23/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MIAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-23;14bx02027 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award