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17/12/2013 | FRANCE | N°12BX00005

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2013, 12BX00005


Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2012 par télécopie et régularisée par courrier le 9 janvier 2012, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me le Briero, avocat ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901964 du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2009 du préfet de l'Indre fixant les prescriptions complémentaires applicables au plan d'eau et au barrage de Bordessoule situés sur la commune de Crozon-

sur-Vauvre et, à titre subsidiaire, à l'annulation des dispositions des article...

Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2012 par télécopie et régularisée par courrier le 9 janvier 2012, présentée pour M. et Mme A...C..., demeurant..., par Me le Briero, avocat ;

M. et Mme C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901964 du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2009 du préfet de l'Indre fixant les prescriptions complémentaires applicables au plan d'eau et au barrage de Bordessoule situés sur la commune de Crozon-sur-Vauvre et, à titre subsidiaire, à l'annulation des dispositions des articles 6 à 7.4 de cet arrêté et à la modification des dispositions de ses articles 1er, 2 et 4 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Béatrice Duvert, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme C...ont acquis, par acte notarié du 13 juillet 2006, un ensemble immobilier situé sur le territoire de la commune de Crozon-sur-Vauvre (Indre), au lieu-dit Bordessoule, constitué d'un étang en barrage du ruisseau de Bordessoule, du réservoir de cet étang et de plusieurs bâtiments, dont un ancien moulin ; qu'à la suite de l'affaissement, en avril 2007, de l'accotement du barrage, dont la chaussée est surmontée par une voie communale, puis, en avril 2007, de la submersion de cet ouvrage, le maire de la commune a, à plusieurs reprises, interdit la circulation sur la voie publique ; qu'afin d'assurer la sécurité publique, au sens de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, et notamment afin de prévenir tout nouveau risque d'inondation, le préfet de l'Indre a, par un arrêté du 21 août 2009, fixé des prescriptions complémentaires applicables au plan d'eau et au barrage de Bordessoule ; que M. et Mme C...interjettent appel du jugement du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation ou à la réformation de cet arrêté ;

Sur la recevabilité des écritures en défense de la commune de Crozon-sur-Vauvre :

2. Considérant que, par une délibération du 13 février 2012, le conseil municipal de Crozon-sur-Vauvre a autorisé le maire à représenter la commune devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et désigner Me B...pour défendre ses intérêts devant la juridiction ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée d'une " absence de délibération justifiant de la régularité de l'action de la commune et de sa représentation en justice " doit être écartée comme manquant en fait ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande présentée par M. et Mme C... auprès du tribunal administratif de Limoges a été enregistrée, par télécopie, le 27 octobre 2009 ; que si le jugement attaqué comporte la mention inexacte de ce que la requête a été enregistrée le 3 novembre 2009, cette circonstance, qui a été sans conséquence sur le sens du jugement, n'est pas de nature à entacher sa régularité ;

Sur le fond :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement. / (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 214-4 du même code : " (...). / II.- L'autorisation peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : / (...) 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique (...). " ; que l'article L. 214-6 de ce code dispose : " II.-Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. / (...) VI.-Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section. " ; que l'article R. 214-17 dudit code précise : " A la demande du bénéficiaire de l'autorisation ou à sa propre initiative, le préfet peut prendre des arrêtés complémentaires après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ces arrêtés peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des éléments mentionnés à l'article L. 211-1 rend nécessaires, ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. Ils peuvent prescrire en particulier la fourniture des informations prévues à l'article R. 214-6 ou leur mise à jour. (...). " ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 214-10 et L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions prises en application de l'article L. 214-4 du même code sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ; qu'en conséquence, le juge, auquel il incombe, le cas échéant, de substituer son appréciation à celle de l'administration s'agissant des autorisations accordées et des prescriptions dont elles peuvent être assorties, doit statuer au vu de la situation de droit et de fait telle que celle-ci se présente au moment où il se prononce ;

6. Considérant que la circonstance que M. et Mme C...bénéficient d'un droit d'exploitation acquis avant la date du 4 janvier 1992 ne saurait faire obstacle à ce que, en vertu des dispositions du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, le préfet puisse, dans le cadre de l'exercice des pouvoirs de police que ces dispositions lui confèrent, retirer ou modifier l'autorisation d'exploiter, en particulier, comme en l'espèce, en cas de menace pour la sécurité publique ; que, toutefois, M. et Mme C...soutiennent que le tribunal n'a pas tiré les conséquences de droit qui s'attachent à la circonstance qu'ils ne sont pas propriétaires du barrage, en arguant de ce que cet ouvrage appartiendrait au domaine public de la commune de Crozon-sur-Vauvre ; qu'il est constant que, depuis la fin du XIXème siècle, ce barrage, sur lequel la commune de Crozon-sur-Vauvre a créé une voie communale, relève du domaine public de ladite commune ; que, par suite, M. et Mme C...sont fondés à soutenir qu'en ne prenant pas en compte cet élément, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

7. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et MmeC... ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2321-1 du code général des collectivités territoriales : " Sont obligatoires pour la commune les dépenses mises à sa charge par la loi. " ; qu'aux termes de l'article L. 2321-2 du même code : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : / (...) 20° Les dépenses d'entretien des voies communales (...). " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le barrage de Bordessoule, qui est un élément indispensable au soutènement de la voie communale qui le surmonte, est intégré à la voirie communale et constitue ainsi qu'il a été dit une dépendance du domaine public de la collectivité ; qu'il suit de là que si cette circonstance n'excluait pas que le préfet fît usage à l'égard de la commune des pouvoirs de police spéciale qu'il tient des dispositions précitées du code de l'environnement pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 dudit code, en revanche, elle faisait obstacle, d'une part, à ce que l'exploitation de cet ouvrage puisse être confiée sans l'accord de la commune à des personnes privées et, d'autre part, à ce que soient mis à la charge de ces dernières des travaux de mise en conformité dudit ouvrage ; que, dès lors, M. et Mme C...sont fondés à demander dans cette mesure la réformation de l'arrêté attaqué ;

10. Considérant, d'une part, que si M. et Mme C...soutiennent que leur droit de propriété, limité au moulin, à l'étang, aux vannes et canaux passant sous la digue, n'inclut pas d'autres équipements hydrauliques, il résulte de l'acte notarié dressé le 13 juillet 2006, que l'acquisition faite par M. et Mme C...comprenait " les installations de l'étang, avec notamment les grilles et la clef " ; que les installations auxquelles il est ainsi fait référence renvoient nécessairement à l'ensemble des ouvrages indispensables au passage de l'eau sous le barrage ; que, d'ailleurs, par un arrêt en date du 17 janvier 2013, la cour d'appel de Bourges a estimé, après avoir relevé que l'étang, le moulin situé en contrebas et le système de vidange passant sous la digue constituaient un ensemble indissociable, que les époux C...étaient responsables, sur le fondement de l'article 1384 du code civil, des dommages causés par le système de vidange de l'étang, et plus particulièrement de la conche, assurant l'alimentation continue en eau du moulin ; qu'à ce titre, tant le moine de vidange, récemment installé au milieu de l'étang des requérants, que l'évacuateur de crue, permettant le passage de l'eau sous le barrage, doivent être regardés comme des éléments du système de vidange de la retenue d'eau, appartenant, tout comme cette dernière, à M. et MmeC... ; que, par suite, il y a lieu de compléter les dispositions des articles 2 à 6 du titre 1er de l'arrêté attaqué, relatives au niveau légal de la retenue d'eau, au fonctionnement de l'évacuateur de crue, du moine, ainsi qu'aux opérations de vidange et de remplissage de la retenue d'eau, par l'indication que les prescriptions qu'elles édictent sont mises à la charge de M. et MmeC... ;

11. Considérant que le préfet de l'Indre a abaissé le niveau légal de la retenue d'eau de la cote de 305 mètres à 304,2 mètres ; que si M. et Mme C...font valoir en appel le moyen, déjà soulevé devant le tribunal et écarté par celui-ci, tiré de ce qu'un tel abaissement n'était pas justifié, dès lors qu'une étude hydraulique réalisée en novembre 2007 pour leur compte par la société Hydromines préconisait un abaissement de seulement dix à quinze centimètres, il résulte de l'instruction que l'arrêté en litige est conforme à un avis, plus circonstancié, du 7 décembre 2007, émis par un organisme spécialisé dans le domaine du contrôle de la sécurité des barrages, le Cemagref, mentionnant qu'il convenait de " démolir au plus vite le seuil malencontreusement construit au travers de la galerie du ponceau, jusqu'à la cote du rocher pour retrouver la capacité d'origine de l'évacuateur et gagner en sécurité sur la stabilité du remblai en diminuant d'environ 0,8 mètre la cote de retenue normale " ; que si les époux C...affirment dans le dernier état de leurs écritures que la diminution du niveau de l'eau de l'étang risque d'entraîner, par la diminution du volume des argiles composant la digue, la fragilisation de tout le niveau supérieur de l'édifice, déjà en mauvais état, ils n'apportent aucun élément permettant de justifier de la réalité de cette affirmation ; que, dans ces conditions, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir qu'en suivant, afin de maintenir la sécurité publique, les préconisations du Cemagref, le préfet de l'Indre aurait méconnu les dispositions du 2° du II de l'article L. 214-4 précité du code de l'environnement ;

12. Considérant que si M. et Mme C...font valoir que la commune de Crozon-sur-Vauvre a, en 1894, modifié les caractéristiques de l'ouvrage public en cause pour satisfaire à un intérêt, de circulation publique, ne correspondant pas à ceux mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement et sans que ne soient jamais effectués les travaux d'aménagement et les mesures de surveillance requis, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Indre en date du 21 août 2009 ; qu'à l'encontre de cet arrêté, les requérants ne peuvent davantage utilement soutenir que les incidents survenus en 2007 ne seraient imputables ni à des dysfonctionnements du plan d'eau et des installations leur appartenant, ni à une mauvaise gestion de leur part ;

13. Considérant, d'autre part, que l'utilité des prescriptions édictées par le préfet par le titre II de son arrêté n'est contesté ni par les épouxC..., ni par la commune de Crozon-sur-Vauvre ; que, dès lors qu'elles ne concernent que les éléments du domaine public de la commune, il y a lieu de les mettre à la charge de celle-ci ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à demander la réformation de l'arrêté du 21 août 2009 du préfet de l'Indre ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des époux C...et de la commune de Crozon-sur-Vauvre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er de l'arrêté du préfet de l'Indre en date du 21 août 2009 est modifié comme suit : " M. et Mme C...sont autorisés, dans les conditions prévues par le présent arrêté, à exploiter le plan d'eau de Bordessoule et le système de vidange de cet étang, implantés sur le ruisseau de la Lande, affluent de la Vauvre, sur la commune de Crozon-sur-Vauvre. ".

Article 2 : Les articles 2 à 6 du titre 1er de l'arrêté du 21 août 2009 sont complétés par l'indication que les prescriptions qu'ils édictent sont mises à la charge de M. et MmeC....

Article 3 : Les dispositions du titre 2 de l'arrêté du 21 août 2009 sont complétées par l'indication que les prescriptions qu'elles édictent sont mises à la charge de la commune de Crozon-sur-Vauvre.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 3 novembre 2011 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...et les conclusions présentées par la commune de Crozon-sur-Vauvre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 12BX00005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00005
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-02-01 Eaux. Ouvrages. Établissement des ouvrages.


Composition du Tribunal
Président : M. DRONNEAU
Rapporteur ?: Mme Béatrice DUVERT
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-12-17;12bx00005 ?
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