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06/03/2014 | FRANCE | N°12BX01738

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 06 mars 2014, 12BX01738


Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2012 par télécopie et régularisée le 9 juillet 2012, présentée pour la société Castel, dont le siège est à " Roques " à Gramat (46500), représentée par son gérant en exercice, par le cabinet Montazeau et Cara, avocats ;

La société Castel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000667 du 4 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, à la demande de la commune d'Aynac, lui a enjoint d'évacuer le château d'Aynac dans un délai de deux mois, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard

;

2°) d'ordonner la reprise des relations contractuelles avec obligation de la com...

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2012 par télécopie et régularisée le 9 juillet 2012, présentée pour la société Castel, dont le siège est à " Roques " à Gramat (46500), représentée par son gérant en exercice, par le cabinet Montazeau et Cara, avocats ;

La société Castel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000667 du 4 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, à la demande de la commune d'Aynac, lui a enjoint d'évacuer le château d'Aynac dans un délai de deux mois, sous astreinte de deux cents euros par jour de retard ;

2°) d'ordonner la reprise des relations contractuelles avec obligation de la commune aux gros travaux ;

3°) à titre subsidiaire et au cas de confirmation de la résiliation, de condamner la commune à lui verser la somme de 250 000 euros à parfaire, avec intérêts à compter du 4 juillet 2012 et capitalisation un an après ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Aynac une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le décret du 30 septembre 1953 modifié relatif aux baux commerciaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Banel, avocat de la commune d'Aynac ;

1. Considérant que le château d'Aynac a été acquis par la commune d'Aynac en 1973 en vue d'y créer un centre de loisirs équestres permanent ; que par convention du 20 juillet 1973, le château a été confié à l'association créée à cet effet par la mairie ; qu'à partir de 1980, le centre de loisirs du château a été géré par la Fédération des oeuvres laïques du Val-de-Marne ; que, le 13 décembre 1985, la commune d'Aynac a conclu avec la société Tourisme Attelé Diffusion un bail à loyer pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 95 000 francs ; que postérieurement à l'expiration du bail, regardé comme tacitement renouvelé, le fonds de commerce a été cédé à la société Castel par le liquidateur de la société Tourisme Attelé Diffusion, avec l'accord de la commune ; que la commune a organisé un " referendum " sur l'avenir du château et souhaité vendre ce bien à l'issue de cette consultation ; qu'elle a invité la société Castel à quitter les lieux par lettre du 29 juin 2009 ; que la commune d'Aynac, estimant que la société occupait les lieux sans droit ni titre, a demandé le 15 février 2010 au tribunal administratif de Toulouse d'enjoindre à la société Castel d'évacuer le château d'Aynac dans un délai de deux mois sous astreinte ; que la société Castel relève appel du jugement n° 1000667 du 4 mai 2012 par lequel le tribunal administratif a fait droit à cette demande ;

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que, lorsque le juge administratif est saisi d'une demande tendant à l'expulsion d'un occupant d'un immeuble appartenant à une personne publique, il lui incombe, pour déterminer si la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur ces conclusions, de vérifier que cet immeuble relève du domaine public à la date à laquelle il statue ; qu'à cette fin, il lui appartient de rechercher si cet immeuble a été incorporé au domaine public, en vertu des règles applicables à la date de l'incorporation, et, si tel est le cas, de vérifier en outre qu'à la date à laquelle il se prononce, aucune disposition législative ou, au vu des éléments qui lui sont soumis, aucune décision prise par l'autorité compétente n'a procédé à son déclassement ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas méconnu son office en statuant sur l'appartenance du château d'Aynac au domaine public de la commune et en requalifiant le contrat liant les parties ;

3. Considérant qu'indépendamment de la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d'occuper un bien dont elle est propriétaire, l'appartenance au domaine public d'un tel bien était, avant la date d'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que, si la société Castel conteste l'existence d'aménagements faits par la commune en vue d'une telle affectation, il résulte de l'instruction que la commune d'Aynac, propriétaire du château, a confié la réalisation et la gestion du centre de classes vertes de 100 lits, classes participant au service public de l'enseignement, et du centre d'équitation à l'association Centre de loisirs équestres permanent d'Aynac avec pour objectif de " faire accéder toutes les couches sociales et professionnelles à cet instrument exceptionnel de loisirs et d'éducation " ; qu'ainsi, la commune a manifesté la volonté que ce bâtiment soit affecté à un service public ; qu'il résulte également de l'instruction que, par un marché de gré à gré passé le 24 décembre 1973, la commune d'Aynac a entendu aménager le château pour permettre l'accueil du public notamment en réalisant des installations équestres, en construisant un manège, des écuries et en aménageant un centre de 100 lits ; que ces équipements ont été effectivement réalisés et constituent un aménagement spécial ; qu'enfin, il ne ressort pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, la commune d'Aynac ait procédé à son déclassement, alors même que ce château avait été donné en location sous le régime des baux commerciaux et que les délibérations validant le bail étaient devenues définitives ; que, par suite, la société Castel n'est pas fondée à soutenir que le château n'appartenait pas au domaine public de la commune et que la demande présentée par la commune d'Aynac devant le tribunal administratif de Toulouse ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative ;

En ce qui concerne l'office du juge :

4. Considérant que pour faire droit à la demande d'expulsion de la commune, les premiers juges ont considéré, en premier lieu qu'un bail irrégulier sur le domaine public ne faisait pas obstacle, au regard du principe de loyauté des relations contractuelles, à ce que le contrat soit requalifié en convention d'occupation temporaire du domaine public, en deuxième lieu qu'en poursuivant leur relation contractuelle après le 31 décembre 2003, date d'expiration du premier renouvellement tacite de la convention de bail, les parties avaient nécessairement entendu conclure un nouveau contrat pour une durée de neuf ans expirant donc le 31 décembre 2012, en troisième lieu que le tribunal avait annulé par jugement du même jour la décision du 29 juin 2009 mettant fin au contrat au motif de l'incompétence du maire à prendre seul une telle décision ; qu'ils ont ensuite estimé que le maire de la commune d'Aynac pouvait demander au juge de prononcer la libération des lieux et la fin de la convention pour des raisons d'intérêt général et jugé qu'en l'espèce, la commune était fondée à demander qu'il soit ainsi mis fin au contrat ; que, contrairement à ce que soutient la société Castel, le juge administratif peut, en matière domaniale, annuler à la demande de la collectivité publique une convention d'occupation de son domaine public ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant que la commune, en demandant l'expulsion de la société requérante, avait nécessairement entendu manifester son intention de ne pas prolonger jusqu'à leur terme les relations contractuelles, et en prononçant par suite la résiliation de la convention portant occupation du domaine public, le tribunal administratif de Toulouse aurait " procédé à un détournement de la procédure contentieuse " ou " suppléé l'administration dans l'usage de ses prérogatives de puissance publique " ;

5. Considérant que si la société Castel soutient que les premiers juges ne pouvaient se prononcer sur le contrat la liant à la commune sans en tirer toutes les conséquences en l'indemnisant, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante ait présenté devant le tribunal administratif de Toulouse de conclusions tendant à la réparation de son préjudice résultant de son expulsion du domaine public dans le cadre de l'instance seule en cause dans le présent litige ; que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus d'inviter la société à chiffrer un tel préjudice, n'ont pas méconnu leur office en ne statuant pas sur un éventuel droit à indemnité de la société requérante ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé de la demande d'expulsion :

7. Considérant que la société Castel n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions relatives à la propriété mobilière issues du code de commerce pour critiquer la requalification du bail commercial en convention d'occupation domaniale, dès lors que le statut des baux commerciaux ne peut légalement régir les relations contractuelles permettant l'occupation du domaine public ;

8. Considérant qu' il résulte de l'instruction que la commune, qui compte moins de 600 habitants, a entendu limiter les dépenses importantes pour elle résultant de la propriété du château et se séparer d'un bien qui grève les finances communales ; qu'un tel motif présente un intérêt général suffisant pour justifier qu'il soit demandé au juge administratif de mettre fin au contrat portant occupation du domaine public avant son terme normal et d'ordonner la libération des lieux ; que par suite la société Castel, qui ne peut utilement faire valoir que de nombreuses communes sont propriétaires de biens immobiliers similaires au château d'Aynac, dont elles assurent la valorisation, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu ce motif pour justifier l'expulsion ordonnée ;

Sur les conclusions à fins indemnitaires :

9. Considérant qu'ainsi qu'il est dit au point 5, la société Castel n'avait pas présenté de conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Aynac à l'indemniser du préjudice résultant pour elle de la résiliation des relations contractuelles devant le tribunal administratif de Toulouse ; que ces conclusions présentées pour la première fois en appel sont, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à ce que le juge ordonne la reprise des relations contractuelles :

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, le terme de la convention d'occupation du domaine public devait être regardé comme fixé au 31 décembre 2012 ; qu'aucune prorogation n'est intervenue ; qu'ainsi les conclusions de la société requérante tendant à obtenir la reprise des relations contractuelles sont, en tout état de cause, devenues sans objet ;

Sur les conclusions de la commune d'Aynac tendant à la suppression d'un passage d'un mémoire de la société Castel :

11. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ; que les passages du mémoire de la société Castel enregistré le 28 janvier 2013, commençant page 3 par les mots " D'autre part, les maires successifs... " et se terminant page 4 par " compte tenu des conséquences à son encontre ", excèdent le droit à la libre discussion et présentent un caractère outrageant ; que, par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aynac, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Castel au titre de leur application ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Castel la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aynac et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Castel est rejetée.

Article 2 : Les passages du mémoire de la société Castel enregistré le 28 janvier 2013, commençant page 3 par les mots " D'autre part, les maires successifs... " et se terminant page 4 par " compte tenu des conséquences à son encontre " sont supprimés.

Article 3 : La société Castel versera à la commune d'Aynac une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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12BX01738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX01738
Date de la décision : 06/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Contrats et concessions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : CABINET MONTAZEAU CARA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-03-06;12bx01738 ?
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