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18/12/2014 | FRANCE | N°13BX01385

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 18 décembre 2014, 13BX01385


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai 2013 et 23 mai 2013, présentés pour la société par actions simplifiées U Prestair, dont le siège est PK 7 route de Rémire à Rémire-Montjoly (97357), représentée par son président directeur général en exercice, par Me A... ;

La société U Prestair demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101650 du 21 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 344 500 euros, majorée des in

térêts au taux légal capitalisés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai 2013 et 23 mai 2013, présentés pour la société par actions simplifiées U Prestair, dont le siège est PK 7 route de Rémire à Rémire-Montjoly (97357), représentée par son président directeur général en exercice, par Me A... ;

La société U Prestair demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101650 du 21 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 344 500 euros, majorée des intérêts au taux légal capitalisés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 89 500 euros au titre de la résiliation du marché de déroctage dans le port de Dégrad-des-Cannes conclu le 8 juillet 2011 et de 245 000 euros au titre du rejet de sa candidature pour un second marché, majorées des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicable au marchés publics de travaux annexé à l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2014 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que l'Etat a conclu le 8 juillet 2011 avec le groupement d'entreprises Sas U Prestair et Amazonie Démolition un marché de travaux, d'un montant de 89 500 euros, portant sur le déroctage d'un rocher situé dans le fleuve Mahury, au droit du quai n° 1 du port de Dégrad-des-Cannes, et sur le traitement des résidus de déroctage obtenus ; que les travaux devaient débuter le 6 juillet 2011 pour une durée prévue de 11 jours ; que, devant la découverte d'un second rocher, l'administration a proposé au titulaire du marché, le 9 août 2011, un avenant portant le marché à la somme de 150 250 euros ; que le 11 août 2011, l'entreprise Sas U Prestair, qui avait établi le 26 juillet 2011 un devis à la somme de 245 000 euros, a refusé de signer cet avenant ; que la société ayant quitté le chantier, l'administration, par décision du 11 août 2011, a mis en demeure l'entreprise Sas U Prestair de reprendre les travaux sous peine de résiliation ; que, le 26 août 2011, l'administration a prononcé la résiliation simple du marché pour fautes de l'entreprise tenant à l'abandon du chantier sans information préalable du maître d'ouvrage et à l'emploi de sous-traitants non déclarés ; que le même jour, l'administration a rejeté la candidature présentée par la Sas U Prestair au titre de la nouvelle procédure de marché lancée par l'Etat pour le déroctage des deux rochers ; que l'administration a finalement retenu l'offre de l'entreprise SCAPH, d'un montant de 298 800 euros ;

2. Considérant que la société U Prestair relève appel du jugement n° 1101650 du 21 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 89 500 euros à titre de résiliation abusive et fautive du premier marché et de 245 000 euros au titre de l'illégalité du rejet de sa candidature au second marché ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que le jugement attaqué, après avoir rappelé l'abandon du chantier par la société requérante, mentionne dans son point 4 que " si la technique d'explosifs utilisée par la société Amazonie Démolition s'est avérée inefficace, la Sas U Prestair a par la suite utilisé une nouvelle technique, en recourant à la sous-traitance, sans avoir sollicité l'accord au maître d'ouvrage ; que les fautes ainsi commises justifient l'une comme l'autre la sanction de résiliation prise à l'encontre de l'entreprise " ; que les premiers juges ont ainsi suffisamment répondu, au regard de l'argumentation présentée devant eux, au moyen tiré de ce que l'entreprise n'aurait pas commis de faute en s'abstenant de déclarer son sous-traitant ;

4. Considérant que le jugement attaqué mentionne que " la résiliation prononcée à l'encontre de l'entreprise Sas U Prestair est une résiliation simple, et non aux frais et risques de l'entreprise ; que, par suite, en tout état de cause, la requérante ne saurait utilement invoquer l'absence d'indication des voies et délais de recours, l'erreur dans l'intitulé du marché et l'absence du respect du délai de mise en demeure prévu à l'article 48 du cahier des clauses administratives générales " ; qu'il est constant qu'une résiliation simple même irrégulière n'ouvre pas droit à indemnité si elle est justifiée au fond ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la résiliation du marché ne pouvait être prononcée avant le 2 septembre 2011, date de réception de la mise en demeure et de ce que le défaut de mise en demeure préalable à la résiliation du marché constituait une irrégularité entachant la procédure de résiliation, était inopérant au regard des conclusions indemnitaires présentées par la société ; que dans ces conditions les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement ;

5. Considérant que le jugement attaqué, après avoir constaté que l'entreprise avait abandonné le chantier sans remplir ses obligations contractuelles, mentionne " qu'il n'est pas contesté que le dossier de l'entreprise Sas U Prestair ne contenait aucun élément ou garantie supplémentaire par rapport à sa précédente soumission, qui avait révélé son incapacité technique à assurer les prestations contractuelles dans le délai fixé ; que, dans ces circonstances, l'administration a pu à bon droit écarter la candidature de la requérante en raison de l'insuffisance de ses capacités professionnelles et techniques " ; que les premiers juges ont ainsi suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la société présentait des garanties techniques dès lors que la destruction du rocher au titre de premier marché aurait garanti sa capacité à exécuter le second marché ;

6. Considérant qu'en se bornant à soutenir que les premiers juges ont retenu sa faute dans l'exécution du premier marché alors qu'elle n'est pas responsable du bouleversement dans l'économie du contrat, lequel résulte de la faute de l'administration dans la définition des besoins du marché, la société ne démontre aucune contradiction de motifs dans le raisonnement des premiers juges, laquelle n'entacherait d'ailleurs pas le jugement d'irrégularité ;

Sur la demande indemnitaire liée à la résiliation du marché prononcée le 26 août 2011 :

7. Considérant que la société U Prestair soutient tout d'abord que les irrégularités formelles dans la procédure de la résiliation lui ouvrent droit à indemnisation ;

8. Considérant que si dans la décision de résiliation, il est mentionné que l'intitulé du marché consiste à " ramener le sommet des rochers qui a été trouvé à 21 mètres de la passerelle des lamaneurs du quai n°1 à -7,80 mètres CM " alors que l'acte d'engagement indiquait que l'objet du marché était de " ramener le sommet du rocher... ", cette erreur de plume est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : " Lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit.

Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, en se bornant à adresser copie de la mise en demeure datée du 11 août 2011 par courrier électronique, sans s'assurer de la bonne réception de ce message, ait notifié cette mise en demeure dans les formes au moins quinze jours avant la résiliation ; qu'en notifiant ce courrier par lettre recommandée dont il a été accusé réception seulement le 2 septembre 2011, soit après que la résiliation ait été prononcée, l'Etat a donc procédé à la résiliation selon une procédure irrégulière ;

10. Considérant toutefois et ainsi qu'il a été dit précédemment que l'illégalité de la procédure de résiliation pure et simple ne serait susceptible d'ouvrir droit à réparation au profit de la société U Prestair que dans le cas où cette résiliation ne serait pas justifiée ;

11. Considérant que si la société soutient, en premier lieu, avoir réalisé l'ensemble des prestations auxquelles elle s'était engagée en procédant à la destruction du volume de roche correspondant aux dimensions de la roche décrite dans le marché, il résulte de l'instruction que selon l'acte d'engagement du marché signé le 8 juillet 2011, la société U Prestair s'était engagée à ramener le rocher à la cote maritime - 7,80 mètres et à traiter les résidus de déroctage obtenus ; qu'elle ne pouvait ainsi se limiter à extraire un volume de roche sans atteindre la cote prescrite, et abandonner le chantier ; qu'elle n'établit pas avoir respecté son engagement contractuel en se prévalant de résultats reconnus probants au cours d'une réunion de chantier du 3 août 2011, mais nécessitant encore quinze jours de travaux ; qu'elle n'apporte aucune justification de l'interruption des travaux et du repliage de ses installations ; que le motif de la résiliation tenant à l'abandon du chantier était ainsi justifié, sans que la société puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle a rempli son obligation de conseil auprès du maître d'ouvrage en attirant son attention dès l'origine sur la modification des conditions de travail en raison des informations complémentaires sur la dimension du premier rocher, plus importante qu'envisagé, et sur l'existence d'un second rocher ;

12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 112 du code des marchés publics, dont les dispositions sont reprises à l'article 3.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : " Le titulaire d'un marché public de travaux, d'un marché public de services ou d'un marché industriel peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu du pouvoir adjudicateur l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société U Prestair ait procédé à la déclaration du sous-traitant qu'elle engageait, comme elle devait le faire en application des dispositions de l'article 112 du code des marchés publics et de l'article 3.6 du cahier des clauses administratives générales ; que le second motif de la résiliation était donc également justifié ; que, par suite, la société U Prestair n'est pas fondée à soutenir que l'irrégularité de la procédure de mise en demeure lui ouvrirait droit à indemnité ;

13. Considérant que la société U Prestair soutient également que les fautes commises par l'administration justifient sa demande indemnitaire au titre d'une résiliation aux torts de l'Etat ;

14. Considérant que la circonstance que l'administration aurait méconnu ses obligations au titre de l'établissement du décompte, alors au demeurant que le titulaire n'a pas mis l'administration en demeure de l'établir avant toute réclamation des sommes dues, ne peut ouvrir droit à réparation du préjudice lié à la résiliation, qui lui est nécessairement antérieure ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la résiliation est motivée par l'abandon du chantier de déroctage du rocher trouvé devant le quai n° 1 du port de Degrad-des-Cannes ; que par suite, la circonstance que ce marché, dont l'objet ne concernait qu'un seul rocher, ne mentionnait pas l'existence d'un second rocher ne peut être regardée comme une faute de l'administration dans la définition de ses besoins ; que la société U Prestair n'est pas fondée non plus à reprocher à l'autorité adjudicatrice d'avoir mal évalué le volume du rocher, dès lors qu'en vertu des stipulations du marché, il lui appartenait de prendre connaissance de la consistance et des difficultés du travail à réaliser, sur lesquels d'ailleurs l'administration avait attiré son attention, préalablement au dépôt de son offre ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, qui a accepté que l'entreprise continue ses travaux au-delà du délai prescrit et qui a envisagé la signature d'un avenant, aurait tenté de bloquer l'exécution du marché ; qu'il est enfin constant qu'aucun avenant au marché, susceptible d'en bouleverser l'économie dans des conditions de nature à rendre nécessaire un nouvel appel à candidatures, n'a été signé, même si les parties ont envisagé de le faire ; que la société U Prestair n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis des fautes lui ouvrant droit à réparation au titre du marché conclu le 8 juillet 2011 ;

16. Considérant enfin que si la société souligne qu'elle n'a pas obtenu la rémunération des prestations effectivement réalisées, il lui appartient seulement de mettre en demeure l'administration d'établir le décompte de résiliation, sans qu'elle puisse utilement solliciter à titre de dommages-intérêts le montant initial de son marché ;

Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice subi du fait de la décision de rejet de sa candidature pour le second marché :

17. Considérant que le pouvoir adjudicateur ne pouvait se fonder uniquement sur les manquements allégués de l'entreprise dans l'exécution de précédents marchés pour écarter la candidature au marché passé selon une procédure adaptée, sans rechercher si d'autres éléments du dossier de candidature de la société permettaient à celle-ci de justifier de garanties techniques et financières propres à assurer la bonne exécution du marché ; qu'il résulte de l'instruction que la société U Prestair n'a pu respecter aucun des délais qu'elle avait successivement annoncés, et qu'après avoir testé cinq méthodes différentes pour dérocter le bloc de diorite, dont la nature de la roche était précisée contrairement à ce qu'elle allègue dans le cahier des charges initial du premier marché, elle n'a pu enlever qu'une petite partie de la roche avant d'abandonner le chantier ; que ces éléments révélaient son incapacité technique à assurer les prestations contractuelles dans le délai fixé ; qu'aucun élément de son dossier n'était de nature à contredire cette appréciation, alors que l'absence de déclaration de son sous-traitant dans le marché précédent ne permettait pas d'apprécier dans quelle mesure les capacités techniques de celui-ci auraient permis de suppléer les siennes ; que, dans ces conditions, la société U Prestair n'est pas fondée à soutenir qu'en lui opposant les conditions d'exécution de son précédent marché pour rejeter sa candidature, l'Etat aurait inexactement apprécié ses capacités professionnelles ; que son offre ayant été écartée au stade de l'examen des candidatures, la société U Prestair ne peut se prévaloir utilement ni de ce qu'elle utilisait un explosif dont l'administration avait indiqué qu'il commençait à produire des résultats ni de ce que son offre était mieux disante, dès lors que ces éléments ne devaient être examinés qu'au stade, ultérieur, de l'examen du contenu des offres ; que, dans ces conditions, la société U Prestair n'est pas fondée à soutenir que sa candidature aurait été irrégulièrement écartée dans des conditions de nature à lui ouvrir droit à indemnité ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société U Prestair n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société U Prestair au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société U Prestair est rejetée.

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No 13BX01385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX01385
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Approbation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : MARCAULT-DEROUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-12-18;13bx01385 ?
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