La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2012 | FRANCE | N°11BX02687

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 04 décembre 2012, 11BX02687


Vu la requête enregistrée le 22 septembre 2011 présentée pour Mme Karine X épouse Y demeurant ... par la SCP d'avocats Blazy et associés ;

Mme X épouse Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803380 du 15 juin 2011 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Bordeaux a limité la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépat

ite C ;

2°) à titre principal, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de...

Vu la requête enregistrée le 22 septembre 2011 présentée pour Mme Karine X épouse Y demeurant ... par la SCP d'avocats Blazy et associés ;

Mme X épouse Y demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803380 du 15 juin 2011 en tant que par ledit jugement le tribunal administratif de Bordeaux a limité la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) à titre principal, de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 310 000 euros au titre du " préjudice spécifique de contamination ", du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel permanent et de l'incidence professionnelle ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise et de condamner l'ONIAM à lui verser une provision de 100 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant qu'en 1984, Mme X épouse Y, alors âgée de 16 ans, a eu un accident de la circulation ; qu'elle a été transportée au centre hospitalier universitaire de Bordeaux où elle a subi une intervention chirurgicale et reçu des transfusions de sang ; qu'une biopsie hépatique réalisée le 7 juillet 2005 a révélé l'existence d'une hépatite chronique virale C avec fibrose ; que Mme X épouse Y a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'établissement français du sang à lui verser des indemnités en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par jugement du 15 juin 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a substitué l'ONIAM à l'établissement français du sang en application des dispositions de l'article L. 1142-22 modifié par les dispositions de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ; que, par ce jugement, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à verser à Mme X épouse Y la somme de 11 000 euros en réparation des dommages subis et a rejeté le surplus de sa demande ; qu'il a également condamné l'ONIAM à verser la somme de 6 306,32 euros au régime social des indépendants au titre de ses débours ; que Mme X épouse Y interjette appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de l'ONIAM à la somme de 11 000 euros et conclut à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 310 000 euros ; que, par la voie de l'appel incident, l'ONIAM conclut à la réformation du jugement et à ce que la somme qu'il a été condamné à verser au régime social des indépendants soit réduite de 490,70 euros ;

Sur l'appel principal de Mme Y :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

2. Considérant qu'au titre de ses préjudices patrimoniaux permanents, Mme X épouse Y soutient que sa contamination par le virus de l'hépatite C a une incidence professionnelle qui doit être indemnisée ; que, toutefois, d'une part, à l'appui de ses conclusions la requérante ne donne aucune précision sur le montant du préjudice qui lui serait ainsi causé ; que, d'autre part, si Mme X épouse Y fait valoir qu'elle a dû interrompre l'exercice de son activité d'avocat de 2005 à 2008 et que cet arrêt d'activité a eu des conséquences très préjudiciables sur sa carrière professionnelle, elle ne donne aucun élément qui serait au moins de nature à illustrer l'incidence professionnelle qu'elle invoque, alors qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée a arrêté de travailler en avril 2005 en raison d'une cholestase gravidique qui n'est pas une conséquence de l'hépatite, que cette interruption s'est poursuivie pour lui permettre d'accompagner son mari en Allemagne en janvier 2006 et que guérie, elle a repris ses activités d'avocat en France dans le courant de l'année 2008 ; que l'incidence professionnelle invoquée par Mme X épouse Y n'étant pas établie, il n'y a pas lieu de condamner l'ONIAM à l'indemniser de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif, en date du 15 septembre 2007, qu'à cette date la contamination dont Mme X épouse Y était atteinte n'était pas consolidée ; qu'à cette même date, l'expert a évalué à 3 sur une échelle de 7 les souffrances physiques et psychiques endurées par la requérante du fait de sa contamination et des traitements qu'elle a subis pour la guérir de l'hépatite C ; que cette évaluation a pris en compte notamment la biopsie du foie, que selon l'expert, l'intéressée a très mal supportée en raison de ses effets secondaires, ainsi qu'une pathologie concomitante, une porphyrie cutanée tardive rattachée au traitement par Ribavirine-Interféron de l'hépatite C ; que, pour évaluer le degré de souffrances endurées l'expert a également pris en compte la fatigue, les céphalées, les douleurs articulaires et le retentissement dépressif réactionnel, engendrés par le traitement contre l'hépatite C ; que si Mme X épouse Y soutient qu'après l'expertise, en mars 2008, elle a souffert d'un dérèglement de la thyroïde, il ne résulte pas de l'instruction que cette affection aurait été la conséquence de son traitement de l'hépatite C par Interféron ; que compte tenu des souffrances tant physiques que psychiques ainsi endurées par Mme X épouse Y il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à 4 000 euros ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme X épouse Y soutient que le déficit fonctionnel temporaire, avant consolidation, qu'elle a subi, qu'elle nomme " préjudice spécifique de contamination ", a été insuffisamment indemnisé par le tribunal administratif ; qu'elle fait valoir que la contamination et le traitement contre l'hépatite C ont eu des conséquences néfastes évidentes sur sa vie de couple et qu'elle a ainsi subi un préjudice sexuel ; que sa famille a été traumatisée par les souffrances qu'elle a endurées, ce qui lui cause un préjudice familial et qu'elle ne peut plus pratiquer de sport ce qui est à l'origine de son préjudice d'agrément ; qu'elle fait également valoir que sa vie sociale a été réduite à néant du fait de sa contamination et des traitements ; qu'il résulte de l'instruction que la contamination par le virus de l'hépatite C s'est révélée en mars 2005, que l'intéressée a entrepris un traitement à compter du 8 novembre 2006 et que son état, ainsi que le prévoyait l'expert, s'est consolidé au début de l'année 2008, comme l'établissent les recherches de la présence de l'acide ribonucléique (ARN) du virus effectuées les 11 avril 2008, 23 septembre 2008 et 30 janvier 2009 qui se sont révélées négatives ; que selon le rapport d'expertise, Mme X épouse Y a été victime d'un déficit fonctionnel temporaire total les 7 et 8 juillet 2007, puis d'un déficit fonctionnel temporaire de 30 % ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C en l'évaluant à 6 000 euros ;

5. Considérant, en troisième lieu, que Mme X épouse Y fait valoir que le tribunal administratif a insuffisamment indemnisé son préjudice esthétique temporaire alors qu'elle a souffert en cours de traitement d'un prurit sur tout le corps, fortement inesthétique, dû à une porphyrie cutanée tardive liée à son traitement contre le virus de l'hépatite C et qu'elle a perdu beaucoup de cheveux lors du traitement par Interféron ; que ses allégations sont corroborées par le rapport d'expertise ; qu'en fixant à 1 000 euros l'indemnité due à ce titre, le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante évaluation dudit préjudice ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme X épouse Y soutient que son déficit fonctionnel permanent devrait être indemnisé ; qu'elle fait valoir que l'expert ayant évalué à 30 % son déficit fonctionnel temporaire, le même pourcentage devrait être adopté pour son déficit fonctionnel permanent et que malgré la négativation du virus une rechute est toujours possible ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que les recherches de la présence de l'ARN du virus effectuées les 11 avril 2008, 23 septembre 2008 et 30 janvier 2009, se sont révélées négatives chez Mme X épouse Y ; qu'ainsi, la requérante est guérie ; qu'elle ne produit ni élément susceptible d'établir une rechute à la date du présent arrêt ni document indiquant qu'elle serait victime de séquelles de sa contamination par le virus de l'hépatite C entraînant une incapacité permanente partielle ; qu'il n'y a donc pas lieu d'indemniser Mme X épouse Y de ce chef de préjudice ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, qu'en fixant à 11 000 euros l'indemnité due par l'ONIAM à Mme X épouse Y au titre des différents préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation desdits préjudices ; que Mme X épouse Y n'est donc pas fondée à demander la réformation du jugement ;

Sur l'appel incident de l'ONIAM :

9. Considérant que l'ONIAM soutient que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à indemniser le régime social des indépendants à hauteur de 490,70 euros dès lors que cette somme correspond au remboursement d'actes d'échographie et de consultations des docteurs Husson, Karsenti et Le Bozec, dont il n'est pas établi qu'ils soient en lien avec la contamination de Mme X épouse Y par le virus de l'hépatite C ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les échographies en cause étaient des échographies abdominales destinées à surveiller l'évolution de la contamination et que les consultations des médecins cités ci-dessus, dont la spécialité est respectivement l'hépatologie, la psychiatrie et la dermatologie, étaient en relation directe avec la contamination de Mme X épouse Y ; que, dans ces conditions, l'ONIAM n'est pas fondé à demander la réformation du jugement par la voie de l'appel incident ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X épouse Y demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme X épouse Y est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de l'ONIAM est rejeté.

''

''

''

''

4

No 11BX02687


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX02687
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP BLAZY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-04;11bx02687 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award