Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 26 juin 2012 présentée pour M. A...B...demeurant ...par Me D...;
M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001573 du 26 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 mars 2010 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de MmeE...;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'autoriser M. B...à faire résider en France son épouse au titre du regroupement familial;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. B...soutient :
- que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et n'a pas pris en compte son droit à mener une vie familiale normale ;
- qu'en se bornant à considérer que ses ressources étaient insuffisantes, sans apprécier concrètement si le refus était susceptible de porter atteinte à sa vie privée et familiale, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- que la non-application aux ressortissants algériens des dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que le demandeur au regroupement familial titulaire d'une allocation adulte handicapé est dispensé de la condition de ressources, constitue une inégalité de traitement liée à la nationalité et au handicap et méconnaît les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- que la décision contestée méconnaît les délibérations de la Halde des 1er et 29 novembre 2010, qui a considéré que la situation particulière des algériens était constitutive d'une discrimination à raison du handicap et de la nationalité ;
- que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, car la présence de son épouse à ses côtés est indispensable et qu'il établit que le centre de ses intérêts se situe en France ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 10 septembre 2012 présenté par le préfet de la Gironde, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que l'auteur de la décision attaquée était compétent ;
- que les ressources de M. B...sont inférieures au SMIC et ne lui permettent pas de prétendre au bénéfice du regroupement familial conformément à l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- que l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants algériens ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture d'instruction au 26 octobre 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2012 le rapport de Mme Deborah de PAZ et les observations de Me C...pour M.B... ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, titulaire d'un certificat de résident, a épousé le 2 juillet 2009, en Algérie, une compatriote ; que le 20 septembre 2009, il a déposé une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse ; que par une décision du 3 mars 2010, sa demande a été rejetée au motif qu'il ne justifiait pas, sur la période de douze mois précédant sa demande, de ressources au moins équivalentes à la moyenne du salaire minimum de croissance ; qu'après le rejet de son recours gracieux le 5 mai 2010, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux qui, par un jugement en date du 26 avril 2012, a rejeté sa demande ; que M. B...relève appel dudit jugement ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., âgé de 30 ans à la date de la décision attaquée, est entré sur le territoire national avec ses parents à l'âge d'un an ; qu'il a depuis lors toujours vécu sur le territoire national et établit l'existence de ses liens personnels et familiaux en France ; qu'il est atteint d'un handicap dont le taux a été fixé à 80% par la commission des droits de l'autonomie et des personnes handicapés et justifie que la présence de son épouse à son côté s'avère indispensable ; qu'enfin, M. B...dispose d'un logement de capacité suffisante et perçoit l'allocation adulte handicapé qui lui procure des ressources stables et régulières ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte-tenu de la durée et des conditions de séjour de M. B...en France, la décision contestée du 3 mars 2010 lui refusant l'autorisation de faire résider son épouse au titre du regroupement familial, a porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer les autres moyens, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;
6. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'autoriser M. B...à faire résider son épouse Mme E...en France ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que M. B...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. B...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamé à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2012 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 3 mars 2010 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'autoriser M. B...à faire résider son épouse Mme E...en France.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2012 à laquelle siégeaient :
Mme Mireille Marraco, président,
M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,
Mme Deborah de Paz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2013.
Le rapporteur,
Deborah de PAZLe président,
Mireille MARRACO
Le greffier,
Hélène de LASTELLE du PRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12BX01630