Vu le recours, enregistré le 16 avril 2013, présenté par le ministre de la défense ;
Le ministre de la défense demande à la cour d'annuler le jugement n° 0905486 du 21 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 1000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors de l'intervention chirurgicale du 22 avril 1976 intervenue à l'hôpital militaire de Larrey ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
1. Considérant que M.B..., affecté dans les troupes aéroportées de Tarbes, a été victime d'une blessure au genou droit lors d'un saut en parachute à l'automne 1973 ; qu'il a subi, le 22 avril 1976, une intervention chirurgicale à l'hôpital d'instruction des armées Larrey de Toulouse, consistant en une méniscectomie ; que, dans les suites opératoires, des douleurs ont persisté au genou opéré et une suppuration de la plaie avec isolement d'un staphylocoque aureus pathogène pour lequel il a été traité par antibiotique s'est manifestée ; que, devant la persistance des douleurs au genou, une scintigraphie osseuse a été réalisée le 7 janvier 2008 et une arthroscopie le 31 janvier 2008 à la clinique du parc Rambot à Aix en Provence, qui ont révélé des lésions du ménisque ; qu'une biopsie synoviale a en outre révélé l'existence d'une infection par propioni bacterium ; qu'en avril 2008, une consultation à l'hôpital Nord de Marseille confirme la réalité d'une arthrite septique ; qu'imputant son infection et son état de santé aux suites de l'intervention chirurgicale subie le 22 avril 1976, M. B...a demandé la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis du fait de cette intervention ; que, par jugement du 21 février 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser une indemnité de 1 000 euros à M. B...en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contracté lors de l'intervention chirurgicale du 22 avril 1976 ; que le ministre de la défense relève appel de ce jugement, dont M.B... demande, par la voie de l'appel incident, la réformation en tant qu'il lui accorde une somme qu'il estime insuffisante ;
Sur l'exception de prescription :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. " ; que le deuxième alinéa de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 dispose que " les dispositions de la section 6 du chapitre II du titre IV du livre 1er de la première partie du (code de la santé publique) sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique que le législateur a entendu instituer une prescription décennale se substituant à la prescription quadriennale instaurée par la loi du 31 décembre 1968 pour ce qui est des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale ; qu'il s'ensuit que ces créances sont prescrites à l'issue d'un délai de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage ; qu'en prévoyant à l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 que les dispositions nouvelles de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique relatives à la prescription décennale en matière de responsabilité médicale sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi et qui n'avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait été engagée, à une décision irrévocable ; que l'article 101 de cette loi n'a cependant pas eu pour effet, en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisées : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ; tout recours formé devant la juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...), toute communication écrite d'une administration intéressée (...) dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " la prescription ne court [pas] (...) contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale ; que le point de départ de cette prescription est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ;
5. Considérant que le ministre de la défense soutient que la créance de M. B... était prescrite au motif que la date de consolidation à retenir est celle du dommage résultant de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention qu'il a subie le 22 avril 1976 à l'hôpital d'instruction des armées Larrey de Toulouse et non celle de l'état de santé du genou droit de M.B... et que la consolidation du dommage résultant de cette infection nosocomiale a été acquise il y a plus de 10 ans ;
6. Considérant que l'infection nosocomiale à staphylococcus aureus que M. B... a présenté à la suite de la méniscectomie subie le 22 avril 1976 à l'hôpital d'instruction des armées Larrey de Toulouse a été diagnostiquée dès le 29 avril 1976 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 7 juillet 2009 que l'évolution de cette infection a été favorable malgré des écoulements cutanés qui ont perduré jusqu'au traitement antibiotique, que la plaie s'est refermée en 1977 à la suite de soins locaux et anti-inflammatoires et que depuis 1977, M. B...n'a connu aucune séquelle évolutive en lien avec l'infection nosocomiale diagnostiquée en 1976 ; qu'ainsi l'origine de cette infection et l'étendue du préjudice en résultant ne pouvaient pas être ignorés de M. B...dès 1977 ; que dès lors le délai de prescription a commencé à courir, pour la créance afférente à ce préjudice, le 1er janvier 1978 ; qu'en application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, la prescription de cette créance est acquise le 31 décembre 1981 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, ni n'est allégué par M.B..., qu'avant cette date, il aurait été dans l'impossibilité d'agir afin de préserver ses droits ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser une indemnité de 1 000 euros à M. B...en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors de l'intervention chirurgicale du 22 avril 1976 ;
7. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...;
8. Considérant que M. B...soutient que l'infection dont il a été victime en 2008 et son lien avec l'intervention subie en 1976 n'ont été établis et portés à sa connaissance que dans le rapport d'expertise du 7 juillet 2009 ; que, toutefois, si des lésions méniscales et une arthrite septique ont été diagnostiqués lors de la scintigraphie osseuse et de l'arthroscopie réalisées en janvier 2008 et qu'une biopsie synoviale a révélé une infection par propioni bacterium, il résulte de l'instruction et du rapport de l'expert qu'aucun lien de causalité ne peut être établi entre l'infection nosocomiale diagnostiquée en 1976 et les conséquences médicales de la complication infectieuse par propioni bacterium révélée en 2008 ; qu'ainsi, M. B...n'est pas fondé à demander réparation de ces derniers chefs de préjudices qui n'ont pas de lien avec la faute commise à l'hôpital d'instruction des armées Larrey de Toulouse ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 0905486 du 21 février 2013 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetés.
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No 13BX01052