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11/12/2012 | FRANCE | N°11BX03338

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 11 décembre 2012, 11BX03338


Vu la requête enregistrée le 20 décembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 26 décembre 2012 présentée pour le Port autonome de la Guadeloupe, pris en la personne de son représentant légal domicilié Quai Ferdinand de Lesseps, BP 485, Pointe-à-Pitre (97165) cedex par Me Richer qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900099 en date du 20 octobre 2011, qui a l'a condamné à verser à la société Fimar la somme de 86 881 euros en réparation de son préjudice et assorti cette somme des intérêts légaux à compter du 16 octobre 2008

;

2°) de condamner la société Fimar à lui verser la somme de 3 000 euros au tit...

Vu la requête enregistrée le 20 décembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 26 décembre 2012 présentée pour le Port autonome de la Guadeloupe, pris en la personne de son représentant légal domicilié Quai Ferdinand de Lesseps, BP 485, Pointe-à-Pitre (97165) cedex par Me Richer qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900099 en date du 20 octobre 2011, qui a l'a condamné à verser à la société Fimar la somme de 86 881 euros en réparation de son préjudice et assorti cette somme des intérêts légaux à compter du 16 octobre 2008 ;

2°) de condamner la société Fimar à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila rapporteur public ;

- les observations de Me De Lagarde, avocat du Port autonome de la Guadeloupe et de M. Robard représentant la fimar ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 14 novembre 2012 présentée par Me Richer pour le Port autonome de la Guadeloupe ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 19 novembre 2012 présentée par Me Branche pour la société Fimar ;

1. Considérant que le Port autonome de la Guadeloupe a procédé, le 27 mars 2006, au lancement d'une consultation selon la procédure adaptée ayant pour objet le " financement en défiscalisation de deux portiques à conteneurs avec ses accessoires et ses frais de contrôle d'exécution " ; que ledit établissement public a attribué ce marché public à la société Fimar, avec laquelle il a signé une convention de mandat le 18 septembre 2006, au terme de laquelle il lui confie le montage financier, juridique et fiscal de l'opération et notamment la commercialisation des parts de la société qui assurera le portage financier pour le financement en loi " Girardin " ; que le règlement de la consultation précise en son article 5, relatif aux délais d'exécution que l'opération devra faire l'objet d'un agrément du ministère de l'économie et des finances avant octobre 2006 ; que l'article 5 de la convention de mandat stipule que dans l'hypothèse d'un refus d'agrément par l'administration fiscale, il n'y aura pas d'honoraires dus par le mandant ; que l'article 7 de la même convention mentionne que dans l'hypothèse où l'agrément ne serait pas délivré par le ministère de l'économie et des finances les présentes clauses du contrat seraient caduques ; qu'à la suite du courrier en date du 24 octobre 2007 du ministre du budget, des comptes publics, et de la fonction publique adressé à la société Fimar lui indiquant qu'il envisageait de rejeter la demande de bénéfice des dispositions prévues à l'article 217 undecies du code général des impôts au titre de l'acquisition en 2007 des deux portiques à conteneurs formulée pour le compte du Port autonome de la Guadeloupe, le directeur général suppléant de l'établissement public en cause a décidé, le 1er février 2008, de résilier la convention de mandat passée le 18 septembre 2006, en vue de lancer une consultation d'entreprises aux fins de désigner un mandataire pour une demande en défiscalisation d'un seul portique ; que par un jugement en date du 20 octobre 2011, le tribunal administratif de Basse-Terre a, sur la demande de la société Fimar, condamné le Port autonome de la Guadeloupe à lui verser une indemnité de 86 881 euros assortie des intérêts légaux à compter du 16 octobre 2008 ; que, par une requête n°11BX03338, le Port autonome de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ledit jugement, la société Fimar demandant, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement et la condamnation du Port autonome de la Guadeloupe à lui verser 608 170,76 euros au titre de la perte de bénéfice escompté, 14 178,63 euros au titre des frais de déplacement et 40 000 euros destinés à réparer l'atteinte à l'image de marque qu'aurait provoquée cette résiliation ; que, par une requête n°11BX03339, le Port autonome de la Guadeloupe demande également le sursis à exécution du jugement en cause ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par un même arrêt ;

Sur la requête n° 11BX03338 :

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident :

2. Considérant que, par la voie de l'appel incident, la société Fimar demande la réformation du jugement en ce qu'il n'a condamné le Port autonome de la Guadeloupe qu'à l'indemniser de la somme totale de 86 881 euros ; qu'ayant réévalué en appel le montant des frais de déplacement dont elle demande à être indemnisée à la somme de 14 178,63 euros, la société se trouve réclamer une indemnisation globale d'un montant de 662 349,39 euros ; que cependant, le montant sollicité dans sa lettre de réclamation préalable, reçue par le Port autonome de la Guadeloupe le 16 octobre 2008, étant de 660 782,71 euros, les conclusions qu'elle présente par la voie de l'appel incident ne sont recevables que dans la limite de ce quantum ;

En ce qui concerne la caducité de la convention de mandat du 18 septembre 2006 :

3. Considérant qu'aux termes des articles 1176 et 1178 du code civil, dont aucun principe ou aucune règle de droit public n'implique qu'ils ne soient pas applicables aux contrats administratifs : " Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas " et : " La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement " ; qu'aux termes de l'article 1183 du même code : " La condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. " ; qu'aux termes du III de l'article 217 undecies du code général des impôts : " Pour ouvrir droit à déduction les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs des transports (...) ou qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer.(...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; (...)2. L'agrément est tacite à défaut de réponse de l'administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande d'agrément. Ce délai est ramené à deux mois lorsque la décision est prise et notifiée par l'un des directeurs des services fiscaux des départements d'outre-mer. / Lorsque l'administration envisage une décision de refus d'agrément, elle doit en informer le contribuable par un courrier qui interrompt le délai mentionné au premier alinéa et offre la possibilité au contribuable, s'il le sollicite, de saisir, dans un délai de quinze jours, une commission consultative dont la composition, les attributions et le fonctionnement sont définis par décret. (...) " ;

4. Considérant que, si les stipulations de l'article 7 de la convention de mandat conclue entre le Port autonome de la Guadeloupe et la société Fimar prévoient que les différentes clauses de la convention seraient caduques si le ministère de l'économie et des finances refusait la délivrance de l'agrément prévu par l'article 217 undecies du code général des impôts, il résulte des pièces versées au dossier que le contrat en cause n'a fixé aucun délai pour constater la condition résolutoire constituée par le refus du ministre précité de délivrer l'agrément ; qu'ainsi la condition suspensive de l'obtention de l'agrément auprès du ministre du budget de la convention ne pourrait être considérée comme défaillie que s'il était certain que l'agrément ne serait pas délivré ; que s'il est vrai que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a indiqué par un courrier du 24 octobre 2007 adressé à la société Fimar qu'il " envisageait de réserver une suite défavorable à sa demande " aux motifs notamment de l'absence de nécessité et d'urgence de l'acquisition de deux portiques, il ressort des pièces versées au dossier que le caractère certain de la défaillance de la condition suspensive imposant l'obtention d'un agrément n'était pas établi par cette correspondance, dès lors que le ministre n'avait pas statué définitivement sur la demande d'agrément, la société Fimar ayant contesté la position du ministre en saisissant, le 9 novembre 2007, à l'initiative du Port autonome de la Guadeloupe, en application du deuxième alinéa du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts et comme l'y invitait d'ailleurs le courrier du ministre du 24 octobre 2007, la commission consultative nationale prévue par ce texte ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Fimar, sur instruction de la direction du Port autonome de la Guadeloupe, s'est désistée le 21 décembre 2007, au nom de l'établissement public, de la saisine de la commission consultative nationale faisant suite à la demande d'agrément en cours, concernant les deux portiques, le Port autonome de la Guadeloupe ayant alors opté pour la présentation d'un nouveau dossier en vue d'obtenir ultérieurement l'agrément pour l'acquisition d'un seul portique ; qu'ainsi, en demandant à son mandataire de se désister de la saisine de la commission consultative nationale concernant la demande d'agrément en cours de deux portiques, le Port autonome de la Guadeloupe a empêché l'accomplissement de la condition sous laquelle la convention de mandat avait été conclue ; que celle-ci est ainsi réputée défaillie de son fait ; que le Port autonome de la Guadeloupe n'est donc pas fondé à soutenir que la convention était caduque en se prévalant de l'article 7 de ladite convention, dès lors que le désistement en cause est assimilable à un retrait de la demande d'agrément ; qu'en conséquence, comme l'ont déjà relevé à juste titre les premiers juges, la rupture des liens contractuels résulte de la seule décision de résiliation du 1er février 2008 prise par le directeur général suppléant du Port autonome de la Guadeloupe ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

6. Considérant que le désistement de la saisine de la commission nationale de concertation, assimilable à un abandon du projet d'acquisition de deux portiques comme il a été dit ci-dessus, a constitué en l'espèce un motif légitime de résiliation compte tenu, d'une part, de la vraisemblance d'un refus définitif de la délivrance de l'agrément par le ministre du budget et d'autre part, du fait que ce dernier avait conditionné son accord pour un agrément d'un projet comportant l'installation d'un seul portique au désistement précité ; que cependant, comme en a déjà jugé le tribunal administratif, quand bien même la décision de résiliation du 1er février 2008 a été prise dans l'intérêt du service public, elle engage la responsabilité du Port autonome de la Guadeloupe à l'égard de la société Fimar ; que ladite société n'ayant commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité du Port autonome, elle a droit à la réparation intégrale du préjudice que lui a causé la résiliation ;

7. Considérant ainsi, que la société Fimar qui a droit a être indemnisée non seulement de ses débours pour exécuter le marché mais aussi du manque à gagner qu'elle était en droit d'espérer sans qu'y fasse obstacle les stipulations figurant à l'article 5 de la convention de mandat prévoyant que le montant des honoraires sera financé par la structure qui assure le portage financier, sollicite la condamnation du Port autonome de la Guadeloupe à lui verser la somme de 608 170,76 euros pour les deux portiques ; que pour évaluer la perte de bénéfice à ce montant, la société requérante fait valoir, d'une part, sans être contredite sur ce point ni en première instance ni en appel, que ses honoraires contractuels intégrés dans le montage financier représentaient 4,75% de la base éligible du prix hors taxes global des deux portiques lequel s'élevait à 18 290 850 euros, et d'autre part, qu' il convient d'appliquer au montant des honoraires un taux de marge net de 70 % habituel dans le secteur en cause pour ce type de montage complexe d'actifs en financements structurés ; que cependant, pour établir la réalité de ce dernier taux et contester le taux de seulement 10 % retenu par le tribunal administratif, la société se borne à produire deux de ses comptes de résultats et une attestation de son expert-comptable affirmant que pour ce type de prestation, correspondant à une mission globale comprenant un montage juridique, financier et fiscal, la marge nette s'établit aux alentours de 70 % ; que par suite, non seulement les pièces produites par la société ne permettent pas d'accréditer un taux de marge nette aussi important, mais encore, celle-ci n'apporte pas en appel d'éléments suffisamment probants de nature à remettre en cause le taux de 10 % retenu par les premiers juges ; que par suite, ces derniers doivent être regardés comme ayant fait une juste appréciation de la perte de bénéfice de la société Fimar en l'évaluant à la somme de 86 881 euros ;

8. Considérant que la société Fimar fait également valoir qu'elle a exposé en pure perte des frais de transport et d'hébergement en Guadeloupe dont le montant, dans le dernier état de ses écritures, s'élève à 14 178,63 euros ; que si elle justifie effectivement de frais exposés à hauteur de 12 611,95 euros correspondant à quatre déplacements de son gérant ou de son épouse, directeur administratif et financier de la société, pour les périodes allant du 17 au 25 novembre 2005, du 13 au 19 mars 2006, du 8 au 12 juin 2006 et du 8 au 18 juillet 2006, ces dépenses, probablement nécessitées par le démarchage commercial et la négociation du contrat en litige, sont cependant antérieures à la conclusion de la convention avec le Port autonome de la Guadeloupe, le 18 septembre 2006, laquelle aurait au demeurant pu ne pas se réaliser, et ne peuvent donc être regardées comme exposées en vue de l'exécution de ladite convention ; que si, en appel, la société demande en outre à être indemnisée de la somme de 1 566, 68 euros au titre des dépenses liées au déplacement de son gérant pour l'audience du tribunal administratif de Basse-Terre du 6 octobre 2011, elle présente par ailleurs des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont les dispositions sont destinées, pour la partie qui n'est pas perdante, à couvrir les frais engagés au titre du contentieux en cours, et alors que le tribunal administratif lui a déjà accordé 1500 euros au titre de ce même article ; que dans ces conditions, la société Fimar ne peut prétendre au remboursement des frais de déplacement qu'elle a engagés ;

9. Considérant, enfin, que la société Fimar demande la condamnation du Port autonome de la Guadeloupe à lui verser la somme de 40 000 euros au titre d'un préjudice moral lié à sa réputation commerciale ; que cependant, comme l'ont déjà relevé à juste titre les premiers juges, dans les conditions dans lesquelles la résiliation de la convention a été prononcée, cette mesure ne peut être regardée comme ayant porté atteinte à sa réputation professionnelle ; que, par suite, il y a lieu de rejeter sa demande ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter l'appel du Port autonome de la Guadeloupe, ainsi que l'appel incident de la société Fimar, en confirmant l'appréciation faite par le tribunal administratif du préjudice subi par la dite société à raison de la résiliation anticipée du contrat à hauteur de 86 881 euros ;

Sur la requête n° 11BX03339 :

11. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel du Port autonome de la Guadeloupe tendant à l'annulation du jugement attaqué ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête à fin de sursis à exécution du même jugement ;

En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société Fimar, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser au Port autonome de la Guadeloupe les sommes que celui-ci réclame au titre dudit article ; qu' il n'y a pas non plus lieu de condamner ce dernier à verser à la société Fimar la somme que celle-ci réclame au titre de ce même article ;

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°11BX03339 du Port autonome de la Guadeloupe.

Article 2 : La requête du Port autonome de la Guadeloupe est rejetée.

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Nos 11BX03338, 11BX03339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03338
Date de la décision : 11/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. JACQ
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-11;11bx03338 ?
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