Vu la requête enregistrée le 9 mai 2014, présentée pour M. et MmeA... C...demeurant..., par Me Gacem ;
M. et Mme C...demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1300357 du 25 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, née du silence gardé sur leur recours gracieux du 19 décembre 2011, du préfet de la Gironde confirmant l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2011 refusant d'accorder à M. C... le regroupement familial au profit de son épouse ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de faire droit à la demande de regroupement familial et de délivrer à Mme C...une carte de résident ou, à tout le moins, de réexaminer ladite demande, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2014 :
- le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Gacem, avocat de M. et MmeC... ;
1. Considérant que, le 18 août 2011, M.C..., titulaire d'un certificat de résidence algérien valable dix ans, a présenté une demande de regroupement familial au profit de son épouse, que le préfet de la Gironde a rejetée par une décision du 21 novembre 2011 ; que, par lettre du 19 décembre 2011, l'intéressé a formé un recours gracieux contre cette décision ; que M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite rejetant ce recours gracieux ; qu'ils relèvent appel du jugement en date du 25 février 2014 par lequel le tribunal a rejeté leur demande au motif que le préfet ne pouvait être regardé comme ayant implicitement rejeté le recours gracieux présenté par M.C... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dans sa rédaction alors applicable : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet (...) ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2001-492 du décret du 6 juin 2001 : " Lorsque la demande est incomplète, l'autorité administrative indique au demandeur les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de la demande (...) Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces.(...) Le délai au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces requises (...) La liste des pièces manquantes, le délai fixé pour leur production et la mention des dispositions prévues, selon le cas, au deuxième ou au troisième alinéa du présent article figurent dans l'accusé de réception (...) " ;
3. Considérant que, pour soutenir qu'aucune décision implicite de rejet du recours gracieux n'est intervenue, le préfet de la Gironde se prévaut de ce que M. C...n'a pas répondu à une demande de complément d'information qui lui a été adressée le 8 mars 2012 ; que, toutefois, alors que les requérants affirment n'avoir jamais reçu cette demande, le préfet, qui est seul en mesure d'apporter la preuve de son envoi à l'adresse alors connue de l'administration, n'apporte pas cette preuve et ne justifie pas ainsi de ce que le délai faisant naître une décision implicite de rejet a été effectivement suspendu en application des dispositions précitées du décret du 6 juin 2001 ; qu'en tout état de cause, le préfet ne conteste pas que, comme le font valoir les requérants, il a été répondu par courrier du 26 septembre 2012, à la suite d'une lettre du préfet du 19 juillet 2012 consécutive à une demande de communication des motifs du rejet implicite, aux demandes de compléments d'information qui avaient été formulées par les services préfectoraux, de sorte qu'une décision implicite de rejet est nécessairement née avant que le tribunal administratif ne statue, le 25 février 2014, sur la demande des épouxC... ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté cette demande comme dépourvue d'objet à défaut de décision implicite de rejet du recours gracieux ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
5. Considérant que le recours des époux C...doit être regardé comme tendant à l'annulation non seulement du rejet implicite de leur recours gracieux dirigé contre le refus de regroupement familial opposé le 21 novembre 2011 à M.C..., mais aussi de ce refus ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MC..., qui dispose d'un certificat de résidence algérien valable dix ans, est présent sur le territoire national depuis de nombreuses années et y travaille comme intérimaire ; qu'il démontre disposer de fortes attaches familiales sur le territoire français, où réside notamment son enfant, de nationalité française, né d'une précédente union, qu'il justifie prendre en charge régulièrement ; qu'il a épousé, le 16 avril 2011, une compatriote qui se trouvait sur le territoire national depuis le 13 février 2010 ; que de cette union est né un premier enfant, le 6 août 2011 ; que, dans ces conditions, et alors de plus que la naissance d'un second enfant, bien que postérieure à la décision attaquée, atteste de la solidité des liens entre les époux, le préfet de la Gironde, en refusant d'accorder à M. C...le regroupement familial au profit de son épouse, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme C...sont fondés à demander l'annulation de la décision du préfet de la Gironde du 21 novembre 2011 refusant d'accorder à M. C...le regroupement familial au profit de son épouse, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur le recours gracieux dirigé contre ce refus ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant qu'eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à Mme C...un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " conformément aux stipulations de l'article 7 bis d) de l'accord franco-algérien susvisé ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit toutefois besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que les requérants ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gacem, avocat des requérants, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Gacem ;
DECIDE :
Article 1er : le jugement n°1300357 du 25 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux, la décision du 21 novembre 2011 du préfet de la Gironde refusant d'accorder à M. C...le regroupement familial au profit de son épouse, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur le recours gracieux du 19 décembre 2011 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme C...un certificat de résidence d'algérien portant la mention " vie privée et familiale " conformément aux stipulations de l'article 7 bis d) de l'accord franco-algérien susvisé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Gacem au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gacem renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
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N°14BX01425