Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2012, présentée pour la société Labo Demeter, dont le siège est 4 Calle Senor de Aranzate 4 Bajo 223 à Irun (20304), Espagne, par Me Ducasse, avocat ;
La société Labo Demeter demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004228, 1004229 du 9 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, ainsi que les pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention conclue le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de Mme Béatrice Duvert, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;
- et les observations de Me Ducasse, avocat de la société Labo Demeter ;
1. Considérant que la société Labo Demeter, société de droit espagnol ayant son siège à Irun (Espagne), exerce une activité de commerce sur internet de produits vétérinaires ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des années 2006 et 2007, elle a été assujettie, pour l'ensemble de la période vérifiée, à des droits de taxe sur la valeur ajoutée et à des cotisations à l'impôt sur les sociétés ; que la société Labo Demeter interjette appel du jugement en date du 9 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
Sur la loi fiscale nationale :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
3. Considérant que la société requérante fait valoir que des actes de la procédure d'imposition, tels que les avis de mise en recouvrement et les rejets de ses réclamations, lui ont été notifiés en tant qu'" EURL " alors qu'elle est constituée sous la forme juridique espagnole de " SL " ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que cette erreur, à la supposer avérée, n'a pas été de nature à provoquer une confusion sur la société effectivement concernée, dès lors que les courriers en cause, adressés à " EURL Labo Demeter SL " mentionnaient correctement le nom de la société et précisait sa réelle forme juridique ; que, par suite, une telle erreur a été sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
4. Considérant que la société Labo Demeter fait valoir que les actes de la procédure d'imposition lui ont été notifiés au 117, avenue de la Libération à Saint-Pierre d'Aurillac (33490), alors que l'adresse de son siège social se situe à Irun ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que l'adresse susmentionnée de Saint-Pierre d'Aurillac était celle où la société exerçait pendant la période vérifiée, par l'intermédiaire de l'établissement dont elle disposait, son activité de vente par internet de produits vétérinaires et, d'autre part, que les courriers en cause ont bien été reçus par le gérant, domicilié... ; que, dans ces circonstances, le défaut de notification au siège social de la société n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;
En ce qui concerne le bien fondé :
5. Considérant que la société Labo Demeter ne peut utilement se prévaloir, pour échapper à l'imposition encourue, ni de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires concernant l'activité de vétérinaire et de consultant exercée par M. A...della Rocca, ni des dégrèvements ou absence de redressement décidés par l'administration fiscale au titre d'années postérieures à la période d'imposition en litige ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 258 du même code : " I. Le lieu de livraison des biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : a. Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur ; b. Lors du montage ou de l'installation par le vendeur ou pour son compte ; c. Lors de la mise à disposition de l'acquéreur, en l'absence d'expédition ou de transport ; / (à ladite adresse) " ;
7. Considérant que les premiers juges ont relevé que la société " qui, en l'espèce, supporte la charge de la preuve en raison de la procédure d'imposition d'office mise en oeuvre, et ne conteste pas que seuls les colis livrés en Espagne étaient expédiés depuis la commune d'Irun, n'établit ni même n'allègue le caractère intracommunautaire des opérations de vente auxquelles elle s'est livrée " ; qu'ils ont ajouté " qu'en déduisant des éléments de fait susmentionnés, révélant la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à son activité en France, que la société avait réalisé des opérations imposables en France par l'intermédiaire de son établissement stable situé à Saint-Pierre d'Aurillac, l'administration fiscale a pu à bon droit soumettre ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée " ; que la société Labo Demeter ne conteste pas la motivation retenue par le tribunal administratif de Bordeaux pour écarter le moyen tiré du non-assujettissement des opérations de vente en cause à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il y a lieu d'écarter le moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par les premiers juges ;
8. Considérant qu'en l'absence de production de comptabilité probante, le vérificateur a déterminé le montant du chiffre d'affaires de la société Labo Demeter au titre des années vérifiées, à partir des facturations et des relevés bancaires obtenus ; qu'au titre des charges, il a retenu dans un souci de réalisme économique, outre celles identifiées sur les comptes bancaires, un forfait supplémentaire de 20 % ; que la société Labo Demeter, qui ne conteste pas la validité de la méthode de reconstitution ainsi appliquée, se prévaut des stipulations des § 2 et 5 de l'article 7 de la convention fiscale susvisée conclue le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne ;
Sur la convention fiscale conclue le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de convention entre la République française et le Royaume d'Espagne susvisée : " 3. Lorsque (...) une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État où son siège de direction effective est situé. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de ladite convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / (...) 4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu'il n'y a pas " établissement stable " si : / a) il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ; / b) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ; / c) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ; / d) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations pour l'entreprise ; e) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'exercer, pour l'entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ; f) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de l'exercice cumulé d'activités mentionnées aux alinéas a à e, à condition que l'activité d'ensemble de l'installation fixe d'affaires résultant de ce cumul garde un caractère préparatoire ou auxiliaire. / (...) " ;
10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions et stipulations que, pour avoir un établissement stable sur le territoire de l'un des Etats contractants, une entreprise doit, soit y disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne exerçant habituellement sur ce territoire, en droit ou en fait, des pouvoirs lui permettant d'engager l'entreprise dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de l'entreprise ; que, toutefois, dans ce dernier cas, l'établissement stable n'est constitué que si cette personne ne jouit pas d'un statut indépendant vis-à-vis de l'entreprise ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...della Rocca, qui était domicilié.à ladite adressecom " de produits vétérinaires, élaborés par deux laboratoires français ; que les paiements étaient pour l'essentiel virés sur un compte ouvert dans une banque française ; que la procédure de visite et la saisie de pièces effectuées le 12 novembre 2007, sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de la société Ciba Services, représentant fiscal de la société à Hendaye, au domicile personnel du gérant à Saint-Pierre d'Aurillac et à sa résidence secondaire d'Hendaye, ont permis la saisie de fichiers informatiques contenus dans un ordinateur trouvé à Saint-Pierre d'Aurillac, et en particulier la comptabilité de la société pour les années 2006 et 2007 en litige, ainsi que de nombreux documents commerciaux et bancaires afférents à la société, tels qu'un cachet humide, des bons de commande, des factures, des étiquettes colissimo utilisés pour les envois de marchandises, un devis pour le site internet et divers autres courriers, tous établis à l'adresse de Saint-Pierre d'Aurillac, ainsi que des ordres de virements bancaires aux fournisseurs à l'en-tête du gérant ; que ces circonstances permettent d'établir, alors même que la société requérante aurait exercé une activité effective à son siège, en Espagne, où elle disposait d'un local pour le stockage et la livraison des marchandises, qui serait doté des moyens nécessaires à l'accomplissement de son activité, que la plupart des factures de ses fournisseurs et prestataires était libellée à l'adresse de son siège social d'Irun et qu'elle disposait d'un compte bancaire ouvert en Espagne, qu'elle disposait à Saint-Pierre d'Aurillac d'une installation fixe d'affaires constitutive d'un établissement stable au sens des stipulations précitées de la convention franco-espagnole, justifiant que ses bénéfices réalisés en France y soient imposés au titre de l'impôt sur les sociétés ;
12. Considérant que la société Labo Demeter se prévaut des stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-espagnole précisant les règles de répartition des bénéfices imposables dans le cas où une société dispose d'établissements stables dans chacun des deux Etats contractants ; que, toutefois, si la requérante dispose d'un local à Irun, il ne résulte pas de l'instruction que ce local, que l'intéressée a d'ailleurs déclaré partager avec une autre entreprise, aurait été utilisé à des fins autres que le stockage et la livraison, permettant de la regarder comme disposant d'un établissement stable en Espagne, au sens des stipulations précitées de la convention franco-espagnole ; que, par suite, et nonobstant la circonstance, au demeurant non établie, qu'elle aurait payé des impôts sur ses bénéfices en Espagne, la société Labo Demeter n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rattaché la totalité de ses recettes à l'établissement stable dont elle dispose en France ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Labo Demeter n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Labo Demeter demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Labo Demeter est rejetée.
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N° 12BX01699