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20/12/2012 | FRANCE | N°11BX03410

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 20 décembre 2012, 11BX03410


Vu la requête enregistrée le 27 décembre 2011 par télécopie, régularisée le 30 décembre 2011, présentée pour la commune de Rémire-Montjoly (97354), représentée par son maire en exercice, par la SCP Mariema-Bouchet et Bouchet, société d'avocats ;

La commune de Rémire-Montjoly demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000793 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 23 août 2010 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé de céder à la SCI Colibri la parcelle cada

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Vu la requête enregistrée le 27 décembre 2011 par télécopie, régularisée le 30 décembre 2011, présentée pour la commune de Rémire-Montjoly (97354), représentée par son maire en exercice, par la SCP Mariema-Bouchet et Bouchet, société d'avocats ;

La commune de Rémire-Montjoly demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000793 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 23 août 2010 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé de céder à la SCI Colibri la parcelle cadastrée AR 220 appartenant au domaine privé de l'Etat et située sur le territoire de la commune ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Colibri devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de la SCI Colibri au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre le remboursement au titre des dépens de la contribution pour l'aide juridique ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que par jugement n° 1000793 du 6 octobre 2011, le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 23 août 2010 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé de céder à la SCI Colibri la parcelle cadastrée AR 220 appartenant au domaine privé de l'Etat et située sur le territoire de la commune, au motif que la commune de Rémire-Montjoly en avait demandé l'attribution à titre gratuit sur le fondement de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; que la commune de Rémire-Montjoly et la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relèvent appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Considérant d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance " ; qu'aux termes de l'article R. 832-1 du même code : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que doit être regardée comme une partie présente à l'instance, ayant à ce titre qualité pour interjeter appel contre le jugement qui y a été rendu, la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre ce jugement si celui-ci préjudicie à ses droits ;

3. Considérant qu'alors même qu'elle avait été appelée par les premiers juges à produire des observations sur la demande de la SCI Colibri, la commune de Rémire-Montjoly n'avait pas la qualité de partie à l'instance ; que l'annulation par le jugement attaqué de la décision du 23 août 2010 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé de céder la parcelle cadastrée AR 220 appartenant au domaine privé de l'Etat ne crée aucun droit au profit de la SCI Colibri et ne prive pas la commune de la possibilité d'envisager la cession à son profit de cette parcelle pour y mener à bien ses projets ; qu'ainsi, le jugement n'est pas susceptible de préjudicier aux droits de la commune, au sens de l'article R. 832-1 du code de justice administrative alors même qu'elle aurait sollicité l'attribution à titre gratuit de la parcelle objet du litige ; que, par suite, la commune de Rémire-Montjoly, qui n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition, n'est pas recevable à relever appel de ce jugement ;

4. Considérant d'autre part qu'aux termes l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction." ; que l'article R. 811-10 du code de justice administrative précise : " Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. " ; que si l'article R. 811-10-2 prévoit que : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le trésorier-payeur général présente les mémoires et observations devant la cour administrative d'appel en réponse aux requêtes relatives au recouvrement des impôts directs et taxes assimilées dont le recouvrement est assuré par les comptables du Trésor, des amendes et condamnations pécuniaires, et des créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine.", le présent recours ne relève pas de ces catégories ; qu'il est constant que le jugement du tribunal administratif de Cayenne n'a pas été notifié à la ministre du budget, ce qui n'a pu faire courir aucun délai à l'encontre de l'Etat ; qu'ainsi le recours présenté par la ministre le 2 avril 2012 est en tout état de cause recevable ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

5. Considérant que la contestation par une personne privée de l'acte par lequel une personne morale de droit public ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne privée, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l'intéressé de l'acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d'engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ; que, dès lors, le présent litige relatif à la décision par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé de céder à titre onéreux une parcelle appartenant au domaine privé de l'Etat à la SCI Colibri relève de la compétence de la juridiction de l'ordre administratif ; que, par suite, la SCI Colibri n'est pas fondée à soutenir que la juridiction administrative est incompétente pour en connaître ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

6. Considérant que par l'article 1er de la délibération n° 2010-46/RM du 28 juillet 2010, le conseil municipal de Rémire-Montjoly réaffirme " auprès de l'État la volonté communale de demander au titre du décret foncier la cession gratuite de tous les terrains appartenant à son domaine privé sur la commune ... à hauteur de 10 % de sa surface urbanisée, et par conséquent de s'opposer à toutes les demandes d'acquisition qui seront effectuées sur son territoire par des pétitionnaires publics ou privés " ; qu'alors même qu'elle ne vise pas précisément la parcelle dont la SCI Colibri avait sollicité la cession, cette délibération ne se borne pas à exprimer un voeu dépourvu d'effet juridique mais formule une demande qu'il appartenait au directeur régional des finances publiques de prendre en compte ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la commune n'avait formulé aucune demande concernant la parcelle dont la SCI Colibri avait sollicité la cession et ont, pour ce motif, annulé la décision du 23 août 2010 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guyane a refusé de lui céder la parcelle cadastrée AR 220 appartenant au domaine privé de l'Etat ;

7. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Colibri ;

8. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Dans le département de la Guyane, les immeubles domaniaux compris dans un plan d'occupation des sols opposable aux tiers, un plan d'urbanisme approuvé ou un document d'urbanisme en tenant lieu, peuvent faire l'objet : 1° De concessions gratuites aux collectivités territoriales et à leurs groupements lorsqu'ils sont destinés à être affectés à l'aménagement d'équipements collectifs, à la construction de logements à vocation très sociale et locatifs aidés ou à des services ou usages publics ; (...) 3° De cessions gratuites aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou à un établissement public d'aménagement créé en application du chapitre Ier du titre II du livre III du code de l'urbanisme en vue de constituer sur le territoire d'une commune des réserves foncières dans les conditions fixées aux articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de l'urbanisme, à condition que les biens soient libres de toute occupation ou ne soient pas confiés en gestion à des tiers. La superficie globale cédée en une ou plusieurs fois ne peut excéder sur chaque commune une superficie de référence égale à dix fois la superficie des parties agglomérées de la commune de situation des biens cédés à la date de la première cession gratuite. Lorsque les cessions gratuites sont consenties à un autre acquéreur que la commune, elles doivent faire l'objet d'un accord préalable de la commune de situation des biens cédés. (...) " ;

9. Considérant que l'intention d'une commune de constituer sur son territoire des réserves foncières dans les conditions fixées aux articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de l'urbanisme suffit à justifier légalement qu'elle présente une demande de cession gratuite en application de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques, applicable dans le département de la Guyane, sans qu'il soit besoin pour elle de faire état d'un projet précisément défini ; que dés lors, la circonstance que la commune de Rémire-Montjoly a présenté une demande de cession gratuite des parcelles du domaine privé de l'Etat situées sur son territoire en vue de l'instauration de réserves foncières sans faire état d'un projet urbain précisément défini et satisfaisant aux conditions fixées aux articles L. 221-1 et L. 221-2 du code de l'urbanisme, si elle peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision de cession prise en application de l'article L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui n'a pas un tel objet et n'a pas pour effet d'ouvrir nécessairement droit à attribution d'une parcelle du domaine privé de l'Etat à la commune ; qu'en conséquence, en se fondant sur le motif que la parcelle AR 220 faisait l'objet d'une demande d'attribution de la part de la commune de Rémire-Montjoly, le directeur régional des finances publiques de la Guyane n'a entaché la décision du 23 août 2010, laquelle, en tout état de cause, est suffisamment motivée, ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du directeur régional des finances publiques de la Guyane en date du 23 août 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne n° 1000793 du 6 octobre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Colibri devant le tribunal administratif de Cayenne est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 11BX03410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX03410
Date de la décision : 20/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-02-03-01-01 Domaine. Domaine privé. Contentieux. Compétence de la juridiction administrative. Contentieux de l'aliénation.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-20;11bx03410 ?
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