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15/09/2014 | FRANCE | N°14BX00689

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 15 septembre 2014, 14BX00689


Vu la requête enregistrée le 28 février 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me C...;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302486 du 5 février 2014 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 10 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne

de réexaminer sa situation, de lui délivrer une carte temporaire de séjour d'un an dans un dél...

Vu la requête enregistrée le 28 février 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant..., par Me C...;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302486 du 5 février 2014 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 10 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer sa situation, de lui délivrer une carte temporaire de séjour d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans un délai de quinze jours et dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de M. Bernard Chemin, président ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant algérien, est entré en France le 28 novembre 2007 selon ses dires, muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'il a bénéficié d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade qui a été renouvelé jusqu'en juillet 2012 ; que par un arrêté du 14 janvier 2013, le préfet de la Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de renvoi ; que le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 2 mai 2013, a annulé cet arrêté en tant qu'il obligeait l'intéressé à quitter le territoire français ; que M. D...a alors présenté, le 6 juin 2013, une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'au vu de l'avis rendu le 18 juin 2013 par le médecin de l'agence régionale de santé Poitou-Charentes, le préfet de la Vienne, par un arrêté du 10 octobre 2013, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. D... fait appel du jugement du 10 octobre 2013 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté dans son ensemble :

2. Considérant que l'arrêté du 10 octobre 2013 a été signé par M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture, qui, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 12 juillet 2013 du préfet de la Vienne, régulièrement publié le 15 juillet 2013 au recueil n° 40 des actes administratifs de la préfecture, a reçu délégation de signature pour l'ensemble des décisions relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces dispositions, qui sont suffisamment précises, donnaient compétence à M. Yves Seguy pour signer l'arrêté contesté du 10 octobre 2013 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Considérant que la décision contestée mentionne, au vu de l'avis émis le 18 juin 2013 par le médecin d'agence régionale de santé Poitou-Charentes, que si l'état de santé de M. D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, son état de santé lui permettant par ailleurs de voyager sans risque ; qu'ainsi, la décision de refus de séjour contestée, qui n'avait pas à mentionner les éléments médicaux propres à la situation du requérant, lesquels sont couverts par le secret médical, est suffisamment motivée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ; que selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande des certificats de résidence : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

5. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande sur le fondement des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que le ressortissant algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

6. Considérant que la circonstance que l'autorité médicale a, par le passé, été d'avis que M. D...ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ne faisait pas obstacle à ce que son opinion évolue sur ce point, soit parce qu'il estimait que l'intéressé se trouvait dans une phase moins critique de sa pathologie, soit parce qu'il constatait que les traitements dont il a besoin sont désormais disponibles dans son pays ; que M. D... ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir de la délivrance de deux certificats de résidence antérieurs en raison de son état de santé ;

7. Considérant qu'il est constant que si l'état de santé de M.D..., qui souffre d'une pathologie dégénérative de la cornée dite " kératocône bilatéral " ayant justifié la réalisation en 2008 d'un traitement par irradiation de la cornée de l'oeil droit, et en 2010 d'une greffe de cornée de l'oeil gauche, nécessite une prise en charge médicale, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que cette prise en charge, qui consistait, à la date de la décision contestée, en une surveillance en milieu spécialisé tous les six mois, ne pourrait être assurée en Algérie ; qu'en admettant même que, par le certificat médical que le requérant produit en appel, établi le 26 février 2014 par le DrB..., ophtalmologue, l'intéressé présenterait un phénomène de rejet de la greffe de cornée pratiquée en 2010, ce dernier fait une constatation résultant d'une évolution de l'état de santé de M. D...postérieurement à la décision contestée, qui est sans influence sur la légalité de celle-ci ; que si M. D... soutient que le coût du traitement approprié à son état de santé constitue un obstacle à sa prise en charge en Algérie, il n'apporte aucune précision à l'appui de cette affirmation et ne démontre pas qu'il serait sans ressources en Algérie, ni qu'il ne serait pas apte à y travailler alors qu'il a travaillé en France ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que si M. D...soutient que depuis 2007 il a effectué de nombreuses démarches d'intégration en France où il travaille et bénéficie actuellement d'un contrat à durée indéterminée, et où il a retrouvé des liens familiaux, notamment en la personne d'un cousin titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans ; que, dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privé et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...). " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant se serait prévalu devant le préfet de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de ces dispositions qui auraient dû être appréciées par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; que, dans ces conditions, et pour les mêmes raisons que celles mentionnées plus haut au point 7, le préfet de la Vienne a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir sa décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant que pour contester cette décision, le requérant se borne à soutenir comme précédemment que la situation actuelle de l'Algérie sur le plan sanitaire ne lui permet pas de bénéficier des traitements médicamenteux, de soins et des examens médicaux indispensables au suivi de sa pathologie ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés ci-dessus ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.D..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. D...demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

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No 14BX00689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00689
Date de la décision : 15/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Bernard CHEMIN
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-09-15;14bx00689 ?
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