La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/12/2012 | FRANCE | N°12BX00280

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 27 décembre 2012, 12BX00280


Vu la requête enregistrée le 6 février 2012, présentée pour M. Irfan X, élisant domicile près l'association Regar, 14 place Saluste du Bartas à Auch (32000), par Me Dubois, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102304 du 20 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 28 septembre 2011 par laquelle le préfet du Gers lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra êtr

e renvoyé ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 septembre 2011 par ...

Vu la requête enregistrée le 6 février 2012, présentée pour M. Irfan X, élisant domicile près l'association Regar, 14 place Saluste du Bartas à Auch (32000), par Me Dubois, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102304 du 20 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 28 septembre 2011 par laquelle le préfet du Gers lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 septembre 2011 par laquelle le préfet du Gers lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 modifiée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée, et notamment son article 4 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Bentolila rapporteur public ;

1. Considérant que, par arrêté du 28 septembre 2011, le préfet du Gers a rejeté la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. X, de nationalité kosovare, lui a fait obligation de quitter le territoire français en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le Kosovo comme pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que M. X fait appel du jugement en date du 20 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose : " I.- I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants [...] 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; [...].La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ; que le préfet du Gers a refusé par un arrêté du 28 septembre 2011 d'admettre au séjour en France M. X, ressortissant kosovare, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai ;

3. Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : [...] / 2 ° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ; [...] / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne.[...] " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;

5. Considérant que le préfet a fondé la décision litigieuse sur la circonstance que M. X était originaire du Kosovo, pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs ;

6. Considérant que, par un arrêt du 26 mars 2012, le Conseil d'Etat a annulé la décision du 18 mars 2011 par laquelle le conseil d'administration de l'office français de protection des réfugiés et apatrides avait inscrit le Kosovo sur la liste des pays d'origine sûrs ; que cette annulation a un caractère rétroactif ; que le préfet ne pouvait ainsi se fonder sur la circonstance que le Kosovo était inscrit à la date de sa décision sur la liste des pays d'origine sûrs pour instruire selon la procédure prioritaire la demande de M. X de réexamen de sa demande d'asile et de lui refuser en conséquence un premier titre de séjour ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que, dès lors qu'il ne relevait pas des exceptions limitativement prévues aux alinéa 1 à 4 de l'article L. 741-4, il devait être admis au séjour en France jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile statue sur sa demande de réexamen de sa demande d'asile ; que par suite, c'est à tort que le préfet du Gers lui a refusé la délivrance d'un premier titre de séjour ; qu'étant en situation régulière sur le territoire français, M. X ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement à destination du Kosovo ; que la décision du 28 septembre 2011 par laquelle le préfet du Gers a fait obligation à M. X de quitter le territoire français doit par suite être annulée ; que la décision désignant le Kosovo comme le pays de renvoi doit également être annulée par voie de conséquence ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 septembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique que l'administration autorise M. X à séjourner en France jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours formé par ce dernier à l'encontre de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 août 2011 ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de donner instruction au préfet territorialement compétent, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de la lui renouveler jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile se prononçant sur le recours de l'intéressé ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dubois, avocat de M. X renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dubois de la somme de 1 000 euros ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 20 décembre 2011 et l'arrêté du 28 septembre 2011 du préfet du Gers sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de donner instruction au préfet territorialement compétent de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de la lui renouveler jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours que ce dernier a formé contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 août 2011.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dubois une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dubois renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

''

''

''

''

5

No 12BX00280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00280
Date de la décision : 27/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JACQ
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-27;12bx00280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award