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05/02/2015 | FRANCE | N°14BX02485

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 05 février 2015, 14BX02485


Vu la requête, enregistrée le 18 août 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par la SELARL Aty, avocats associés ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400267 du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 mai 2014 rejetant sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 janvier 2014 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une dur

e de trois ans et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haut...

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par la SELARL Aty, avocats associés ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400267 du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 mai 2014 rejetant sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 janvier 2014 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

2°) d'annuler cet arrêté et de prononcer cette injonction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à la circulation et au séjour des personnes, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 98 327 du 1er avril 1998, publiée par le décret n° 2001-1268 du 20 décembre 2001 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de M. Paul-André Braud, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Galinon, avocat de M. A...;

1. Considérant que M.A..., ressortissant togolais, est, selon ses déclarations, entré en France le 20 janvier 2005 ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile, le préfet de la Haute-Garonne a, le 16 décembre 2005, refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français avant d'ordonner, le 26 juin 2006, sa reconduite à la frontière ; que M. A... a ensuite sollicité en 2012 la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de l'ancienneté de son séjour et d'une promesse d'embauche ; qu'à la suite du rejet de cette demande par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 8 mars 2012, arrêté lui faisant également obligation de quitter le territoire français, M. A...a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé ; que par un arrêté en date du 2 janvier 2014, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette nouvelle demande, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans ; que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1400267 en date du 15 mai 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que le défaut de visa de la convention signée le 13 juin 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise, qui ne comporte pas de stipulations particulières régissant la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige et ne saurait donc révéler un défaut de motivation ; qu'en outre, en indiquant le sens de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, la circonstance qu'il n'est pas lié par celui-ci et que les services consulaires français en poste à Lomé lui ont précisé que l'offre de soins nécessités par l'état de santé de M. A...existe au Togo, le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé en fait son refus ; qu'il n'était pas tenu à ce titre de faire mention de la date de consultation des services consulaires ni de la qualité de la personne qui a donné un avis ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;

4. Considérant que selon l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre d'un psychosyndrome post traumatique nécessitant un traitement médicamenteux à base de Deroxat, Stilnox et Lysanxia et un suivi psychothérapeutique ; que le médecin de l'ambassade de France à Lomé a indiqué que ces médicaments sont disponibles en pharmacie à Lomé, avec toutefois des possibilités de rupture de stock, et que trois psychiatres exercent au Togo ; que ni les courriels émanant de différents laboratoires pharmaceutiques en vertu desquels il ne commercialisent pas les médicaments prescrits à M. A...au Togo, qui ne permettent pas d'établir que ces médicaments ne seraient pas commercialisés par des tiers, ni la liste des psychotropes commercialisés, établie par une personne privée, précisant que certains médicaments comprenant les principes actifs requis ne sont pas commercialisés au Togo, qui ne permet pas d'établir que des médicaments équivalents n'y seraient pas commercialisés, ne permettent de contredire les allégations du médecin de l'ambassade de France en vertu desquelles le traitement approprié existe au Togo ; qu'en outre, les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, ne conditionnent plus le rejet de la demande de titre de séjour d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, à l'effectivité de l'accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, si M. A...a également entendu soutenir qu'il ne pourrait bénéficier d'un accès effectif au traitement approprié à son état de santé, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas davantage des certificats médicaux produits, dont les termes sont extrêmement vagues, que le retour au Togo constituerait un facteur d'aggravation de son état de santé ; qu'en se bornant à souligner qu'il a besoin de soins, M. A...n'établit pas l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., qui n'a pas établi l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, n'est pas fondé à l'invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...)Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...)d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) " ;

7. Considérant qu'il est constant que M.A..., qui s'est soustrait à l'exécution de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 22 juin 2006 et de l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire du 8 mars 2012, entre dans le champ d'application du d) du 3°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si M. A...souligne qu'il aurait une adresse fixe et un passeport, ces circonstances ne suffisent pas à renverser la présomption de risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ; que si l'intéressé a également entendu invoquer une insuffisance de motivation en reprochant au préfet de n'avoir pas suffisamment caractérisé le risque de fuite, la référence à deux décisions d'éloignement non exécutées suffisait à expliquer l'application du d) du 3° précité du II de l'article L. 511-1 ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., qui n'a pas établi l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à l'invoquer, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ;

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :

9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M.A..., ne peut exciper d'une prétendue illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...). Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour ;

11. Considérant que M. A...soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans est disproportionnée ; que toutefois, M. A...n'établit pas résider en France de façon continue depuis l'année 2005 ; que la circonstance que sa présence sur le territoire français ne représenterait pas une menace pour l'ordre public n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour si sa situation, au regard notamment des autres critères, justifie légalement, dans son principe et sa durée, la décision d'interdiction de retour ; que M. A...s'est soustrait à l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise le 26 juin 2006 et de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français le 8 mars 2012 ; qu'en outre, si l'une de ses soeurs réside en France, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses trois enfants et quatre frères et soeurs ; que, dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de M. A...une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 janvier 2014 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le conseil de M. A...au titre des frais que le requérant aurait exposés s'il n'avait obtenu l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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No 14BX02485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02485
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-05;14bx02485 ?
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