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06/03/2014 | FRANCE | N°13BX02265

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 06 mars 2014, 13BX02265


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013 par télécopie et régularisée le 8 août 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Nakache-Haarfi, avocat ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300713 du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 février 2013 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le

territoire français pour une durée de trois ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°)...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013 par télécopie et régularisée le 8 août 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Nakache-Haarfi, avocat ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300713 du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 février 2013 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Dupuy, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., de nationalité marocaine, née le 1er septembre 1963, a épousé le 16 août 2005 un ressortissant français et est entrée régulièrement en France le 26 mai 2006 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour ; qu'une carte de séjour lui a été délivrée le 30 mai 2006 en qualité de conjointe de français, dont elle a obtenu le renouvellement ; qu'elle a sollicité le 25 février 2009 l'octroi d'une carte de résident ; que par un arrêté du 23 avril 2010, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, au motif de la rupture de la communauté de vie entre les époux, et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que le recours présenté par Mme B...contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 décembre 2010, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 août 2011 ; que l'intéressée a sollicité le 5 septembre 2011 son admission au séjour en qualité de salariée ; que par un arrêté du 24 janvier 2012, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que par un jugement du 21 juillet 2012, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que l'appel formé par l'intéressée contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour de céans du 28 juin 2013 ; que Mme B...a de nouveau sollicité son admission au séjour le 13 décembre 2012 ; qu'elle relève appel du jugement n° 1300713 du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 février 2013 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'au soutien des moyen tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté et de l'insuffisante motivation en fait de la décision de refus de séjour, Mme B...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas les réponses qui lui ont été apportées par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de la rédaction de l'arrêté que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de MmeB..., et, contrairement à ce qu'elle soutient, s'est notamment prononcé sur son droit au séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont au demeurant pas applicables aux ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, dont la situation est exclusivement régie par l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelle (...) " ; que l'article 9 du même traité stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ;

5. Considérant que dès lors qu'elle ne justifie pas du contrat de travail visé par les autorités compétentes qu'exigent les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain, Mme B...ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...ne peut utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, qui est dépourvue de dispositions impératives à caractère général ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme B...a entendu se prévaloir de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé le 23 avril 2010 en qualité de conjointe de français, elle ne peut utilement exciper de l'illégalité de cette décision, devenue au demeurant définitive, dont la décision de refus de séjour attaquée n'est pas un acte d'application ;

8. Considérant, en sixième lieu, que si Mme B...soutient qu'elle vit en France depuis 2006, où réside sa soeur, qu'elle a travaillé comme agent de propreté et bénéficie d'une promesse d'embauche comme vendeuse sur les marchés forains, et qu'elle s'est séparée de son ancien époux, de nationalité française, en raison des violences conjugales qu'elle subissait, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, entrée en France à l'âge de quarante-trois ans, est divorcée et sans charges de famille et n'est pas dépourvue de liens avec son pays d'origine, où vivent notamment ses parents, son frère et ses trois autres soeurs ; qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en lui refusant un titre de séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ; que si Mme B...se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, de son intégration professionnelle et de la circonstance que le non-renouvellement de sa carte de séjour en qualité de conjointe de français est imputable aux violences conjugales dont elle a été victime, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation en estimant que ces éléments ne constituaient pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant que compte tenu ce qui a été dit ci-dessus, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire national :

11. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour (...) ;

12. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;

13. Considérant que pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans prononcée à l'encontre de MmeB..., le préfet de la Haute-Garonne a indiqué que l'intéressée, si elle ne constituait pas une menace pour l'ordre public, était entrée récemment en France, ne justifiait pas de la nature et de l'intensité de ses liens avec la France, disposait d'attaches familiales très importantes dans son pays d'origine et avait fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qu'elle n'avait pas exécutées ; que cette motivation atteste de la prise en compte, par le préfet, des quatre critères prévus par les dispositions précitées du paragraphe III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

14. Considérant toutefois que s'il ressort des pièces du dossier que MmeB..., divorcée et sans enfant, est entrée en France à l'âge de quarante-trois ans, s'y maintient irrégulièrement depuis le 23 avril 2010, n'a pas exécuté les mesures d'éloignement prises à son encontre les 23 avril 2010 et 24 janvier 2012 et dispose de l'essentiel de ses attaches familiales au Maroc, ces seules circonstances ne sont pas de nature à justifier la durée maximale de l'interdiction de retour sur le territoire français ; que, dans ces conditions, le préfet, en prononçant à l'encontre de la requérante une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, a fait une inexacte appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, l'interdiction de retour de trois ans contenue dans l'arrêté contesté doit être annulée ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour d'une durée de trois ans contenue dans l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 4 février 2013 ;

Sur les autres conclusions :

16. Considérant que le présent arrêt, qui n'annule que l'interdiction de retour sur le territoire français, n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle consistant à supprimer le signalement de l'intéressée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de séjour ; que, par suite, les conclusions de Mme B...tendant à la délivrance d'une carte de séjour ne peuvent être accueillies ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 4 février 2013 est annulé en tant qu'il interdit à Mme B...le retour sur le territoire français pendant une période de trois ans.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 juillet 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

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No 13BX02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX02265
Date de la décision : 06/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : NAKACHE-HAARFI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-03-06;13bx02265 ?
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