Vu, la requête enregistrée le 4 juin 2012, présentée pour Mlle B...demeurant ...par Me Nese ;
Mlle B...demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1001718 du 5 avril 2012 en tant que le tribunal administratif de Pau n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant, chacun pour moitié, le centre hospitalier de Lourdes et le centre hospitalier de la Côte basque à lui verser la somme globale de 32 933,52 euros, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge successive de la fracture de son poignet droit par ces deux établissements ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier de Lourdes et le centre hospitalier de la Côte basque à lui verser la somme de 77 502,87 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2010 ;
3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Lourdes et du centre hospitalier de la Côte basque une somme de 6 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'arrêté interministériel du 10 décembre 2013 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2014 :
- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Nese avocat de MlleB... ;
1. Considérant que MlleB..., alors âgée de 29 ans, a été admise aux urgences du centre hospitalier de Lourdes le 14 janvier 2007 à la suite d'une fracture du poignet droit survenue lors d'un accident de ski, et a subi le même jour une intervention chirurgicale consistant en la réduction de la fracture et la pose de broches par ostéosynthèse percutanée ; qu'après la pose d'une manchette en résine, elle a pu regagner son domicile ; qu'à compter du 26 janvier 2007, le suivi médico-chirurgical a été assuré par le centre hospitalier de la Côte basque ; que l'évolution a été marquée par l'apparition de douleurs postopératoires et d'une inflammation tendineuse, nécessitant l'ablation des broches le 9 février 2007, suivie de la mise en place d'une nouvelle manchette en résine ; qu'à la suite du déplacement du radius par " bascule antérieure " et devant la persistance des douleurs, plusieurs interventions chirurgicales seront pratiquées au centre hospitalier de la Côte basque entre le 28 février et le 2 août 2007, qui ont conduit à la pose d'une orthèse, la pratique d'une ostéotomie intrafocale du radius, la mise en place d'un greffon osseux accompagnée de la réalisation d'une nouvelle ostéosynthèse par broches, puis la pose d'une attelle plâtrée après mobilisation du poignet ; qu'à l'issue de nouveaux examens, elle a subi deux interventions chirurgicales à la clinique Lafourcade de Bayonne le 12 septembre 2007 et 6 février 2008, consistant en une ténolyse des extenseurs après ablation des broches d'ostéosynthèse puis une intervention dite de " Sauvé Kapandji " sur le poignet droit, suivie d'une rééducation postopératoire ; qu'elle a pu reprendre son activité professionnelle à compter du 14 avril 2008 sur un poste aménagé ;
2. Considérant que par requête enregistrée le 13 septembre 2010, Mlle B...a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation solidaire du centre hospitalier de Lourdes et du centre hospitalier de la Côte basque, à lui verser la somme de 67 502, 84 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises lors de la prise en charge de la fracture de son poignet droit par ces établissements ; que par jugement du 5 avril 2012, le tribunal administratif de Pau a condamné les centres hospitaliers de Lourdes et de la Côte basque, à hauteur de 50 % chacun, à verser à Mlle B...la somme de 32 933,52 euros, et d'autre part, la somme de 23 846 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes en remboursement de ses débours ainsi que la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que Mlle B...demande la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Landes demande la réévaluation de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que les centres hospitaliers de Lourdes et de la Côte basque, qui ne contestent pas le principe de leur responsabilité, concluent au rejet des prétentions de MlleB... ;
Sur la responsabilité :
3. Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée en référé, que Mlle B...présentait le 14 janvier 2007 une fracture instable du poignet droit associant une fracture métaphysaire déplacée du radius droit et un refend articulaire non déplacé, une comminution métaphysaire antérieure et postérieure et une fracture de la styloïde cubitale ; qu'au regard de l'instabilité de la fracture, le choix thérapeutique de l'embrochage percutané dit de " kapandji " pratiqué au centre hospitalier de Lourdes n'était pas adapté ; que, par ailleurs, l'immobilisation par manchette plâtrée n'immobilisant pas le coude était insuffisante ; qu'ainsi, la réalisation d'une ostéosynthèse inadaptée constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Lourdes ;
4. Considérant en deuxième lieu, qu'il ressort des constatations de l'expert que, dans le cadre du suivi postopératoire et médical de Mlle B...par le centre hospitalier de la Côte basque, la constatation précoce d'un déplacement antérieur par hyper réduction d'une fracture instable aurait dû conduire à une reprise complète de l'ostéosynthèse par un embrochage ou la mise en place d'une plaque ; que, par suite, l'absence de reprise précoce de l'ostéosynthèse, associée à une immobilisation simple ne bloquant pas l'articulation du coude a entraîné une augmentation du déplacement aboutissant à l'apparition d'un cal vicieux du radius droit ; que ce retard de reprise de l'ostéosynthèse inadaptée, pratiquée initialement par le centre hospitalier de Lourdes, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de la Côte basque ;
5. Considérant en troisième lieu, que, lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux ; qu'ainsi qu'il est exposé ci-dessus, les deux centres hospitaliers ont successivement pris en charge Mlle B...et ont commis des fautes distinctes dans le traitement de sa fracture, la seconde aggravant le préjudice résultant de la première ; que Mlle B...est dès lors seulement fondée à demander la condamnation conjointe des deux centres hospitaliers, du fait de leurs fautes respectives, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ;
6. Considérant en quatrième lieu qu'en admettant même, comme le soutient MlleB..., que le centre hospitalier de Lourdes et le centre hospitalier de la Côte basque n'auraient pas satisfait à leurs obligations d'information pour permettre, lors de chacune de ses hospitalisations, de recueillir son consentement éclairé, ces défauts d'information ne pourraient, en tout état de cause, avoir pour effet d'augmenter l'indemnité qui lui est due dès lors qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que la responsabilité des deux établissements hospitaliers est entièrement engagée à son égard du fait des fautes médicales commises et lui ouvre droit, ainsi, à l'indemnisation intégrale des préjudices en découlant ; qu'au demeurant, Mlle B...ne justifie pas d'un quelconque préjudice d'impréparation que le manquement des médecins à leur obligation d'informer lui aurait causé ;
Sur l'indemnisation des préjudices :
7. Considérant qu'il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode d'indemnisation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et les autres dépenses liées à ce dommage ; que, parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant de la perte de revenus :
8. Considérant que MlleB..., employée par une société de bricolage en qualité d'hôtesse de caisse, justifie d'une perte de revenus de 19 260,96 euros, attestée par son employeur, incluant les salaires (11 210,50 euros), les primes (6 469,47 euros) et 31 jours de congés payés (1 580,99 euros) durant la période allant du 14 janvier 2007 au 13 avril 2008, date à laquelle elle a pu reprendre son activité professionnelle sur un poste aménagé ; que cette attestation ne prend toutefois en compte ni la période d'incapacité temporaire totale de 90 jours qui suit nécessairement la réduction d'une fracture du poignet par la pose de broches sans complication, ni les indemnités journalières, d'un montant non contesté de 8 217,88 euros, perçues pendant cette période ; que, dès lors, les premiers juges ont fait une exacte évaluation de la perte de rémunération subies en la fixant à 7 191,39 euros, résultant de la différence entre le total des salaires, primes et jours de congés payés qui auraient été perçus sur la période allant du 14 avril 2007 au 13 avril 2008, soit 15 408,77 euros, et le total des indemnités journalières perçues sur cette même période ;
S'agissant des préjudices matériels :
9. Considérant qu'il ressort des conclusions du rapport de l'expert que la pratique de la bicyclette reste possible, malgré la fragilité du poignet droit ; que, par la facture qu'elle produit, la requérante ne démontre pas la nécessité d'acquérir un système de changement de vitesse adapté à son handicap ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
10. Considérant que le tribunal administratif, après avoir constaté que l'incapacité temporaire totale de Mlle B...en lien avec les fautes commises avait duré du 14 avril 2007 au 13 avril 2008, que l'incapacité temporaire partielle allant du 14 avril 2008 au 21 mai 2008 correspond à la gêne fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne allant décroissant jusqu'à la date de consolidation, et qu'elle conserve un déficit fonctionnel permanent du fait de son handicap pouvant être évalué à 9 %, a estimé le préjudice résultant des troubles de toute nature subis par Mlle B...dans ses conditions d'existence à 16 000 euros ; que MlleB..., qui demande que le préjudice résultant des troubles dans ses conditions d'existence soit porté à 31 000 euros, n'établit pas que le tribunal administratif se soit livré à une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice ;
11. Considérant que les souffrances endurées par MlleB..., évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 1 à 7, sont liées aux opérations chirurgicales subies, à la fracture itérative du cubitus droit après la mobilisation du poignet, aux immobilisations et à la rééducation, longue et douloureuse ; que le montant de 5 000 euros alloué par les premiers juges en réparation de ce préjudice n'est pas insuffisant ;
12. Considérant que le préjudice esthétique lié à la déformation du poignet et aux cicatrices au poignet droit et à la hanche droite, a été évalué par l'expert à 2/7 ; qu'en accordant à la victime une somme de 1 500 euros, le tribunal administratif n'a pas inexactement évalué les conséquences de ce préjudice ;
13. Considérant que les séquelles conservées par Mlle B...la prive de la possibilité de pratiquer la plupart des activités de loisirs auxquelles elle s'adonnait ; que le jugement attaqué a fait une juste appréciation du montant de l'indemnisation à laquelle peut prétendre Mlle B...au titre du préjudice d'agrément lié à la gêne fonctionnelle et à la fragilité au niveau du poignet droit en l'évaluant à la somme de 2 000 euros ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 32 933,52 euros ;
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la santé publique :
15. Considérant qu'aux termes de l'alinéa 9 de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) " ; que l'arrêté interministériel du 12 décembre 2013 a porté, à compter du 1er janvier 2014 à 1 028 euros et 102 euros, respectivement, les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visée notamment à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
16. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Landes a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 028 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 12 décembre 2013 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité allouée à ce titre en première instance ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'augmenter le montant des frais non compris dans les dépens mis à la charge des centres hospitaliers de Lourdes et de la Côte basque par le jugement attaqué en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier de Lourdes et du centre hospitalier de la Côte basque, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mlle B...et la caisse primaire d'assurance maladie des Landes et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : L'indemnité forfaitaire de gestion que le centre hospitalier de Lourdes et le centre hospitalier de la Côte basque ont été condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale par le jugement du tribunal administratif de Pau du 5 avril 2012 est portée de 997 euros à 1 028 euros.
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No 12BX01388