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20/01/2015 | FRANCE | N°13BX00620

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 20 janvier 2015, 13BX00620


Vu la requête, enregistrée le 26 février 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 27 février 2013, présentée pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest, dont le siège est au 29 boulevard Vanteaux BP 509 à Limoges Cedex 01 (87044), par Me Waquet;

La caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100775 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la restitution des amendes qui lui ont été infligées sur

le fondement de l'article 1739 du code général des impôts au titre des années 2005,...

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 27 février 2013, présentée pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest, dont le siège est au 29 boulevard Vanteaux BP 509 à Limoges Cedex 01 (87044), par Me Waquet;

La caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100775 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la restitution des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1739 du code général des impôts au titre des années 2005, 2006 et 2007 pour un montant total de 340 208 euros ;

2°) d'ordonner la restitution de ladite somme de 340 208 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les agents de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), laquelle est rattachée à la direction générale des impôts placée sous la seule autorité du ministre du budget, n'étaient pas compétents pour constater les infractions à l'article 1739 du code général des impôts dès lors que l'article L. 221-36 du code monétaire et financier exige que de telles constatations soient faites par des agents placés sous l'autorité du ministre de l'économie ;

- l'administration ne pouvait légalement mettre en oeuvre les moyens procéduraux liés à la vérification de comptabilité afin de rechercher les infractions à l'article 1739 du code général des impôts, lesquelles sont sans aucune incidence sur les impôts dus par la caisse régionale ; le contrôle en l'espèce ne visait pas à vérifier, s'agissant des comptes d'épargne réglementée, le respect d'une quelconque obligation déclarative, mais bien le respect des règles de fond d'ouverture et de fonctionnement de ces comptes, ce qui constitue un détournement de procédure ;

- l'article 1739 du code général des impôts est contraire aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et au principe de proportionnalité des peines qui en découle, dès lors qu'il ne prévoit aucune possibilité de moduler le taux de l'amende en fonction de la gravité du comportement réprimé et que ce taux est manifestement excessif ; en fixant un taux automatique de 100% et un minimum de 75 euros la loi ne prévoit aucune modulation et prive l'administration comme le juge de tout pouvoir d'adaptation, ce qui est contraire aux exigences conventionnelles : le taux de l'amende n'est en effet proportionné ni au comportement individuel de la personne sanctionnée, ni à la gravité des faits reprochés ; en outre, un taux de 100% est en soi excessif de même que son assiette ; de même, est excessif le plancher de 75 euros ; par ailleurs, l'amende est encore excessive en ce qu'elle ne tient pas compte du fait que l'établissement de crédit qui verse les intérêts ne retire aucun avantage des irrégularités commises ; enfin, l'amende est disproportionnée par rapport au préjudice subi par le Trésor public puisqu'elle est égale à 150% du montant de l'impôt sur le revenu éludé sur ces intérêts par les titulaires des comptes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction des vérifications nationales et internationales) qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

- le moyen tiré du vice propre qui entacherait la décision de l'administration est un moyen de légalité externe qui ne peut utilement être invoqué dans un litige de plein contentieux ;

- l'arrêté fixant les compétences de la DVNI a un caractère interministériel et comporte la signature du ministre de l'économie et des finances ; au surplus, des liaisons fonctionnelles demeurent entre les ministres de l'économie et du budget; en outre, les articles 1739 du code général des impôts et L 351-2 du code monétaire et financier ont été introduits respectivement par des ordonnances du 7 décembre 2005 et du 6 mai 2005 et à ces dates il n'y avait pas de distinction entre le ministère de l'économie et le ministère du budget ; enfin, les agents de la DVNI appartiennent à une administration financière au sens de l'article L. 221-36 du code monétaire et financier ;

- l'administration est habilitée à tirer les conséquences des manquements qu'elle relève en matière d'obligation déclarative de l'établissement financier dans le cadre des vérifications de comptabilité et l'application de l'amende spécifique de l'article 1739 du code général des impôts s'inscrit dans ce cadre ; dès lors, rien ne s'oppose à ce que le service recourt aux traitements informatiques prévus par les dispositions de l'article L 47 A du livre des procédures fiscales pour constater les infractions ; en outre, au cas d'espèce, la vérification de comptabilité n'avait pas pour but exclusif la recherche des infractions visées par l'article 1739 du code général des impôts ;

- l'amende litigieuse ne constitue pas une sanction pénale au sens de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en tout état de cause le dispositif prévu à l'article 1739 du code général des impôts est compatible avec l'article 6-1 de la convention en ce qu'il fixe le droit à un procès équitable ;

- l'absence de possibilité de modulation par le juge d'une pénalité fiscale ne viole pas l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de même une sanction au taux de 100% est compatible avec ce même article alors qu'aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à ce que des sanctions soient appliquées selon un barème préétabli ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 août 2013, présenté pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest qui conclut dans le sens de la requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- la circonstance que le juge se prononce comme juge de plein contentieux ne fait pas obstacle à ce que le requérant se prévale de vices ayant affecté la procédure d'établissement de l'amende ;

- le caractère interministériel de l'arrêté du 24 juillet 2000 importe peu dès lors que cet arrêté rattache expressément la DVNI à la direction générale des impôts laquelle est placée sous l'autorité du seul ministre du budget et non du ministre de l'économie ;

- il résulte clairement de l'article L 221-36 du code monétaire et financier que les agents compétents pour constater les infractions à l'article 1739 du code général des impôts sont exclusivement les comptables du Trésor et les agents des administrations financières placées sous l'autorité du ministre de l'économie et agissant à la requête de celui-ci, ce qui n'est pas le cas des agents de la DVNI ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances (direction des vérifications nationales et internationales) qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Le ministre fait en outre valoir que l'unique règle de compétence applicable aux infractions réprimées par l'article L 221-35 du code monétaire et financier, dont la méconnaissance est susceptible d'entacher d'irrégularité les procès-verbaux est celle selon laquelle les infractions sont constatées par les comptables publics compétents ou par les agents des administrations financières et force est de constater, qu'au cas particulier cette règle a été respectée, le procès verbal litigieux, étant revêtu de la signature d'un agent de la direction générale des finances publiques ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 février 2014, présenté pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest qui conclut dans le sens de la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics (direction des vérifications nationales et internationales) qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2014, présenté pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest qui conclut dans le sens de la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 août 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics (direction des vérifications nationales et internationales) qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu la lettre du 3 décembre 2014 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2014, présenté pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest qui conclut dans le sens de la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu les décrets n° 2007-996 et 2007-1003 du 31 mai 2007 ;

Vu le décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2014 :

- le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que la caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre Ouest a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007, diligentée par les services de la direction des vérifications nationales et internationales, à l'issue de laquelle, à la suite de la mise en oeuvre de traitements informatiques conformément à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, il a été notamment constaté que des comptes d'épargne réglementée avaient été ouverts ou tenus en infraction à plusieurs dispositions du code monétaire et financier ; qu'un procès-verbal relevant ces irrégularités a été dressé le 3 avril 2009 ; que la CRCAM du Centre Ouest a en conséquence, sur le fondement de l'article 1739 du code général des impôts, été assujettie à des amendes pour un montant total de 340 208 euros par avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 7 octobre 2009 ; qu'elle fait appel du jugement en date du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande à fin de restitution de la somme de 340 208 euros qu'elle a acquittée ;

Sur la base légale des amendes litigieuses :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 312-3 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, en vigueur jusqu'au 18 décembre 2007, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 221-35 du même code : " Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit ou institution énumérée à l'article L 518-1 d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique, notamment sous forme d'exonération fiscale, en particulier les produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique définis au présent chapitre, de verser sur ces comptes des rémunérations supérieures à celles fixées par le ministre chargé de l'économie, ou d'accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés. (...) les infractions aux dispositions du présent article sont punies d'une amende dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 € (entre les ministres de l'économie et du budget) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1739 du code général des impôts, entré en vigueur le 1er janvier 2006 : " I. Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds à vue ou à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique, notamment sous forme d'exonération fiscale, ou d'accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés. (...) les infractions aux dispositions du présent article sont punies d'une amende fiscale dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 €. Un décret pris sur le rapport du ministre chargé du budget fixe les conditions d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles sont constatées et poursuivies les infractions " ;

4. Considérant que les infractions commises par la CRCAM du Centre Ouest au cours de l'année 2005 dans l'ouverture et la tenue des comptes d'épargne réglementée ne pouvaient légalement donner lieu à une amende sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1739 du code général des impôts dès lors que ces dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2006 ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a retenu ce fondement légal pour ces infractions ; que, toutefois, les amendes établies à raison de ces infractions trouvent leur fondement légal dans les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 312-3 du code monétaire et financier, dès lors que celles-ci sont rédigées dans les mêmes termes que celles de l'article 1739 du code général des impôts et que cette substitution de base légale ne prive la caisse d'aucune garantie ;

Sur la compétence des agents de la direction des vérifications nationales et internationales :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 351-2 du code monétaire et financier, en vigueur jusqu'au 18 décembre 2007 : " Les infractions aux dispositions de l'article L. 312-3 sont constatées comme en matière de timbre : par les comptables du Trésor ; par les agents des administrations financières. Les procès-verbaux sont dressés à la requête du ministre chargé de l'économie " ; que l'article L. 221-36 du même code, entré en vigueur le 19 décembre 2007, dispose que : " Les infractions aux dispositions de l'article L. 221-35 sont constatées comme en matière de timbre : par les comptables du Trésor ; par les agents des administrations financières. Les procès-verbaux sont dressés à la requête du ministre chargé de l'économie " ;

6. Considérant que ces dispositions permettent aux agents des administrations financières de constater les infractions à l'article L. 312-3 du code monétaire et financier et, depuis le 19 décembre 2007, à l'article L. 221-35 du même code ; que la direction des vérifications nationales et internationales, relevant de la direction générale des impôts jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 puis de la direction générale des finances publiques, est une administration financière ; qu'à la date du 3 avril 2009 à laquelle a été établi le procès-verbal constatant les infractions commises par la CRCAM du Centre Ouest, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui avait autorité sur cette direction, conjointement avec le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi pour ce qui est des attributions de ce dernier en matière de législation fiscale, devait être regardé comme un ministre " chargé de l'économie " au sens des dispositions précitées des articles L. 351-2 et L. 221-36 du code monétaire et financier ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence des agents de la direction des vérifications nationales et internationales doit être écarté ;

Sur la régularité du recours à la vérification de comptabilité :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent Livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. " ; qu'aux termes de l'article L. 47 A du même livre : " (...)II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés, et lorsque qu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise son choix parmi l'une des options suivantes (...) " ;

8. Considérant que les infractions que commettent les établissements de crédit dans l'ouverture et la tenue de comptes bénéficiant d'une aide publique sont constatées, ainsi qu'il a été dit au point 5, comme en matière de timbre ; que d'une part, ces établissements sont astreints, à raison de leur activité professionnelle, à la tenue et à la présentation de documents comptables ; que d'autre part, parmi ces documents comptables figurent ceux relatifs aux comptes ouverts dans leurs écritures au nom de leurs clients ; que dès lors, les agents compétents des administrations financières sont en droit de mettre en oeuvre les procédures prévues par les articles L. 13 et L. 47 A précités du livre des procédures fiscales afin de vérifier si ceux de ces comptes bénéficiant d'une aide publique ont été ouverts ou tenus par un établissement de crédit dans des conditions régulières au regard des prescriptions résultant du code monétaire et financier ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du recours à ces procédures ne saurait être accueilli ;

Sur le bien-fondé des amendes contestées :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (entre les ministres de l'économie et du budget) " ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que les infractions aux interdictions qu'elles édictent sont punies d'une amende dont le taux est égal à 100% du montant des intérêts payés aux détenteurs des comptes ouverts ou tenus irrégulièrement et qui ne peut être inférieure à 75 euros par infraction ; que cette amende vise à réprimer le défaut de respect par les établissements de crédit de leur obligation de veiller au respect des conditions légales d'ouverture, dans leurs écritures, de comptes d'épargne réglementée bénéficiant d'une aide publique et des plafonds de dépôts effectués par leurs clients sur ces comptes ; que, compte tenu, d'une part, de cet objet d'intérêt général et de la nécessité de donner à cette amende un caractère suffisamment dissuasif pour les établissements de crédit qui ne respectent pas leurs obligations, d'autre part, de ce que l'assiette sur laquelle s'applique le taux de 100% est constituée par les seuls intérêts versés sur lesdits comptes, ni ce taux de 100%, quand bien même il est unique, ni le minimum de 75 euros, eu égard à sa modicité en valeur absolue, n'apparaissent comme disproportionnés au regard de la gravité du comportement que cette amende a pour but de réprimer ; que le juge administratif, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende infligée par l'administration, soit d'en prononcer la décharge ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la caisse requérante, les dispositions législatives dont il s'agit ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CRCAM du Centre Ouest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CRCAM du Centre Ouest demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la CRCAM du Centre Ouest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président de chambre,

M. Bertrand Riou, président assesseur,

Mme Munoz-Pauziès, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 janvier 2015

Le rapporteur,

Bertrand RIOULe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Virginie MARTY

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N° 13BX00620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00620
Date de la décision : 20/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-09-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. CALCUL DE LA TAXE. TAUX. - AMENDE FISCALE PRÉVUE À L'ARTICLE 1739 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS - RECOURS À LA VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - PROPORTIONNALITÉ (ARTICLE 6-1 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES).

19-06-02-09-01 En vertu des articles L. 221-35 du code monétaire et financier (ex article L. 312-3) et de l'article 1739 du code général des impôts (entré en vigueur le 1er janvier 2006), il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds à vue ou à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique, notamment sous forme d'exonération fiscale, ou d'accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés, et les manquements à cette interdiction sont punis d'une amende fiscale dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans pouvoir être inférieure à 75 euros.,,Les infractions étant constatées comme en matière de timbre, les agents vérificateurs sont en droit de recourir à la procédure de vérification de comptabilité et à la procédure prévue en la matière en cas de traitements informatiques afin de vérifier que les comptes ouverts dans les écritures d'un établissement de crédit et bénéficiant d'une aide publique l'ont été dans des conditions régulières ou n'ont pas fait l'objet de versements excédant ceux prévus par la réglementation propre à ces comptes.,,Compte tenu, d'une part, de l'objet d'intérêt général que poursuit l'instauration de cette amende et de la nécessité de donner à celle-ci un caractère suffisamment dissuasif pour les établissements de crédit qui ne respectent pas leurs obligations, d'autre part, de ce que l'assiette sur laquelle s'applique le taux de 100% est constituée par les seuls intérêts versés sur lesdits comptes, ni ce taux de 100%, quand bien même il est unique, ni le minimum de 75 euros, eu égard à sa modicité en valeur absolue, n'apparaissent comme disproportionnés au regard de la gravité du comportement que cette amende a pour but de réprimer. Compatibilité de cette amende avec l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-01-20;13bx00620 ?
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