La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2013 | FRANCE | N°12BX02094

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 19 novembre 2013, 12BX02094


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour MmeA... B..., demeurant..., par Me Fribourg ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000656 du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Libourne à lui verser la somme de 26 580 euros en réparation du préjudice subi du fait de manquements commis à la suite de l'intervention du 20 juillet 2007 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Libourne à lui verser ladite somme de 26 580 euros ;
<

br>3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme de 2 500 euros ...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour MmeA... B..., demeurant..., par Me Fribourg ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000656 du 5 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Libourne à lui verser la somme de 26 580 euros en réparation du préjudice subi du fait de manquements commis à la suite de l'intervention du 20 juillet 2007 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Libourne à lui verser ladite somme de 26 580 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Fribourg, avocat de Mme B...;

- les observations de Me Touche, avocat du centre hospitalier de Libourne ;

1. Considérant que le 20 juillet 2007, MmeB..., qui était alors âgée de 45 ans, a subi une intervention chirurgicale pour le traitement d'une rupture de kyste ovarien au centre hospitalier de Libourne ; qu'elle a été prise en charge le 27 juillet 2007 en soins intensifs à la suite de la réalisation d'un scanner montrant un épanchement abdominal ; que le 31 juillet 2007, une lésion urétérale a été diagnostiquée qui nécessitera deux nouvelles interventions pour la pose d'une sonde urétérale et une hospitalisation jusqu'au 10 août 2007 ; qu'elle connaîtra ensuite plusieurs épisodes infectieux avant le retrait de la sonde le 21 septembre 2007 ; qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert désigné par le juge des référés, MmeB..., estimant avoir été victime d'un retard de diagnostic fautif, a demandé la condamnation du centre hospitalier de Libourne à l'indemniser des préjudices en lien avec ce manquement ; qu'elle relève appel du jugement, en date du 5 juin 2012, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise en date du 3 juillet 2009, que Mme B...a dû subir en urgence le 20 juillet 2007 au centre hospitalier de Libourne une intervention chirurgicale pour retirer un kyste de l'ovaire gauche hémorragique ; que cette intervention a provoqué une plaie de l'uretère dont il n'est pas contesté que la survenance constitue un aléa thérapeutique ; que toutefois, estimant que le diagnostic de cette complication aurait été tardif, Mme B...recherche la responsabilité du centre hospitalier pour faute liée à un retard de prise en charge de 11 jours entre le 20 juillet 2007, date de l'ablation du kyste et le 31 juillet, date de la mise en place d'une sonde ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. " ;

4. Considérant que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise dans le traitement de ces conséquences par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance de se soustraire à ces conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que si la faute dans le traitement des conséquences de cet accident ouvre droit à réparation, l'indemnité mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance est égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur Dufor expert mandaté par le tribunal administratif de Bordeaux que la complication constituée par la plaie survenue au niveau de l'uretère gauche correspond à un aléa thérapeutique ; que, toutefois, ce rapport souligne l'existence d'un : " véritable manquement (qui) correspond à une prise en charge trop tardive de la complication. Il a fallu attendre 11 jours après l'intervention pour porter le diagnostic de lésion urétérale avec uropéritoine " ; que le professeur Sarramon, sapiteur désigné par le tribunal confirme ce manquement dans sa note annexée au rapport d'expertise et précise " qu'il aurait fallu dès le 3ème jour devant un abdomen excessivement douloureux et tendu, malgré les traitements antalgiques majeurs, un retard de la reprise du transit et la présence des niveaux hydoraéniques, prescrire une échographie ou un scanner qui aurait déjà montré du liquide dans le péritoine et fait suspecter un urinome. Un dosage de la créatinine aurait révélé un début d'insuffisance rénale " ; qu'ainsi, en s'abstenant de procéder à un scanner, à tout le moins dès le 25 juillet 2007, date à laquelle il a été constaté un taux de créatinine élevé qui pouvait laisser envisager, ainsi que l'admet l'hôpital, une lésion urétérale ainsi que la persistance d'un abdomen douloureux, pour connaître l'origine des symptômes présentés par Mme B..., le centre hospitalier de Libourne a méconnu les bonnes pratiques en matière de suivi post-opératoire ; que, dans ces conditions, le retard de diagnostic de 6 jours, s'étalant du 25 juillet 2007, date à laquelle le taux de créatinine aurait dû entrainer d'autres examens que ceux qui ont été pratiqués et le 31 juillet 2007, date à laquelle la pose de la sonde est intervenue en reprise de la complication initiale, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Libourne ; que, toutefois, compte tenu de la durée de ce retard de diagnostic limitée à 6 jours, la perte de chance d'une guérison plus rapide des conséquences de l'aléa thérapeutique doit être évaluée dans les circonstances de l'espèce à 20 % ;

Sur l'évaluation des préjudices :

Quant aux préjudices à caractère patrimonial :

6. Considérant que Mme B...sollicite l'indemnisation d'une perte de revenu à hauteur de 5 000 euros ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'incapacité de travail de 21 jours de la requérante, qui exerce la profession d'avocate, a été limitée à la période estivale ; qu'elle ne justifie pas de ce que la baisse de son chiffre d'affaires au cours de l'année 2008 serait imputable aux arrêts de travail qu'elle a connus au cours de l'année 2007 ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à obtenir réparation de ce préjudice ;

Quant aux préjudices à caractère extrapatrimonial :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert que Mme B... a été victime d'une souffrance estimée à 4/7 par l'expert ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances liées au retard de diagnostic de ce poste de préjudices en lui allouant une somme de 4 000 euros ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'au titre du déficit fonctionnel temporaire total retenu par l'expert à raison de 21 jours du fait d'hospitalisations résultant à la fois de l'aléa thérapeutique et du retard fautif en cause ainsi que du déficit partiel temporaire dont le taux n'a pas été précisé par l'expert, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 3 000 euros ;

9. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...justifie d'honoraires d'un médecin qui l'a assistée dans les opérations d'expertise à hauteur de 2 400 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices strictement liés au retard de diagnostic et de traitement, indépendamment des conséquences de l'aléa thérapeutique, doit être évalué à la somme de 9 400 euros ; que, compte tenu de la perte de chance évaluée à 20 % le centre hospitalier de Libourne doit être condamné à verser à Mme B... la somme de 1 880 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

12. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Libourne les frais de l'expertise confiée à l'expert et à son sapiteur qui ont été taxés et liquidés à la somme de 1 890 euros, par ordonnance du président du tribunal administratif du 16 juillet 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Duffau-Lagarrosse et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juin 2012 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Libourne est condamné à verser à Mme B...la somme de 1 880 euros en réparation des préjudices subis.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 890 euros, par ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juillet 2009, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Libourne.

Article 4 : Le centre hospitalier de Libourne versera une somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

''

''

''

''

2

No 12BX02094


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : FRIBOURG

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 19/11/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12BX02094
Numéro NOR : CETATEXT000028222042 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-19;12bx02094 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award