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29/09/2014 | FRANCE | N°14BX00480

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 29 septembre 2014, 14BX00480


Vu la requête enregistrée le 14 février 2014 par télécopie et régularisée par courrier le 3 mars 2014, présentée pour M. B...A..., retenu au ...à Cornebarrieu, par Me C...;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400084 du 10 janvier 2014 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Haute-Garonne l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et la décision du même jour prononçan

t son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enj...

Vu la requête enregistrée le 14 février 2014 par télécopie et régularisée par courrier le 3 mars 2014, présentée pour M. B...A..., retenu au ...à Cornebarrieu, par Me C...;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400084 du 10 janvier 2014 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Haute-Garonne l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de renvoi et la décision du même jour prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours sous la même astreinte ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2014 le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., se disant de nationalité portugaise, a déclaré être entré irrégulièrement en France il y a trois ans et s'y est maintenu en situation irrégulière qu'à la suite de son interpellation par la gendarmerie, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre, par un arrêté du 7 janvier 2014, une obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi ; que par une décision du même jour, le préfet a prononcé le placement de l'intéressé en rétention administrative ; que M. A...fait appel du jugement du 10 janvier 2014 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Considérant que par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 avril 2014 M.A... a obtenu l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, sa demande tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est devenue sans objet ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant que la mesure d'éloignement vise notamment les dispositions de l'alinéa 1er du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les circonstances de fait propres à la situation de M. A... ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) ", et qu'en vertu de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables (...) à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2,20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. (...) " ;

5. Considérant que le requérant soutient que le préfet ne pouvait légalement édicter une décision portant obligation de quitter le territoire français, sans saisir au préalable les autorités portugaises en vue de sa réadmission vers le Portugal et s'assurer de son droit à être éventuellement remis à ces autorités ;

6. Considérant que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre ; que, toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ; qu'en l'espèce, M. A...n'établit pas qu'il avait demandé à être reconduit en priorité vers le Portugal ; que, dans ces conditions, le préfet, qui n'a pas mis en oeuvre la procédure de réadmission, a pu légalement prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure d'éloignement sans avoir préalablement demander au Portugal sa réadmission ;

7. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que M. A...soutient qu'il a tissé des liens en France où réside l'une de ses soeurs et qu'il n'a plus de liens avec son pays d'origine ; que, toutefois, le requérant, qui a déclaré être célibataire et sans enfant à charge, est entré irrégulièrement en France en 2011 et s'y est maintenu sans demander la régularisation de sa situation ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

9. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

10. Considérant que pour contester la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le requérant soutient que le préfet ne pouvait légalement lui refuser un tel délai, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ; que, toutefois, il est constant que M. A..., qui est entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, ne possède aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que sa situation rentrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du a) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent à l'autorité administrative de priver l'étranger d'un délai de départ volontaire ; que, dans ces conditions, et alors même que la présence de l'intéressé sur le territoire ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet a pu, sans erreur de droit, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant que le préfet de la Haute-Garonne a désigné le pays de renvoi comme étant celui " dont il a la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible " ; que, contrairement à ce que soutient M.A..., cette décision ne rend pas impossible l'exécution de la mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :

12. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des autres pièces du dossier que le préfet n'ait pas envisagé une mesure moins coercitive que le placement en centre de rétention ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit doit être écarté ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) ; 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...). " ;

14. Considérant que M. A...soutient qu'il vit en France depuis plusieurs années, qu'il n'est pas sans attaches familiales en France puisque l'une de ses soeurs y vit, et que la circonstance que son domicile varie suivant l'exercice de ses missions en intérim dans le bâtiment ne signifie pas pour autant qu'il soit sans domicile fixe ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant ne dispose d'aucun document d'identité, que les autorités consulaires portugaises ont révélé qu'il avait présenté à la gendarmerie de faux documents d'identité et n'a jamais sollicité la régularisation de sa situation en France ; que, par suite, le préfet, a pu, à bon droit, décider de placer le requérant en rétention sans commette d'erreur d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. A...demande le versement à son conseil en application de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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No 14BX00480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00480
Date de la décision : 29/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MAINIER - SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-09-29;14bx00480 ?
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