La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2013 | FRANCE | N°13BX00667

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 03 octobre 2013, 13BX00667


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour M. D...B..., demeurant..., par Me Antelme, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100268 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, saisi par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, l'a condamné, pour contravention de grande voirie, d'une part à payer une amende de 1 000 euros, d'autre part, à faire cesser l'occupation de la parcelle cadastrée CZ 61, située au lieu-dit " la Pointe au sel " sur le territoire de l

a commune de Saint-Leu et à y enlever tous ses effets personnels pour rem...

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour M. D...B..., demeurant..., par Me Antelme, avocat ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100268 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, saisi par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, l'a condamné, pour contravention de grande voirie, d'une part à payer une amende de 1 000 euros, d'autre part, à faire cesser l'occupation de la parcelle cadastrée CZ 61, située au lieu-dit " la Pointe au sel " sur le territoire de la commune de Saint-Leu et à y enlever tous ses effets personnels pour remettre la parcelle en l'état, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en autorisant l'administration à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai ;

2°) de le relaxer des fins des poursuites engagées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ellie, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;

1. Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 8 mars 2011, sur la base de constatations effectuées le 3 mars 2011, à l'encontre de M. B...pour occuper une bâtisse installée sans autorisation sur une parcelle appartenant au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, cadastrée CZ 61, située au lieu-dit la " Pointe au sel " sur le territoire de la commune de Saint-Leu et y avoir déposé des gravats ; que M. B...relève appel du jugement n° 1100268 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis, saisi par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, l'a condamné, pour contravention de grande voirie, d'une part à payer une amende de 1 000 euros, d'autre part, à faire cesser l'occupation de la parcelle cadastrée CZ 61 et à y enlever tous ses effets personnels pour remettre la parcelle en l'état, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en autorisant l'administration à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si M. B...soutient que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fait juge de la validité de contrats de droit privé et de droits relatifs à la propriété foncière, il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, même en l'absence d'un acte administratif le délimitant, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire la solution d'une question préjudicielle de propriété, lorsque, à l'appui de la contestation, sont invoqués des titres privés dont l'examen soulève une difficulté sérieuse ; qu'en conséquence, il incombe au tribunal administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits reprochés se trouvent ou non dans ces limites ; que l'examen des documents produits pour trancher la question de la domanialité de la partie de la parcelle sur laquelle l'infraction poursuivie a été constatée ne soulève pas de difficultés sérieuses de nature à justifier le renvoi d'une question préjudicielle de propriété devant l'autorité judiciaire ; qu'ainsi, le tribunal administratif n'a pas excédé sa compétence en jugeant qu'à la date du procès-verbal dressé à l'encontre de M.B..., cette partie de la parcelle appartenait au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, par suite, devait être regardée comme incluse dans le domaine public qu'il est chargé de protéger ;

Sur la régularité des poursuites :

3. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance " ; qu'en application de ces dispositions, l'autorité compétente est tenue, dès qu'il est porté atteinte au domaine public, d'engager des poursuites à l'encontre de l'auteur de cette atteinte, et ne peut le faire qu'en saisissant le tribunal administratif, juge de la contravention de grande voirie ; que dans ce cas, le juge de la contravention de grande voirie doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens ; qu'eu égard aux particularités de son office, il doit vérifier, au besoin d'office, lorsqu'un moyen tiré de l'irrégularité de la notification des poursuites est soulevé, si la procédure n'a pas été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l'autorité compétente ;

4. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. / Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1, sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. / Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. Elles supportent les frais des mesures provisoires et urgentes que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a pu être amené à prendre pour faire cesser le trouble apporté au domaine public par les infractions constatées. / Le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, sur délégation, les délégués des rivages du conservatoire, ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative. " ;

5. Considérant en premier lieu, que M. B...fait valoir que le signataire de la demande introductive d'instance par laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis a été saisi le 15 mars 2011 était incompétent faute de publication préalable et régulière de la délégation qui lui avait été accordée et que le mémoire produit le 13 juillet 2011 au-delà des délais de recours n'a pu régulariser cette incompétence ; qu'il résulte des dispositions précitées que le dépôt de conclusions le 13 juillet 2011 par le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, auxquelles était annexé le procès-verbal de contravention de grande voirie établi le 8 mars 2011, a régularisé la procédure et ainsi valablement saisi le tribunal administratif des poursuites engagées à l'encontre de M.B... ;

6. Considérant en second lieu, que pour les mêmes motifs, la circonstance que, contrairement à ce qu'impose l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la demande introductive d'instance du 15 mars 2011 ne comportait ni exposé des faits et moyens, ni énoncé des conclusions, est sans influence sur la régularité de la procédure dès lors que cet article ne s'applique pas à la procédure suivie en matière de contravention de grande voirie, régie par les dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative ; qu'en application de ces dispositions, la transmission de l'acte de notification, accompagné du procès-verbal notifié, suffit à régulièrement saisir le tribunal compétent des poursuites engagées ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la saisine du tribunal était irrecevable faute d'un exposé des faits et des moyens ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de la contravention :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " ; qu'aux termes de l'article L. 322-9 du code de l'environnement : " Le domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l'Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1. Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l'exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public. Les immeubles du domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres peuvent être gérés par les collectivités locales ou leurs groupements, ou les établissements publics ou les fondations et associations spécialisées agréées qui en assurent les charges et perçoivent les produits correspondants. Priorité est donnée, si elles le demandent, aux collectivités locales sur le territoire desquelles les immeubles sont situés. Les conventions signées à ce titre entre le conservatoire et les gestionnaires prévoient expressément l'usage à donner aux terrains, cet usage devant obligatoirement contribuer à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 322-1 " ;

8. Considérant en premier lieu, que la parcelle cadastrée CZ 61 appartenait primitivement à M. C...qui, selon l'acte authentique du 9 août 1977 produit au dossier, avait acquis, sur le territoire de la commune de Saint-Leu, au lieu-dit la " Pointe au sel ", " une parcelle de terrain (...) d'une superficie d'environ deux hectares cinquante cinq ares, vingt six centiares (en ce compris le chemin existant de sept mètres de large sur les bornes Ouest et Nord du terrain - limite supérieure des Pas géométriques) " ; que l'acte authentique du 9 août 1977 précise également que la parcelle vendue s'étend jusqu'aux parcelles des Sucreries de Bourbon et de Mme E...A...situées au-delà de ce chemin ; que la parcelle CZ 61 a été cédée par M. C... au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres par acte authentique du 5 octobre 2004 pour être incorporée dans le domaine public ; que l'acte authentique du 5 octobre 2004 précise que la parcelle consiste en un terrain de forme irrégulière, allongé, plat, situé en bordure de la RN1 sur lequel sont édifiées une case en dur et bois sous tôles, une case en dur sous tôle et une petite construction en dur sous tôles ; que l'intégralité de la parcelle a été classée dans le domaine propre du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres par délibération de son conseil d'administration en date du 24 février 2011 ;

9. Considérant que si M. B...prétend que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres n'est pas le propriétaire de la partie de la parcelle située au Nord du chemin la traversant où est située la bâtisse qu'il occupe, et que cette partie n'est pas incluse dans le domaine public, il ne fait état d'aucun document de nature à établir que la parcelle décrite dans les actes authentiques susmentionnés comme étant d'un seul tenant, aurait fait l'objet d'une division et qu'une partie aurait été cédée à un autre propriétaire, ou reconnue comme sa propriété ; qu'il résulte au contraire de ces actes ainsi que des plans produits par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, que ne saurait suffire à mettre en cause le plan d'état des lieux que M. B...a fait établir de façon non contradictoire par un géomètre-expert le 7 février 2012, que la parcelle cadastrée CZ 61 s'étend au Nord du chemin qui la traverse jusqu'aux parcelles autrefois détenues par les Sucreries de Bourbon et Mme E...A...en incluant le terrain supportant la bâtisse occupée ; que la circonstance que la construction de cette bâtisse soit antérieure à la création de la réserve naturelle que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est chargé de protéger et qu'elle ait fait l'objet d'un contrat de bail, lequel ne constitue pas un titre de propriété, est sans incidence sur l'appréciation de la propriété et des limites de la parcelle ; qu'il est ainsi établi qu'à la date du procès-verbal dressé à l'encontre de M. B..., cette partie de la parcelle appartenait au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et devait être regardée comme incluse dans le domaine public qu'il est chargé de protéger ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des énonciations non contredites du procès-verbal de contravention de grande voirie du 8 mars 2011 dressé par agents assermentés que M. B...occupe une des constructions bâties sur la parcelle cadastrée CZ 61 où il exploite un restaurant dénommé la " Cabane à Sel "; qu'il ressort du même procès-verbal que des gravats ont été déposés à l'arrière de cette construction sur la même parcelle ; que l'occupation sans titre d'une parcelle du domaine propre du Conservatoire du littoral et des espaces lacustres et le dépôt de gravats sans autorisation constituent une contravention de grande voirie prévue par les articles L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 322-10-4 du code de l'environnement ; qu'en produisant un contrat de bail conclu avec une personne se disant propriétaire de la construction, ainsi que les documents établissant l'immatriculation commerciale du restaurant, M. B...ne justifie pas d'une autorisation délivrée au titre de la législation relative au domaine public, seule de nature à lui permettre d' occuper la parcelle cadastrée CZ 61 ; que la circonstance qu'il aurait payé les redevances et impôts dus au titre de l'exploitation de ce commerce, qui existe depuis une trentaine d'années à cet endroit et est desservi par les réseaux publics, est également sans influence sur la matérialité et le bien-fondé de la contravention de grande voirie dressée à son encontre ;

11. Considérant que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...entretenait la construction dans laquelle il exploite son restaurant et qu'il dispose ainsi de la garde effective de cette construction et des pouvoirs lui permettant de prendre toutes dispositions pour faire cesser l'atteinte portée au domaine public ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis l'a condamné pour contravention de grande voirie ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant à l'application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

2

No 13BX00667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX00667
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP CANALE GAUTHIER ANTELME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-10-03;13bx00667 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award