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22/10/2013 | FRANCE | N°13BX00269

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 22 octobre 2013, 13BX00269


Vu la requête enregistrée le 28 janvier 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 31 janvier 2013 présentée pour M. B...A... demeurant ... par la Selarl Aty avocats associés ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204878 du 9 novembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de l'arrêté en date du 20 septembre 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai d

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Vu la requête enregistrée le 28 janvier 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 31 janvier 2013 présentée pour M. B...A... demeurant ... par la Selarl Aty avocats associés ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204878 du 9 novembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de l'arrêté en date du 20 septembre 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il devrait être reconduit, d'autre part, de l'arrêté en date du 6 novembre 2012 par lequel la même autorité l'a placé en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés susvisés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois après la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013, le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

1. Considérant que le préfet de la Haute-Garonne a pris à l'encontre de M.A..., le 20 septembre 2012, un arrêté lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit ; que le 6 novembre 2012, cette même autorité a placé l'intéressé en rétention administrative ; que par un jugement du 9 novembre 2012 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de justice administrative, ne s'est prononcé que sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions mentionnées ci-dessus à l'exception du refus de titre de séjour et a rejeté ces conclusions ; que M. A...interjette appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le requérant n'aurait pas bénéficié, lors de l'instruction de sa demande d'asile, de l'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile dans les conditions prévues par les stipulations de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué à l'appui d'une contestation de la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; que, par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écartée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, quel que soit le type de décision dont cette obligation de quitter le territoire français découle ; qu'en vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent pas non plus être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ; qu'il en est notamment ainsi lorsque le préfet, comme en l'espèce, refuse la délivrance d'une carte de séjour temporaire à un étranger auquel la qualité de réfugié a été refusée ; que cette décision doit, en effet, être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, la reconnaissance du statut de réfugié impliquant la délivrance immédiate d'une carte de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé à M. A...serait entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été mis préalablement à même de présenter ses observations conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté ; que, par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit également être écartée ;

4. Considérant, en troisième lieu, que M. A...soutient que le préfet aurait dû solliciter ses observations sur la mesure accessoire, mais non obligatoire, au refus de séjour qu'il s'apprêtait à prendre, soit l'obligation de quitter le territoire français, et se prévaut à l'appui de ce moyen des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

5. Considérant que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se situe dans le champ d'application de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, que celle-ci ait été transposée ou non ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-617/10 du 26 février 2013, point 21], lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application du droit de l'Union, il ne saurait exister de cas de figure qui relèvent du droit de l'Union sans que les droits fondamentaux trouvent à s'appliquer ; que la décision de retour imposée à un étranger dont la demande de titre de séjour a été rejetée est donc régie par les principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

6. Considérant qu'en vertu de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout étranger qui sollicite un titre de séjour doit se présenter personnellement en préfecture, et qu'aux termes de l'article R. 311-13 du même code : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français." ; qu'ainsi M. A...ne pouvait ignorer que si la demande de titre de séjour qu'il avait présentée, en invoquant les circonstances de fait qui la justifiaient selon lui, n'était pas accueillie, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'allègue pas avoir disposé d'éléments nouveaux et pertinents à porter à la connaissance du préfet de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ; qu'en se bornant à soutenir que le préfet devait lui adresser une invitation à présenter des observations, alors qu'il résulte de ce qui précède qu'une telle obligation ne résultait pas nécessairement des principes applicables, il n'établit en tout état de cause aucune méconnaissance des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne dont s'inspire la charte des droits fondamentaux qu'il invoque ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

7. Considérant, en premier lieu, que pour les motifs indiqués aux points 5 et 6, le moyen invoqué par M. A...tiré de la violation des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision fixant le pays de renvoi vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont elle fait application ; qu'elle mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine " vu, notamment le rejet de sa demande d'admission au bénéfice de l'asile " ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée ; que, dès lors, elle est suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979, alors même qu'elle n'a pas visé l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette motivation révèle un examen sérieux de la situation de M.A... ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si la décision attaquée relève que l'intéressé s'est vu débouter de sa demande d'asile tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile le 6 juillet 2012, il ne ressort pas des termes mêmes de cette décision que le préfet se serait estimé tenu de ne pas examiner l'actualité des risques encourus par le requérant à la date du 20 septembre 2012 à laquelle la décision fixant le pays de renvoi a été prise ; que le moyen tiré de ce que la décision préfectorale serait entachée d'erreur de droit doit être écarté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que si M. A...soutient qu'en raison de son appartenance à la minorité catholique il encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, le Bangladesh, ses allégations ne sont pas corroborées par les pièces du dossier ; qu'ainsi le rapport établi par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides en 2010, cité par le requérant, selon lequel au Bangladesh des membres de minorités ethniques ou religieuses ont fait ponctuellement l'objet de violences, ne suffit pas à établir la réalité des risques personnellement encourus par l'intéressé en 2012 ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

12. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que l'article L. 561-2 du même code dispose que : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

13. Considérant que la décision obligeant M. A...à quitter le territoire n'étant pas entachée d'illégalité, la décision le plaçant en rétention administrative ne se trouve pas privée de base légale ;

14. Considérant que la décision attaquée vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application et précise les motifs de fait pour lesquels l'intéressé ne peut pas bénéficier d'une assignation à résidence plutôt que de se voir placé en rétention administrative ; qu'elle est donc suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

15. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. A...ne dispose pas de documents d'identité ou d'un titre de voyage en cours de validité ; que cette seule circonstance justifiait que soit prise le mesure contestée ; que le fait que l'intéressé résiderait de manière stable au 24 rue Joseph Lakanal à Toulouse n'est, dans ces conditions, pas suffisante pour estimer que le préfet n'aurait pas décidé de placer le requérant en rétention administrative sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ;

16 Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17 Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M.A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de M. A...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

18 Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A...à ce titre au bénéfice de son avocat ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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No 13BX00269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00269
Date de la décision : 22/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-10-22;13bx00269 ?
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