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05/01/2015 | FRANCE | N°14BX02151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 05 janvier 2015, 14BX02151


Vu la requête enregistrée le 15 juillet 2014, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me B...;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400254 du 15 mai 2014 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2013 du préfet de la Haute-Vienne rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux et, d'autre p

art, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer u...

Vu la requête enregistrée le 15 juillet 2014, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me B...;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400254 du 15 mai 2014 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2013 du préfet de la Haute-Vienne rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et de travail temporaire ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision, le tout dans un délai d'un mois ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois ;

4°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de 1'Union européenne statuant sur la question préjudicielle posée par le tribunal administratif de Melun ou, avant-dire droit, de saisir la cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'applicabilité et la portée du contradictoire préalable et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne quant aux mesures portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil des sommes de 1 800 euros au titre de la première instance et de 2 400 euros au titre de l'appel en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- s'agissant du refus de séjour, il est entaché d'un vice de forme ; en effet, la gravité de son état de santé et de celle du climat contextuel dans lequel elle évolue aujourd'hui relèvent de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que le directeur général de l'agence régionale de santé aurait dû être saisi pour avis par le préfet ;

- aucune considération ni élément pris en compte par l'administration au-delà de la seule mention d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé, non étayé ni motivé, n'apparaissent ; les décisions contestées se contentent de viser cet avis de l'autorité médicale dont il apparaît d'ailleurs qu'elle s'était prononcée en sens contraire les années précédentes ; l'avis du médecin n'est que consultatif et ne lie en rien le préfet ; le préfet n'a pas exercer les compétences qu'il tient des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues et le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et de fait quant à la situation de son état de santé ; l'accès gratuit aux soins, qu'il s'agisse des médicaments ou des soins psychiatriques, en Arménie est très théorique ; le coeur du problème de santé est son isolement notamment psychique alors qu'elle vient de perdre son époux, qu'elle a un besoin vital d'être entourée de sa famille et qu'aucun traitement ne pourra la remplacer ;

- le refus de séjour viole son droit à une vie privée et familiale normale et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, d'autant que son état de santé s'est aggravé depuis le jugement attaqué et elle développe un trouble de l'adaptation avec anxiété ;

- ce refus de séjour méconnaît l'intérêt supérieur de ses deux petits enfants qu'elle garde et accompagne à l'école ; sa présence permet aux parents de travailler, de suivre des formations et de subvenir ainsi à leurs besoins ; cette décision méconnait les dispositions de l'article 371-4 du code civil aux termes desquelles l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants ;

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, ces décisions ont été prises en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et, plus particulièrement de la décision fixant le pays de renvoi, de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement au titre du droit à la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur des enfants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2014, présenté par le préfet de la Haute-Vienne, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- à la date du refus de séjour, la requérante n'ayant produit aucun élément ou document susceptible d'apprécier différemment son état de santé, il a considéré que si cet état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante pouvait néanmoins bénéficier d'un suivi approprié dans son pays d'origine et voyager ;

- il est inexact qu'il se serait senti lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- si la requérante fait état d'une aggravation de son état de santé qui serait attestée par un médecin du centre hospitalier d'Esquirol à Limoges, elle ne l'établit

- s'agissant de l'absence d'avis du directeur général de l'agence régionale de santé, il a estimé qu'il ne lui appartenait pas de le saisir à défaut pour la requérante d'avoir invoqué des circonstances humanitaires exceptionnelles ;

- l'entrée en France de la requérante est récente ; elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de cinquante cinq ans ; il n'est pas établi qu'elle serait totalement isolée en cas de retour dans son pays d'origine ; sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de séjour ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, elles n'ont pas été prises en méconnaissance du droit de la requérante d'être entendue dès lors qu'il lui était loisible de produire tous éléments de fait et de droit et de demander, le cas échéant, un entretien auprès du service des étrangers de la préfecture ;

- l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissent de manière spécifique les règles de procédure applicables aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et leur indispensable corollaire que sont les décisions fixant le pays de renvoi ;

- ces décisions ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 3 novembre 2014 ;

Vu le mémoire en production de pièces enregistré le 1er décembre 2014, présenté pour MmeD... ;

Vu la décision du 12 juin 2014 du bureau d'aide juridictionnelle admettant Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 5 novembre 2014, dans l'affaire C-166/13 ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2014 :

- le rapport de M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., épouseD..., de nationalité arménienne née en 1956, est entrée, selon ses déclarations, sur le territoire français au mois d'avril 2011 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 29 février 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 5 septembre 2013 de la Cour nationale du droit d'asile ; que par un courrier du 14 juin 2013, Mme D...a demandé au préfet de la Haute-Vienne la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé ; que, par un arrêté du 18 novembre 2013, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que, le 17 janvier 2014, elle a demandé au préfet de reconsidérer sa décision ; que Mme D...fait appel du jugement du 15 mai 2014 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cet arrêté du 18 novembre 2013, ensemble la décision rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et de travail temporaire ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision, le tout dans un délai d'un mois ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11 de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale / - la durée prévisible du traitement / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;

3. Considérant que si la requérante entend soutenir que le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle en ne prenant en compte aucun élément au-delà de la seule mention de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et que la disponibilité alléguée de traitements dans son pays d'origine ne constitue pas un argument pertinent, il ressort des pièces du dossier que le préfet a également considéré que le besoin de Mme D...de se recueillir sur la tombe de son mari décédé le 4 mai 2013 ne nécessitait pas sa présence continue sur le territoire français ; que, par suite, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas examiné la situation personnelle de la requérante ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

4. Considérant que Mme D...soutient que le préfet de la Haute-Vienne aurait dû recueillir l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé en application des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que : " (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) " ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 4 précité de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, il appartient à un étranger de porter à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour ; que le préfet de la Haute-Vienne soutient sans être contredit que la requérante n'a invoqué, à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, aucune circonstance humanitaire exceptionnelle ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de solliciter l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; que les circonstances invoquées devant les premiers juges, puis devant la cour, et tirées de la présence en France de son fils et de ses deux petits enfants, du décès de son époux enterré à Limoges, et de l'isolement notamment psychique qui résulterait de son éloignement ne constituent pas en elles-mêmes des circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour en litige serait entachée d'irrégularité, faute d'avoir été précédée de la consultation du directeur général de l'agence régionale de santé ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'arrêté du 9 novembre 2011 ne peut être accueilli ;

5. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont rappelé que l'arrêté contesté indique que l'autorité médicale compétente a estimé que l'état de santé de Mme D...nécessitait certes une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié existe dans le pays d'origine de l'intéressée ; que les premiers juges ont également relevé que si la requérante soutient que la condition de disponibilité des traitements appropriés à son état de santé n'est pas pertinente, dès lors que c'est l'angoisse de se retrouver isolée et loin des siens, dans un pays qu'elle a fui, et dans lequel elle a vécu avec son époux, décédé récemment, qui engendre les troubles graves dont elle souffre ; qu'ils en ont déduit que les circonstances alléguées par Mme D...ne sont de nature ni à justifier une admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à contredire sérieusement les termes de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'il y a lieu d'adopter ces motifs retenus à juste titre par les premiers juges ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

7. Considérant que Mme D...fait valoir que le préfet de la Haute-Vienne ne cite pas les sources sur lesquelles lui-même et le médecin de l'agence régionale de santé se sont fondés pour estimer que les soins appropriés à son état de santé sont disponibles dans son pays d'origine ; que, toutefois, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code n'exigent du préfet de préciser sur quelles sources il s'est fondé pour déterminer la disponibilité ou l'indisponibilité du traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger sollicitant la délivrance d'un titre de séjour ;

8. Considérant que MmeD..., qui se prévaut d'un rapport traduit en français de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés afin de faire valoir que l'accès aux soins en Arménie est très théorique et, qu'en réalité, rien ne peut être obtenu sans payer le personnel et des termes de ce rapport qui contestent la position du ministère allemand des affaires étrangères et de celle de l'ambassade d'Allemagne à Erevan selon lesquelles de plus en plus de patients accèderaient gratuitement à un accompagnement médical, fait valoir que l'organisation mondiale de la santé a souligné, à diverses reprises, les déficiences dans l'accès aux soins en Arménie ; que, toutefois, si Mme D...fait état, dans des termes généraux, des difficultés d'accès aux traitements de santé existants dans son pays d'origine, ces circonstances ne permettent pas d'estimer que les traitements appropriés à son état de santé ne seraient pas disponibles dans ce pays ; qu'ainsi, si l'intéressée entend se prévaloir des termes du rapport indiquant que " les médicaments ne sont pas toujours disponibles et pas de la même qualité qu'en Europe ", les termes généraux de ce document ne permettent pas de contester sérieusement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que si Mme D... produit un certificat médical et une attestation en date des 22 avril et 27 novembre 2013 indiquant qu'elle suit des traitements médicaux pour " éléments dépressifs fluctuants ", ces documents, qui ne se prononcent pas sur la disponibilité ou non de ces traitements en Arménie, ne sont pas à eux-seuls de nature à infirmer l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, alors même que ce dernier aurait estimé que ces traitements n'étaient pas disponibles en 2010, 2011 et 2012 ; que si la requérante fait état devant la cour d'une aggravation de son état de santé qui serait attestée par un médecin du centre hospitalier d'Esquirol à Limoges, elle ne l'établit pas ; que, par suite, le refus de séjour contesté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de fait quant à la situation personnelle de la requérante ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant que Mme D...est entrée sur le territoire français au cours du mois d'avril 2011 en compagnie de son époux, décédé à Limoges le 4 mai 2013 ; que si l'intéressée demeure chez son fils, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", elle ne verse aux débats aucune pièce, à l'exception de deux photos de ses petits-enfants, permettant d'attester d'une quelconque intensité ou stabilité des liens qu'elle entretiendrait avec son fils ; que si elle se prévaut des dispositions de l'article 205 du code civil aux termes desquelles les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants dans le besoin, l'intéressée ne verse, en tout état de cause, aucun élément aux débats attestant d'une situation nécessitant qu'elle soit assistée de son fils ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles dépressifs dont elle fait état nécessiteraient une telle assistance ; que si Mme D...soutient en outre qu'elle élève ses petits-enfants, vit avec eux et s'occupe quotidiennement d'eux depuis deux ans pour l'aîné, et depuis la naissance de la cadette, les éléments qu'elle invoque, et particulièrement une attestation de la directrice de l'école maternelle de Corgnac, produite, au demeurant, postérieurement à l'intervention du refus de séjour contesté, et certifiant que la requérante accompagne et récupère régulièrement ses petits-enfants à l'entrée et à la sortie des classes de l'école, ne permettent pas d'estimer que les relations entretenues par l'intéressée avec ses petits-enfants seraient d'une intensité telle que la décision contestée puisse être regardée comme ayant porté à son droit au respect d'une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus de séjour qui lui ont été opposés ; que le préfet n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette autorité administrative n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour prise à l'encontre de Mme D...n'a pas pour effet de séparer cette dernière de ses petits enfants ; que, par suite, cette décision n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants au sens des dispositions précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en tout état de cause, cette décision ne méconnaît pas davantage les dispositions de l'article 371-4 du code civil aux termes desquelles l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

13. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement vers son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

14. Considérant que MmeD..., qui avait la possibilité, pendant l'instruction de sa demande, de faire connaître, de manière utile et effective, les éléments justifiant son admission au séjour, ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de 1'Union européenne d'une nouvelle question préjudicielle dès lors que cette juridiction s'est prononcée sur la demande de décision préjudicielle du tribunal administratif de Melun par son arrêt n° C-166/13 du 5 novembre 2014, ni de surseoir à statuer, Mme D... ne peut utilement soutenir qu'en prenant à son encontre une mesure d'éloignement et en fixant le pays de renvoi sans la mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000 ;

15. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et désigne le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué par Mme D... pour contester la légalité de ces décisions ;

16. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées ces deux décisions, doivent, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 10 et 11 ci-dessus, être écartés ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeD..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes dont Mme D...demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bernard Chemin, président,

M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller,

Lu en audience publique le 5 janvier 2015

Le rapporteur,

Jean-Louis Joecklé

Le président,

Bernard Chemin

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 14BX02151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02151
Date de la décision : 05/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Louis JOECKLÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-01-05;14bx02151 ?
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