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11/03/2014 | FRANCE | N°12BX02800

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 11 mars 2014, 12BX02800


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2012, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me Auriach, avocat ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900662 du 6 septembre 2012 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait du décès de son époux au cours d'une intervention subie dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lu

i verser des indemnités de 19 212,60 euros, en réparation de son préjudice matériel...

Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2012, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me Auriach, avocat ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900662 du 6 septembre 2012 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait du décès de son époux au cours d'une intervention subie dans cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser des indemnités de 19 212,60 euros, en réparation de son préjudice matériel et de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à supporter la charge définitive des frais d'expertise ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2014 :

- le rapport de M. A...;

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Malaussane, avocat du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse ;

- les observations de Me Ravaut, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ;

1. Considérant que le mari de la requérante, né en 1945 et atteint d'une cardiopathie ischémique, avait subi, en 2002, une coronarographie suivie d'une angioplastie avec pose d'une endoprothèse vasculaire, dite " stent ", intra ventriculaire antérieure ; qu'en raison d'une récidive de sa sténose coronaire, il a subi une nouvelle coronarographie en 2003 avec pose d'un nouveau " stent " ; qu'à la suite d'une nouvelle aggravation de son état, il a subi une troisième coronarographie le 16 février 2006 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse ; que la pose d'un troisième " stent " a été prévue pour le lendemain ; qu'au cours de cette intervention chirurgicale est apparue une thrombose qui, malgré le traitement par lyse et aspiration, a entrainé le décès du patient ; que Mme B...relève appel du jugement du 6 septembre 2012 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait du décès de son mari au cours de l'intervention subie dans cet établissement, en se fondant notamment sur le rapport de l'expertise effectuée en exécution de l'ordonnance du 28 juin 2008 de son juge des référés ;

2. Considérant que Mme B...n'apporte, à l'appui de ses affirmations, qu'elle réitère devant la cour et selon lesquelles l'intervention au cours de laquelle son mari est décédé n'était pas urgente et n'a pas été pratiquée par un chirurgien suffisamment expérimenté, aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui, se fondant notamment sur le rapport de l'expertise évoquée au point 1, ont estimé qu'aucune faute médicale dans la décision de pratiquer l'intervention et dans les conditions dans lesquelles elle a été exécutée ne pouvait être retenue à... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, applicable à l'époque des faits : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver./ Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser./ Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel./ (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;

4. Considérant que la circonstance que le risque d'une thrombose, dont la gravité n'est pas contestée, au cours d'une intervention de la nature de celle qu'a subie le défunt mari de Mme B...ne se réalise que dans 1 cas sur 1 500 ne suffit pas à faire regarder ce risque comme ne figurant pas au nombre de ceux qui sont normalement prévisibles et dont les patients doivent, même s'ils sont exceptionnels, être informés en application des dispositions précitées du code de la santé publique ; que dès lors, c'est à tort que pour rejeter la demande présentée par MmeB..., le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que son mari n'avait pas à être informé du risque qui s'est réalisé ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...;

6. Considérant qu'aux termes mêmes des dispositions précitées du code de la santé publique, la charge de la preuve de ce que l'information a été délivrée à l'intéressé repose sur l'établissement de santé ; qu'en se bornant à invoquer les mentions, au demeurant imprécises, de la fiche de liaison de son unité de cardiologie, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe ; que ne sauraient davantage établir la réalité de cette information ni la circonstance que ce n'était pas la première des interventions de ce genre que subissait le mari de MmeB..., ni le fait que celle-ci n'était pas présente lorsqu'il a été décidé de pratiquer l'intervention ; que, par suite, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le patient a été informé de ce risque ;

7. Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, d'une part, que ce n'est que dans 1 cas sur 4 500 qu'une thrombose survenant au cours d'une intervention de la nature de celle qu'a subie le défunt mari de Mme B...a des conséquences aussi graves et, d'autre part, compte tenu de l'aggravation de l'état de santé du patient, que l'intervention, à laquelle il n'existait aucune alternative, devait impérieusement être pratiquée dans les meilleurs délais ; que, dans ces conditions, le patient ne pouvait pas raisonnablement refuser l'intervention ; que, dès lors, Mme B...ne peut pas soutenir qu'il a perdu une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ;

9. Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles ;

10. Considérant qu'en invoquant les difficultés qu'elle rencontre pour faire face, avec des ressources réduites du fait du décès de son mari, aux charges de son foyer, Mme B...ne peut pas être regardée comme demandant réparation des troubles qu'elle a pu subir du fait qu'elle n'a pas pu se préparer à affronter les conséquences de la réalisation du risque dont ni elle ni son mari n'avaient été informés ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 12BX02800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02800
Date de la décision : 11/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : AURIACH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-03-11;12bx02800 ?
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