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30/05/2014 | FRANCE | N°12BX00434

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 30 mai 2014, 12BX00434


Vu, enregistrée le 22 février 2012, sous le n° 12BX00434, la requête présentée pour la société Bureau Veritas ayant son siège social 67, boulevard du Château à Neuilly-sur-Seine (92200), par Me Draghi-Alonso, avocat ;

La société Bureau Veritas demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902466 du 29 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamnée, solidairement avec Mme A..., architecte, la société Otce-Getec, bureau d'études, et la société Larrieu Frères, à payer à la région Aquitaine la somme de 133 915,08 euros TTC, avec

intérêts à compter du 3 décembre 2009 et capitalisation annuelle des intérêts à compt...

Vu, enregistrée le 22 février 2012, sous le n° 12BX00434, la requête présentée pour la société Bureau Veritas ayant son siège social 67, boulevard du Château à Neuilly-sur-Seine (92200), par Me Draghi-Alonso, avocat ;

La société Bureau Veritas demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902466 du 29 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamnée, solidairement avec Mme A..., architecte, la société Otce-Getec, bureau d'études, et la société Larrieu Frères, à payer à la région Aquitaine la somme de 133 915,08 euros TTC, avec intérêts à compter du 3 décembre 2009 et capitalisation annuelle des intérêts à compter du 3 décembre 2010, en réparation des désordres qui ont affecté le gymnase du lycée Louis Barthou à Pau, et, solidairement aussi avec les mêmes parties, a mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 14 057,17 euros ;

2°) de rejeter l'intégralité des demandes présentées par la région Aquitaine ;

3°) de condamner la région Aquitaine, la société Poumirau Pau et la société Broquart à lui rembourser respectivement les sommes de 16 046,46 euros, 500 euros et 500 euros versées en exécution du jugement ;

4°) à titre subsidiaire, de rejeter les demandes de la région Aquitaine en tant qu'elle sont dirigées contre elle, d'infirmer le jugement en que ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la société Poumirau Pau et la société Broquart, de dire et juger que sa responsabilité ne peut être que subsidiaire et de second rang, de rejeter toute condamnation solidaire à son encontre, de condamner la société Poumirau Pau et la société Broquart à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre, ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que la quote-part de responsabilité mise à sa charge ne saurait excéder 10 % et de condamner conjointement et solidairement Mme A..., la société Otce-Getec, la société Larrieu Frères, la société Poumirau Pau et la société Broquart à la garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

6°) d'ordonner l'exécution provisoire du chef de ses appels en garantie ;

7°) de condamner la région Aquitaine à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

II) Vu, enregistrée le 29 février 2012, sous le n° 12BX00517, la requête présentée pour la région Aquitaine dont le siège est 4, rue François de Sourdis à Bordeaux (33077), par Me Noyer, avocat ;

La région Aquitaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902466 du 29 décembre 2011 du tribunal de Pau en tant que celui-ci a limité à 78 094,84 euros le préjudice indemnisable à raison des malfaçons affectant le gymnase du lycée Louis Barthou à Pau ;

2°) à titre principal, de condamner in solidum Mme A..., la société Otce-Getec, la société Larrieu Frères et la société Bureau Veritas à lui verser la somme de 358 800 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, au titre des travaux de reprises nécessaires pour remédier au défaut d'isolation thermique affectant ce gymnase ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner ces mêmes parties à lui verser une somme qui ne saurait être inférieure à 93 708,68 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, au titre desdits travaux ;

4°) de mettre à la charge de Mme A..., la société Otce-Getec, la société Larrieu Frères et la société Bureau Veritas la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du même code ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 92-1186 du 30 octobre 1992 relatif au cahier des clauses techniques générales applicable aux marchés de contrôle technique ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2014 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Noyer, avocat de la région Aquitaine, et celles de Me Ruffié, avocat de la société Broquart ;

1. Considérant que la région Aquitaine ayant décidé d'entreprendre des travaux d'extension et de réhabilitation du gymnase et des équipements sportifs du Lycée Louis Barthou à Pau, en a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement solidaire constitué de MmeA..., architecte, et du bureau d'études Otce-Getec, par un marché signé le 26 juillet 2001 ; que le marché de travaux du lot n°4, " Charpente bois - zinguerie - bardage bois - polycarbonate de couverture ", a été attribué à la société Larrieu Frères et qu'une mission de contrôle technique a été confiée à la société Bureau Veritas ; que les opérations préalables à la réception de ce lot ont fait l'objet d'un procès-verbal le 24 juin 2004, puis d'une proposition de réception, avec réserves, à l'intention du maître d'ouvrage le 30 juin 2004 ; qu'un procès-verbal de levée de réserves ayant été établi par le maître d'oeuvre le 9 juillet 2004, celui-ci a, par un document du même jour, adressé au maître d'ouvrage des propositions complémentaires de réception pour ce lot ; que la réception dudit lot a été prononcée sans réserve par le maître d'ouvrage, par deux décisions du 26 janvier 2005, avec effet au 30 juin 2004 ; qu'en raison d'un phénomène de surchauffe observé dans les deux salles de sport du gymnase pendant les mois de forte chaleur, des travaux complémentaires d'amélioration de la ventilation du gymnase ont été réalisés au cours du deuxième semestre de l'année 2006 ; que ces travaux n'ayant pas permis de remédier efficacement au phénomène de surchauffe, la région Aquitaine a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau aux fins d'obtenir la réalisation d'une expertise ; que celle-ci a été ordonnée le 17 novembre 2006 et le rapport d'expertise déposé le 19 janvier 2009 ; qu'au vu du rapport de l'expert, la région Aquitaine a recherché, devant le tribunal administratif, à titre principal, la responsabilité solidaire de MmeA..., la société Otce-Getec, la société Bureau Veritas et la société Larrieu Frères sur le fondement de la garantie décennale et, à titre subsidiaire, la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que, par la requête n° 12BX00434, la société Bureau Veritas relève appel du jugement n° 0902466 du 29 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau a, d'une part, condamné solidairement MmeA..., la société Otce-Getec, la société Bureau Veritas et la société Larrieu Frères à verser à la région Aquitaine la somme de 133 915,08 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2009 ainsi que de la capitalisation des intérêts, d'autre part mis à la charge de ces mêmes parties les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 057,17 euros et, enfin, réparti la charge finale des condamnations solidaires ainsi prononcées à concurrence de 70 % pour Mme A...et la société Otce-Getec, 20 % pour la société Bureau Veritas et 10 % pour la société Larrieu Frères ; que par la requête n° 12BX00517, la région Aquitaine relève appel du même jugement et demande sa réformation en tant qu'il a limité à 78 094,84 euros la somme allouée en réparation du préjudice résultant des malfaçons affectant le gymnase du Lycée Louis Barthou ;

2. Considérant que les requêtes n° 12BX00434 et 12BX00517 sont dirigées contre le même jugement; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;

Sur l'appel de la société Bureau Veritas :

En ce qui concerne le fondement de la responsabilité, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

3. Considérant que, sauf cas de force majeure ou faute du maître de l'ouvrage, les constructeurs sont responsables de plein droit sur le fondement des principes dont s'inspirent l'article 1792 du code civil et l'article 2270, alors applicable, du même code, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs, le rendent impropre à sa destination, dès lors que les dommages en cause n'étaient ni apparents ni prévisibles lors de la réception dudit ouvrage ; que lorsque le désordre porte sur un point qui a fait l'objet d'une réserve, ultérieurement levée, la possibilité d'en prévoir l'ampleur et la gravité est appréciée au regard des circonstances de fait existant à la date à laquelle le maître d'ouvrage décide de lever cette réserve ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 19 janvier 2009 ainsi que de la note intitulée " Problèmes de surchauffe " établie par Mme A...le 21 septembre 2004, que des températures élevées ont été constatées dans les deux salles de sport du gymnase dès le mois de juin 2004, avant la réception des travaux ; que l'expert a d'ailleurs relevé que, dans le cas d'une température extérieure de 24 °, la température était de 41° dans le petit gymnase et de 37° dans le grand gymnase, soit une différence entre l'intérieur et l'extérieur oscillant entre 13 et 17° ; que compte tenu de sa nature même, ce phénomène pouvait être appréhendé dans toute son ampleur, et ses conséquences étaient parfaitement prévisibles, dès les premières journées de chaleur du mois de juin et, a fortiori, à la fin de ce mois ; qu'ainsi, les désordres affectant les deux salles de sport du gymnase du Lycée Louis Barthou, constitués par la chaleur excessive qui y régnait, révélant par là-même une grave erreur de conception, étaient apparents et s'étaient d'ores et déjà manifestés dans toute leur étendue à la date des opérations préliminaires à la réception, réalisées le 24 juin 2004, alors même que les causes précises à l'origine d'un tel phénomène n'étaient pas encore identifiées ; que ces désordres doivent dès lors, ainsi que la société Bureau Veritas l'a fait valoir, être regardés comme apparents lorsque les travaux ont été ultérieurement reçus sans réserve ; que cette circonstance faisait obstacle à ce que le maître d'ouvrage puisse demander la condamnation des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bureau Veritas est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer sa condamnation envers la région Aquitaine, les premiers juges ont retenu la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants et 2270 du code civil ;

En ce qui concerne sa responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis des autres constructeurs :

6. Considérant qu'il ressort des termes du rapport d'expertise que le phénomène de surchauffe évoqué au point 4 a pour origine, d'une part, le facteur solaire réel du Danpalon, matériau translucide posé en toiture, qui est deux fois plus élevé que le facteur solaire envisagé dans le cadre de l'étude thermique, et, d'autre part, l'effet de serre, qui n'a pas été pris en compte ; que ces désordres sont exclusivement imputables à un défaut de conception incombant au maître d'oeuvre ; que si la société Bureau Veritas, chargée du contrôle technique, fait valoir que sa mission relative aux équipements et caractéristiques thermiques des bâtiments (mission TH) consistait à donner un avis sur la capacité de l'ouvrage à satisfaire aux prescriptions réglementaires en matière d'isolation thermique et d'économie d'énergie et non pas à évaluer les apports solaires qui constituent par définition un aléa climatique, il demeure qu'en s'abstenant de toute observation sur les inconvénients liés à la couverture en litige, elle a failli tant à sa mission relative à l'isolation thermique du bâtiment, dont il est établi qu'elle n'est pas assurée lorsque la température extérieure monte au-delà d'un certain seuil, qu'à sa mission concernant la sécurité des personnes, laquelle ne pouvait être regardée comme assurée durant les mois d'été compte tenu des températures très élevées dans le bâtiment ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en ramenant la condamnation de la société Bureau Veritas à garantir le groupement de maîtrise d'oeuvre à 10 % des condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci ;

En ce qui concerne son appel en garantie :

7. Considérant que les sociétés Poumirau Pau et Broquart ont réalisé en juillet 2006, à la demande de la région Aquitaine, les travaux de ventilation et de menuiseries préconisés par le maître d'oeuvre pour tenter de remédier au problème de surchauffe constaté ; que si ces travaux n'ont pas permis de mettre fin aux désordres, ils n'ont toutefois pas concouru à leur apparition ; que la société Bureau Veritas n'est dès lors pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Pau a écarté à tort la responsabilité des sociétés Poumirau Pau et Broquart dans la survenance du dommage ;

Sur l'appel de la région Aquitaine :

8. Considérant que l'expert nommé par ordonnance du président du tribunal administratif de Pau a, dans son rapport en date du 19 janvier 2009, présenté trois solutions permettant de remédier, en tout ou partie, aux désordres constatés, la première consistant à installer un brise-soleil sur les couvertures en polycarbonate et sur les châssis hauts, empêchant tout apport de soleil direct sur les surfaces translucides, la seconde, à doubler la couverture de polycarbonate existante et à ajouter un isolant entre les deux strates et, la troisième, à poser un film sur la couverture de polycarbonate ; que selon l'expert, seule la première de ces solutions, qui présente un coût qu'il a estimé sommairement à 300 000 euros HT, est de nature à faire disparaître totalement le phénomène de surchauffe ; que toutefois, il résulte de l'instruction que la région Aquitaine avait dès l'origine fait le choix de conserver la charpente existante, et donc d'exclure la pose d'un brise-soleil, qui nécessitait un renforcement de la structure, en raison du coût trop élevé de cette solution ; qu'ainsi la conception même du gymnase, comportant une toiture translucide sans brise-soleil, exposait cet ouvrage au phénomène de surchauffe constaté ; que les travaux préconisés par l'expert et nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, distincts de ceux décrits par les stipulations contractuelles, apportent en conséquence une plus-value qui doit être déduite du montant de la réparation ; que pour l'estimation de cette plus-value, il convient de prendre en compte le coût qui aurait dû être exposé par la région pour l'installation d'un brise-soleil ; que la région Aquitaine ne saurait, par suite, être indemnisée au-delà du montant des travaux réalisés en vain, à savoir la pose de la couverture de polycarbonate et la dépose de la couverture existante, que le tribunal administratif a chiffré à juste titre à 78 094,84 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant, en premier lieu, que la société Bureau Veritas avait demandé devant le tribunal à être garantie par les sociétés Poumirau Pau et Broquart ; que le tribunal a relevé à juste titre qu'aucune faute ne pouvait leur être reprochée dans l'exécution des prestations qui leur ont été confiées, lesquelles n'étaient pas à l'origine des désordres, et a condamné la société Bureau Veritas à leur verser chacune la somme de 500 euros ; que la société Bureau Veritas étant ainsi à leur égard partie perdante, il n'est pas fondé à demander que ces sociétés soient condamnées à lui rembourser ces sommes ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Bureau Veritas le paiement à la société Poumirau Pau et à la société Broquart d'une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais exposés en appel par ces sociétés et non compris dans les dépens ;

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des autres parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 0902466 du 29 décembre 2011 sont réformés en tant qu'ils portent condamnation de la société Bureau Veritas à réparer le préjudice de la Région Aquitaine sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

Article 2 : La condamnation de la société Bureau Veritas à garantir le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre est ramenée à 10 % des condamnations prononcées contre celui-ci.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Bureau Veritas et la requête de la région Aquitaine sont rejetés.

Article 5 : La société Bureau Veritas versera aux sociétés Poumirau Pau et Broquart les sommes de 1 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des sociétés Poumirau Pau et Broquart est rejeté.

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Nos 12BX00434-12BX00517


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