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27/11/2013 | FRANCE | N°13BX00230

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 27 novembre 2013, 13BX00230


Vu la requête enregistrée par télécopie le 22 janvier 2013, et régularisée par courrier le 30 janvier 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant.... B3 à Ducos (97224), par Me C...;

M. B...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100830 du 29 octobre 2012 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa non-réintégration dans son emploi

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2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique à ...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 22 janvier 2013, et régularisée par courrier le 30 janvier 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant.... B3 à Ducos (97224), par Me C...;

M. B...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100830 du 29 octobre 2012 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa non-réintégration dans son emploi ;

2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique à lui verser la somme de 550 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 22 mai 2013 ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

Vu le statut du personnel administratif des chambres de métiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., enseignant au centre de formation des apprentis géré par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique, a été placé, en conséquence du transfert à l'association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics de la Martinique, désormais gestionnaire du centre de formation des apprentis, en position de détachement à compter du 1er janvier 2004 pour une durée de trois ans, renouvelée à compter du 1er janvier 2007 pour une nouvelle durée de trois ans ; que par un arrêté du 8 janvier 2010, son détachement a été renouvelé pour une durée de quatre ans, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 ; que, toutefois, par un nouvel arrêté du 19 janvier 2010, le terme de son détachement a été ramené au 30 juillet 2010 ; que par un jugement du 29 octobre 2012, le tribunal administratif de Fort-de-France a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique à verser à M. B... la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis pour avoir été placée illégalement en disponibilité d'office à la fin de son détachement ; que M. B... fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ; que par la voie de l'appel incident, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de métiers et de l'artisanat : " Sur demande de l'agent acceptée par la chambre de métiers ou sur demande de la chambre de métiers acceptée par l'agent, celui-ci peut être placé en position de : - détachement, afin d'exercer une activité à temps complet hors de sa compagnie pour une durée qui ne peut excéder trois ans (...). A l'expiration du détachement (...) l'agent est réintégré à temps complet dans son emploi d'origine. " ; que l'article 33 A de ce statut dispose : " I. La disponibilité est la position de l'agent qui, placé hors de sa chambre de métiers, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. II. La mise en disponibilité sur demande de l'intéressé peut être accordée, sous réserve des nécessités du service, dans les cas suivants : a. Études ou recherches présentant un intérêt général ou pour convenances personnelles (...) b. Pour créer ou reprendre une entreprise (...) III. La mise en disponibilité est accordée de droit à l'agent qui la demande : a. Pour donner des soins au conjoint, à un enfant ou à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave. b. Pour élever un enfant âgé de moins de huit ans ou pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint ou à un ascendant atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne. c. Pour suivre son conjoint lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice de ses fonctions. (...) IV. La décision de mise en disponibilité est prise par le Bureau, après consultation du Secrétaire Général. Elle doit être écrite et préciser la durée d'effet de mise en disponibilité. L'agent mis en disponibilité doit solliciter sa réintégration deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours. A l'expiration de la disponibilité, l'agent est réintégré dans son emploi d'origine ou dans une fonction équivalente à l'indice correspondant à celui de l'agent avant sa mise en disponibilité. " ; que selon l'article 38 du même statut : " Le licenciement résulte (...) de la suppression de l'emploi (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 39 dudit statut : " La suppression d'un emploi permanent doit faire l'objet d'une décision motivée de l'assemblée générale et recevoir l'approbation de l'autorité de tutelle visée à l'article 3. L'agent titulaire de l'emploi supprimé doit, dans toute la mesure du possible, être reclassé dans un emploi équivalent au sein de l'organisme employeur. A défaut (...) le personnel est affecté, dans toute la mesure du possible, à des emplois équivalents dans l'un des organismes visés à l'article 1er ou dans l'organisme auquel seraient dévolues ses attributions. Les propositions de reclassement faites à l'agent dont l'emploi est supprimé sont soumises en cas de litige à la commission paritaire régionale ou, en ce qui concerne les agents relevant de la première catégorie, à la commission paritaire nationale visée à l'article 50. Si des emplois équivalents n'existent pas ou s'ils ne peuvent convenir à l'intéressé, celui-ci est licencié et la cessation de fonctions ne peut intervenir que trois mois après la date de notification de l'approbation de la décision de suppression d'emploi donnée par l'autorité de tutelle susvisée ; ce délai est porté à six mois pour tout agent relevant de l'une ou l'autre des catégories 1, 2 ou 3 visées à l'article 47 du présent statut. L'agent bénéficie d'une indemnité de licenciement égale à un mois de traitement par année de présence dans une chambre de métiers, une chambre régionale de métiers ou une conférence régionale des métiers, un service commun ou à l'A.P.C.M. " ;

3. Considérant qu'il est C...que M. B...était employé depuis 1984 par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique en tant qu'enseignant en dessin d'art appliqué au sein des sections " bâtiment " du centre de formation des apprentis de la chambre (CFA-CMAR) ; qu'à la suite du transfert de ces sections au centre de formation des apprentis du bâtiment et des travaux publics (CFA-BTP), il a été placé en position de détachement auprès de ce CFA, à compter du 1er janvier 2004 pour une durée de trois ans et pris alors en charge par l'association martiniquaise d'éducation populaire (AMEP) ; que ce détachement a été renouvelé pour trois ans à compter du 1er janvier 2007, puis pour une durée de sept mois à compter du 1er janvier 2010 ; qu'à l'issue de cette dernière période, au terme normal de son détachement, motif pris par la chambre de métiers de l'absence d'emploi vacant correspondant à son profil de poste, M. B...a été placé en disponibilité d'office à compter du 1er août 2010 pour une durée indéterminée ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme l'a relevé le tribunal administratif, à la date du 30 juillet 2010, le poste occupé par le requérant avant son détachement avait été supprimé, et la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique ne disposait pas d'un emploi équivalent permettant le reclassement de l'intéressé ; qu'ainsi que l'ont également relevé les premiers juges, s'il appartenait à la chambre de placer son agent dans une position statutaire régulière, l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de métiers ne conférait pas à l'intéressé le droit d'obtenir une réintégration en surnombre, et l'article 33 A du même statut ne prévoyait pas la position de la disponibilité d'office, sans demande de l'agent ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de position statutaire dans laquelle M. B...aurait été susceptible d'être placé en vue de la régularisation de sa situation et eu égard à la procédure de licenciement prévue aux articles 38 et 39 du statut en cas de suppression de l'emploi, il appartenait à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique de mettre en oeuvre cette procédure de licenciement et de verser à l'intéressé l'indemnité de licenciement, égale à un mois de traitement par année de présence dans la chambre, prévue par l'article 39 du statut ; que la décision mettant M. B...en disponibilité d'office à compter du 1er août 2010 étant ainsi illégale, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité et à demander, par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les préjudices :

5. Considérant qu'en l'absence d'exercice effectif des fonctions dont un agent public a été illégalement privé par l'administration, celui-ci ne peut prétendre au rappel de la rémunération correspondante, mais est fondé à demander la réparation intégrale des préjudices de toute nature qu'il a réellement subis du fait des mesures prises irrégulièrement à son encontre ;

6. Considérant que M. B...sollicite, au titre de son préjudice matériel, le versement d'une somme de 450 000 euros, correspondant à l'équivalant de son salaire brut, du 1er septembre 2010 jusqu'à l'âge légal de sa retraite, soit soixante-deux ans, pour un salaire brut s'établissant à 32 518 euros par an ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 4 qu'en vertu des articles 38 et 39 du statut du personnel des chambres de métiers, M. B...aurait dû être licencié et percevoir une indemnité de licenciement égale à un mois de traitement par année d'ancienneté ; que sur la base d'un salaire mensuel d'un montant non contesté de 2 709 euros et de vingt-six années de présence au sein de la chambre, il aurait dû percevoir une indemnité de licenciement de 70 455 euros ; que le requérant ne saurait par suite obtenir une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel qu'il a réellement subi d'un montant supérieur à l'indemnité de licenciement qu'il était en droit de percevoir, déduction faite des rémunérations perçues pendant la même période ; qu'il résulte de l'instruction qu'il a perçu, au mois d'août 2010, de la part de l'AMEP, une indemnité de fin de détachement d'un montant de 15 289 euros calculée au prorata du temps passé au CFA-BTP, laquelle doit, en conséquence, venir en déduction de l'indemnité représentative de licenciement qu'il aurait dû percevoir ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer à 55 166 euros la somme que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique doit être condamnée à lui verser au titre de son préjudice matériel ;

8. Considérant que du fait de l'illégalité de son placement en disponibilité d'office, M. B... a subi un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander que la somme de 10 000 euros que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique a été condamnée à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis soit portée à la somme de 56 166 euros, avant déduction des provisions d'un montant de 6 000 euros et de 4 000 euros déjà allouées à l'intéressé par les ordonnances du juge du référé-provision n° 1100154 du 22 février 2011 et n° 1101012 du 16 janvier 2012, et à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions, et de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La somme de 10 000 euros que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique a été condamnée à verser à M. B...en application de l'article 1er du jugement n° 1100830 du tribunal administratif de Fort-de-France du 29 octobre 2012 est portée à 56 166 euros, avant déduction des provisions d'un montant de 6 000 euros et de 4 000 euros déjà allouées à l'intéressé par les ordonnances du juge du référé-provision n° 1100154 du 22 février 2011 et n° 1101012 du 16 janvier 2012.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 29 octobre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...et les conclusions d'appel incident présentées par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Martinique sont rejetés.

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No 13BX00230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00230
Date de la décision : 27/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité. Réintégration.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CONSTANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-27;13bx00230 ?
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