Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2013 par télécopie, régularisée le 15 mars 2013, présentée pour le préfet des Pyrénées-Orientales ;
Le préfet des Pyrénées-Orientales demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300482 du 6 février 2013 en tant que le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté n° 2013-66-0174 du 3 février 2013 ordonnant la remise de Mme B...A...aux autorités espagnoles ainsi que son placement en rétention administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation de cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, pris pour son application ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2013 :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeA..., ressortissante iranienne, qui voyageait à bord d'un autobus reliant Barcelone à Amsterdam, a été interpellée au Perthus et a fait l'objet d'un arrêté en date du 3 février 2013 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a décidé sa remise aux autorités espagnoles et a ordonné son placement en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée de cinq jours ; que, par jugement n° 1300482 en date du 6 février 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, statuant selon la procédure prévue à l'article L. 512-1 III, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions dirigées contre une seconde décision en date du 6 février 2013 portant désignation de l'Espagne comme pays de renvoi au titre du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 après présentation d'une demande d'asile le 4 février 2013, mais annulé l'arrêté contesté ; que le préfet des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement en tant qu'il a prononcé cette annulation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. " ;
3. Considérant que pour annuler la décision de remise aux autorités espagnoles, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a considéré qu'elle avait été adoptée en méconnaissance de la garantie prévue par l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que Mme A...n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses observations préalablement à sa notification, intervenue le 3 février 2013 à 13h50, alors que l'intéressée avait été informée à 13h45 qu'elle pouvait présenter des observations sur la désignation de l'Espagne comme pays de réadmission ;
4. Considérant cependant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 531-1 que l'étranger ne doit être mis en mesure de présenter ses observations que préalablement à l'exécution d'office d'une décision de remise aux autorités d'un autre pays de l'Union européenne ;
5. Considérant que, comme il a été dit, Mme A...a été informée le 3 février 2013, à 13h45, qu'elle allait être remise aux autorité espagnoles et qu'elle pouvait formuler des observations sur cette mesure ; que cette information lui a été délivrée en présence d'un interprète en langue anglaise ; qu'il résulte tant du procès-verbal d'audition en date du 3 février 2013, mené en présence du même interprète en langue anglaise, que du certificat rédigé le 4 février 2013 par le Dr Dombret, qui a procédé à l'examen de l'intéressée et s'est entretenu avec elle en langue anglaise, que celle-ci présente un niveau en anglais qui lui a permis d'exposer avec précision les violences et blessures subies en Iran, avec leurs éléments de contexte, ainsi que les circonstances de son arrivée en Espagne puis de sa venue en France ; qu'elle était ainsi parfaitement en mesure de comprendre qu'elle disposait d'un droit à formuler des observations sur la mesure de remise aux autorités espagnoles prise à son encontre ; qu'elle a par ailleurs disposé d'un délai suffisant pour exercer ce droit, sa réadmission vers l'Espagne n'ayant, à la date du jugement attaqué, pas été exécutée ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 3 février 2013 du préfet des Pyrénées-Orientales au motif qu'elle était intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur la décision portant remise aux autorités espagnoles :
7. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;
8. Considérant que l'administration n'est tenue de faire figurer, dans la notification de ses décisions, que les délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais de recours administratifs préalables obligatoires ; que s'il lui est loisible d'y ajouter la mention du caractère suspensif ou non desdits recours, à la condition qu'il n'en résulte pas d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif, elle n'est toutefois pas tenue d'y faire figurer de telles mentions ;
9. Considérant qu'il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire que le recours contentieux formé contre une mesure de réadmission dans un autre Etat membre présenterait un caractère suspensif ; que les mentions, portées dans le formulaire de notification joint à l'arrêté en litige, selon lesquelles : " l'introduction de ce recours [contentieux] n'a pas de caractère suspensif et, en conséquence, la présente décision est immédiatement exécutoire. " et " afin de vous permettre de contester la décision de placement en rétention administrative (...) vous pouvez former dans un délai de 48 h suivant la présente notification un recours en annulation devant la juridiction administrative compétente (...) ", ne comportent aucune ambiguïté de nature à induire en erreur l'intéressée ;
10. Considérant en deuxième lieu que Mme A...soutient que la décision attaquée a été adoptée en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'elle n'a pas été informée de ses droits dans une langue qu'elle comprenait ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figurent au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative applicables aux décisions portant remise d'un ressortissant d'un pays tiers à un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure ; qu'en tout état de cause, et comme il a été dit plus haut, au point 5, Mme A...dispose d'un niveau en anglais qui lui permettait, avec l'aide d'un interprète de langue anglaise, d'exercer pleinement son droit à présenter des observations, sans que la présence d'un interprète en persan fût nécessaire ;
11. Considérant en troisième lieu que Mme A...fait valoir que la décision en litige est dépourvue de base légale dès lors qu'elle a sollicité la remise d'un dossier d'asile ; que si le préfet des Pyrénées-Orientales admet avoir reçu en préfecture une demande d'asile le 5 février 2013 à 17h23, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision en litige, intervenue le 3 février 2013 et notifiée le même jour à Mme A...; que celle-ci fait toutefois également valoir qu'elle avait formé une demande d'asile dès le 3 février 2013, à l'occasion de son audition par la police aux frontières ; qu'il ressort du procès-verbal d'audition en date du 3 février 2013, qu'à la question de savoir si elle accepterait de retourner en Iran, MmeA..., qui avait par ailleurs indiqué qu'elle résidait à Alicante, en Espagne, chez son " ex-petit ami ", et qu'elle avait été interpellée en France alors qu'elle circulait à bord d'un bus assurant la liaison Barcelone/Amsterdam, afin de rendre visite à sa mère, à Bruxelles, pour un séjour de quatre jours, et n'avait manifesté aucune intention de s'installer en France, a exprimé sa volonté de ne pas retourner en Iran et, dans le cas où une mesure de reconduite serait envisagée à son encontre, son souhait de retourner en Espagne ou de déposer une demande d'asile en France ; qu'un tel souhait, subordonné à la mise en oeuvre d'une mesure de reconduite, à laquelle il avait donc pour objet de faire obstacle, et à l'impossibilité d'un retour sur le territoire espagnol, ne saurait s'analyser comme matérialisant l'intention de MmeA..., lors de son audition par la police aux frontières, de solliciter l'asile auprès des autorités françaises ; que dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de réadmission en litige serait dépourvue de base légale, qu'elle porterait atteinte au droit d'asile, territorial et constitutionnel, et que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait dû, préalablement à son adoption, apprécier la possibilité pour lui de faire usage du pouvoir, conféré par l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003, d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas ;
12. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes de l'article 33-1 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. " ;
13. Considérant que la décision de réadmission vers l'Espagne n'a pas pour effet, en elle-même, d'emporter retour de Mme A...en Iran, son pays d'origine ; qu'il ne ressort à cet égard d'aucune pièce du dossier que l'intéressée aurait été sous le coup, en Espagne, d'une mesure d'éloignement à destination de l'Iran, devenue définitive ; qu'en tout état de cause, et à supposer même qu'une telle mesure ait été adoptée à son encontre, elle aurait dû être réexaminée, après sa demande d'asile, au regard de la responsabilité de l'Espagne pour y statuer ; que Mme A...ne saurait ainsi utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision litigieuse, des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 33-1 de la convention de Genève ni, au demeurant, de celles des articles 1er, 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Sur la décision de placement en rétention administrative :
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de placement en rétention administrative litigieuse serait dépourvue de base légale eu égard à l'illégalité de la décision du même jour ordonnant sa remise aux autorités espagnoles ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 3 février 2013 décidant la remise de Mme A...aux autorités espagnoles et ordonnant son placement en rétention administrative ;
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au profit de l'avocat de Mme A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu , dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300482 du 6 février 2013 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse est annulé en ses articles 2 et 4.
Article 2 : La demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision du 3 février 2013 et à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A...et par le préfet des Pyrénées-Orientales en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 13BX00779