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16/10/2014 | FRANCE | N°14BX01033

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 14BX01033


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 2 avril 2014 et régularisée le 8 avril 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Barbot-Lafitte, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400959 du 28 février 2014 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne du 24 février 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention ;



2°) d'annuler les décisions précitées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-G...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 2 avril 2014 et régularisée le 8 avril 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Barbot-Lafitte, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400959 du 28 février 2014 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne du 24 février 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention ;

2°) d'annuler les décisions précitées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou à tout le moins de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance outre la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public.

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2014 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant comorien né en 1986, est entré en France en 2010 selon ses déclarations ; qu'il a été interpellé à Toulouse le 24 février 2014 par les services de police ; qu'il relève appel du jugement n° 1400959 du 28 février 2014 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne du 24 février 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire :

2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...)/ La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). " ;

3. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire français vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle mentionne également que M. B...est présent sur le territoire français depuis juin 2010, qu'il n'a pas satisfait à l'exigence de la déclaration d'entrée sur le territoire français et n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation depuis son entrée en France ; que le préfet indique qu'il n'établit pas l'existence de lien personnels et familiaux intenses et durables en France alors que son père et ses frères et soeurs résident dans son pays d'origine ; que le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit, par suite, être écarté ;

4. Considérant en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de cet arrêté que le préfet de Haute-Garonne s'est livré à un examen approfondi de l'ensemble de la situation de M. B... ;

5. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) / ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que M.B..., qui est entré sur le territoire national en juin 2010 selon ses dires, et se serait fiancé en septembre 2013, n'établissait pas, à la date de la décision attaquée, qu'il serait le père de l'enfant attendu par sa compagne, qu'il n'a reconnu que le 25 mars 2014 ; que les attestations de témoins, toutes également postérieures à la date de l'arrêté contesté, ne permettent en tout état de cause pas d'établir l'existence, à la date de la décision attaquée, d'une communauté de vie affective et d'intérêts entre les fiancés, qui n'ont pas de domicile commun ; que, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M.B..., qui ne conteste pas avoir des attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où résident son père et tous ses frères et soeurs, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces mêmes circonstances ne sont pas de nature à faire regarder la décision portant obligation de quitter le territoire français comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B... ;

7. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d 'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;

8. Considérant que l'arrêté du 24 février 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il précise que le requérant ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement en cause ; que l'arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles est fondée la décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire à M. B...et est donc suffisamment motivé sur ce point ;

9. Considérant en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne, qui a examiné la situation de M. B...contrairement à ce que soutient ce dernier, se serait estimé en situation de compétence liée ou aurait méconnu son pouvoir d'appréciation pour décider de ne pas accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire ;

10. Considérant en sixième lieu, qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français ; que l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 en prévoyant que ces décisions n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations, ne saurait être utilement invoqué par M. B...pour contester la légalité de l'obligation de quitter le territoire français ou du refus de lui accorder un délai de départ volontaire ;

11. Considérant en septième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6, que M. B...a vécu sur le territoire français sans avoir sollicité sa régularisation ; qu'il ne justifie, ni même n'allègue, en l'absence de ressources, disposer d'un domicile à son nom ; que s'il fait valoir qu'il réside chez sa tante à Toulouse, la seule attestation qu'il produit ne permet pas de justifier d'un hébergement stable ; qu'au surplus, M. B...ne dispose pas d'un passeport valide, et soutient sans l'établir avoir formulé une demande de délivrance de ce titre de voyage auprès des autorités consulaires comoriennes ; qu'alors même qu'il ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes propres à éviter le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français et, par suite, décider de refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative :

12. Considérant que l'arrêté de placement en rétention administrative contesté vise les dispositions des articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile asile et mentionne que M. B... ne peut quitter immédiatement le territoire français et qu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives, ne disposant ni d'un passeport, ni de ressources légales ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé en droit et en fait ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la directive 2008/115/CE : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. " ;

14. Considérant que si M. B...soutient que l'arrêté de placement en rétention dont il a fait l'objet méconnaît les dispositions précitées de l'article 15 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, cette directive a été entièrement transposée en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 codifiée aux articles précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, M. B...ne saurait se prévaloir directement des dispositions de ladite directive ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que M. B...ne présentait pas, à la date des décisions contestées, de garanties de représentation suffisantes ; qu'ainsi, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans méconnaître les dispositions précitées des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur d'appréciation, décider de placer l'intéressé en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne du 24 février 2014 ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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No 14BX01033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01033
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BARBOT - LAFITTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-10-16;14bx01033 ?
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