Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2011, présentée pour M. Thierry X, demeurant à ..., par Me Giraudet ;
M. X demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0901144 du 7 juillet 2011 du tribunal administratif de Limoges, en tant qu'il a limité à la somme de 9 850 euros l'indemnisation, par le centre hospitalier d'Ussel, des préjudices qu'il a subis à la suite de l'opération effectuée le 16 décembre 1997 dans cet établissement ;
2°) de porter à la somme de 65 024,72 euros la condamnation du centre hospitalier d'Ussel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :
- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Giraudet présentées pour M. X ;
1. Considérant qu'à la suite de douleurs articulaires persistantes de la cheville droite, M. X, infirmier anesthésiste à l'hôpital d'Ussel, a été hospitalisé le 16 décembre 1997 dans ce même établissement pour une arthrodèse tibio-astragalienne ; que, sept mois après l'opération, les résultats de celle-ci étant insatisfaisants et ne permettant pas à l'intéressé de reprendre son activité, une nouvelle intervention a eu lieu, le 30 juillet 1998, à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon ; que l'état de M. X redeviendra normal en février 1999 et permettra une reprise du travail le 15 mars 1999 ; que M. X estimant que l'hôpital d'Ussel avait commis une faute en l'opérant le 16 décembre 1997, faute qui engageait sa responsabilité, a demandé, en référé, au président du tribunal administratif de Limoges d'ordonner une expertise, puis l'hôpital ayant opposé une décision implicite de rejet à la demande d'indemnisation qu'il lui avait adressée, il a demandé à ce même tribunal la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis ; que le rapport d'expertise a été remis le 14 septembre 2010 et que, par un jugement du 7 juillet 2011, le tribunal a condamné l'hôpital d'Ussel à verser à M. X une indemnité de 9 850 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze la somme de 4 532,10 euros ; que les frais d'expertise ont été mis à la charge du centre hospitalier ; que M. X demande à la cour la réformation de ce jugement en tant qu'il a insuffisamment fait droit à ses demandes d'indemnisation ; que la caisse primaire demande la confirmation de l'indemnité qui lui a été allouée et l'hôpital, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que M. X soutient que le tribunal a omis de répondre à son moyen tiré du défaut d'information ; que le jugement précise toutefois que " sans qu'il soit besoin de rechercher s'il a bénéficié d'une information suffisante sur les risques que comportait cette intervention, M. X est fondé à soutenir qu'il a été victime de fautes médicales (...) " ; que dès lors que le tribunal s'était prononcé sur le préjudice au titre de la responsabilité médicale ouvrant droit à une réparation totale, il n'avait pas à se prononcer sur le défaut d'information qui n'ouvre droit qu'à une indemnisation partielle au titre de la perte de chance ; que, par suite, l'omission à statuer invoquée manque en fait ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Ussel :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif, que l'opération pratiquée le 16 décembre 1997 à l'hôpital d'Ussel ne s'imposait pas compte tenu du stade d'évolution de l'état de M. X qui conservait une mobilité de sa cheville et qui avait un antécédent de poliomyélite ; qu'en outre la technique opératoire utilisée, qui prévoyait une interposition non seulement osseuse mais associant un mélange d'os synthétique, était discutable et que l'autorisation de mise en charge (ou prise d'appui) a été trop précoce ; qu'eu égard à ces circonstances, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en raison des conséquences dommageables de l'intervention ;
Sur la réparation des préjudices :
4. Considérant que, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, M. X a droit à la réparation des préjudices présentant un lien direct et certain avec les fautes imputables au centre hospitalier d'Ussel ; que ces préjudices sont ceux subis par l'intéressé entre l'opération réalisée par le centre hospitalier d'Ussel, le 16 décembre 1997, et l'opération de reprise effectuée le 30 juillet 1998 à l'hôpital Edouard Herriot, cette seconde opération constituant le traitement adéquat de ses affections et lui ayant permis de retrouver un état de santé tel que les séquelles qu'il conserve sont seulement en rapport avec sa pathologie antérieure ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
5. Considérant que le centre hospitalier ne conteste pas la somme de 4 532,10 euros allouée par le tribunal à la caisse d'assurance maladie de la Corrèze en raison des frais qu'elle a engagés pour son assuré ;
6. Considérant que les frais engagés par M. X pour se rendre à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon entre juillet 1998 et décembre 1999 sont relatifs à une opération nécessitée par son état antérieur à l'opération effectuée au centre hospitalier d'Ussel et qu'il aurait dû subir même sans faute de ce dernier ; qu'il n'est donc pas fondé à en demander le remboursement ;
7. Considérant que M. X demande la réparation du préjudice résultant de l'assistance à tierce personne que lui aurait prodiguée son épouse ; que, toutefois, il n'apporte, comme l'a relevé le tribunal, aucun élément permettant d'établir que son état, à l'issue de son hospitalisation, nécessitait qu'il soit assisté par une tierce personne pour les actes de la vie courante ;
8. Considérant que le centre hospitalier d'Ussel fait valoir que M. X ne pouvait se voir allouer une réparation au titre des pertes de revenus constituées par les primes de service et les heures supplémentaires qui sont liées à l'exercice effectif des fonctions ; que, toutefois, l'intéressé a droit à être indemnisé de l'ensemble de la perte de revenus subie durant sa période d'incapacité temporaire de travail et donc de la perte de chance de percevoir des primes et des heures supplémentaires ; que, pour la période d'interruption de sept mois et demi imputable à l'hôpital, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le chiffrant à 1 000 euros pour la prime annuelle de service et à 3 750 euros pour les heures supplémentaires et la prime de 2ème catégorie ; qu'il convient, ainsi de porter à 4 750 euros, la somme de 2 850 euros accordée au titre de la perte de revenus par le tribunal administratif de Limoges ;
9. Considérant que si M. X fait valoir qu'il a suivi une formation de cadre de santé à partir de septembre 2002, cette seule circonstance ne saurait suffire à établir l'existence une incidence professionnelle négative en lien avec l'opération contestée, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé avait pu reprendre à partir de 1999 ses fonctions d'infirmier anesthésiste ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
10. Considérant que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, les troubles dans les conditions d'existence durant la période d'incapacité temporaire de travail constituent un préjudice distinct de la perte de revenus ; que le tribunal a fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de toute nature liée au déficit fonctionnel temporaire de M. X en l'évaluant à la somme de 3 000 euros ainsi que des souffrances physiques endurées, évalué à 3,5 sur une échelle de 7, en lui allouant une somme de 4 000 euros ;
11 Considérant que le tribunal a, à bon droit, écarté l'indemnisation des préjudices esthétique, d'agrément et relatif au déficit fonctionnel permanent qui ne présentent pas un lien direct avec l'opération réalisée au centre hospitalier d'Ussel ;
12. Considérant que M. X demande, pour la première fois en appel, la réparation du préjudice autonome constitué par le défaut d'information, imputable à l'hôpital d'Ussel, sur les risques inhérents à l'opération qui y fut pratiquée ; qu'en se bornant à invoquer, de manière générale, un préjudice moral, il ne justifie pas qu'il ait subi, en raison du défaut d'information allégué, des troubles du fait qu'il n'aurait pas pu se préparer aux conséquences des risques présentés par l'intervention réalisée en prenant certaines dispositions personnelles ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le centre hospitalier, la demande de réparation du préjudice constitué par un manquement de l'établissement à son devoir d'information doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. X est seulement fondé à demander que l'indemnisation mise à la charge du centre hospitalier d'Ussel soit portée de la somme de 9 850 euros à la somme de 11 750 euros ;
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze entend demander une nouvelle fois en appel l'indemnité prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour un montant de 966 euros, celle-ci lui a déjà été allouée par le jugement du tribunal ;
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ussel le paiement à M. X de la somme de 1 500 euros au titre des frais de procès engagés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a, en revanche, pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze présentées sur le même fondement ;
DECIDE
Article 1er : La somme que le centre hospitalier d'Ussel a été condamné à verser à M. X est portée à 11 750 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juillet 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Ussel versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X ensemble les conclusions d'appel incident du centre hospitalier d'Ussel et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze présentées sur le fondement des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 11BX02573