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27/05/2014 | FRANCE | N°13BX03134

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 27 mai 2014, 13BX03134


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me C...;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302875 du 30 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 mai 2013 du préfet de la Gironde portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au pré

fet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte d...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me C...;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302875 du 30 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 mai 2013 du préfet de la Gironde portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 80 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2014 ;

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier-conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant marocain, est entré en France le 1er mars 2009 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour ; qu'il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français, régulièrement renouvelé jusqu'au 11 mars 2011 ; qu'il a sollicité le 18 décembre 2012 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 de ce code ; que, par un arrêté du 23 mai 2013, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement du 30 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que l'arrêté attaqué vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en ses articles L. 511-1, I, 3°, L. 511-1,II, L. 511-1,III et L. 513-2 ; qu'il indique que M. B...est divorcé depuis le 18 mai 2012 et sans charge de famille, qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 25 ans, qu'il ne justifie que de quatre années de présence en France où il est sans attaches familiales proches, qu'il ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour ; que l'arrêté attaqué comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le fondement desquelles il a été pris ; que cet arrêté est suffisamment motivé au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que contrairement à ce que soutient le requérant, cette motivation révèle que le préfet a procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient que l'arrêté en litige a été édicté en méconnaissance du principe général énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui dispose que toute personne a le droit d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

4. Considérant que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; que le requérant, qui se borne à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu, ne précise pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qui auraient conduit le préfet à prendre des décisions différentes ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et méconnu ainsi les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

6. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

7. Considérant que M. B...soutient que le préfet aurait dû tenir compte des circonstances de la séparation, qu'il n'a pas voulue, d'avec son épouse française et de son intégration réussie au sein de la société française où il travaille de façon ininterrompue depuis son arrivée en France à la satisfaction de son employeur et où il a la possibilité de bénéficier d'une embauche en contrat à durée indéterminée ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier que l'intéressé, divorcé depuis le 18 mai 2012, se maintient irrégulièrement en France depuis le 11 mars 2011 ; qu'il n'a pas de charge de famille ; qu'il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale particulière sur le territoire national et ne conteste pas que sa mère vit au Maroc où lui-même a résidé jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans ; que l'emploi d'agent d'entretien qu'il occupe en vertu de contrats à durée déterminée et dont le renouvellement au vu des pièces du dossier n'a pas toujours été systématique, ne peut être regardé comme un emploi stable et pérenne ; que la promesse d'embauche dans une société de nettoyage concerne un emploi à temps plein et non, comme allégué, un emploi en contrat à durée indéterminée ; qu'ainsi, compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M.B..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en rejetant sa demande de séjour le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;

9. Considérant que M. B...soutient que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe désormais dans ce pays où il est parfaitement intégré et que les liens avec sa mère restée au Maroc se sont distendus ; que, toutefois, et compte tenu de la situation de l'intéressé telle qu'elle a été rappelée au point 7, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 23 mai 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que, par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative par M. B...ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 13BX03134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX03134
Date de la décision : 27/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-05-27;13bx03134 ?
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