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04/12/2012 | FRANCE | N°11BX01259

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 04 décembre 2012, 11BX01259


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 24 mai 2011 et 6 juillet 2011, présentés pour le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre par Me Le Prado ;

Le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre demande à la cour d'annuler le jugement n° 0500761 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamné à verser les sommes de 262 297,63 euros à M. et Mme X, 37 050 euros à M. Michael X, 127 623,61 euros à la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, déduction faite des

provisions déjà versées, et de réduire les indemnisations accordées ;

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 24 mai 2011 et 6 juillet 2011, présentés pour le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre par Me Le Prado ;

Le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre demande à la cour d'annuler le jugement n° 0500761 du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre l'a condamné à verser les sommes de 262 297,63 euros à M. et Mme X, 37 050 euros à M. Michael X, 127 623,61 euros à la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, déduction faite des provisions déjà versées, et de réduire les indemnisations accordées ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :

- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz ;

- les observations de Me Lelièvre-Bouchara, avocat de M. et Mme X ;

1. Considérant que Mlle X, alors âgée de douze ans, a été victime d'un oedème cérébral au cours d'une hospitalisation dans le service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre ; qu'elle présentera, à la suite de cet accident, des séquelles importantes ; que la gravité de son état a nécessité qu'elle soit suivie dans des établissements spécialisés en métropole, ce qui a amené sa famille à déménager de l'île de Saint-Martin à Lamalou les Bains (Hérault) ; que, malgré des séjours continus en centre de soins et plusieurs interventions, son état ne connaîtra pas de rémission et continuera à s'aggraver ; qu'elle est décédée le 13 mai 2007 ; qu'il résulte de l'instruction et des différentes expertises diligentées qu'à la date de son décès son état ne pouvait pas être considéré comme consolidé ; que ses parents et son frère Michaël ont demandé devant le tribunal administratif de Basse-Terre la réparation des préjudices subis par Mlle X et par eux-mêmes en raison des fautes commises par le centre hospitalier qui avaient entraîné la survenue de l'oedème ; que, par un jugement du 10 février 2011, le tribunal, après avoir reconnu la responsabilité du centre hospitalier, l'a condamné à verser à M. et Mme X la somme de 322 297,63 euros au titre de leurs préjudices et, à leur fils Michaël, la somme de 37 050 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2005 ; que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a obtenu le remboursement de ses débours à hauteur de 277 623,61 euros ; que le centre hospitalier, qui ne conteste plus en appel sa responsabilité ni l'indemnisation versée à la caisse, demande devant la Cour la réformation du jugement en ce qui concerne le montant des indemnités allouées aux consorts X ; que, ceux-ci demandent, par la voie de l'appel incident, la majoration de l'indemnisation accordée ;

En ce qui concerne les préjudices de Mlle X :

2. Considérant que, durant les quatre années qui ont suivi l'accident survenu au centre hospitalier de Pointe-à-Pitre, Mlle X avait un déficit fonctionnel temporaire qui n'a jamais été inférieur à 95 % ; qu'elle n'a pas pu mener sa scolarité, ni avoir aucune des activités d'une enfant de son âge ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces troubles dans ses conditions d'existence, y compris les préjudices dus à l'absence de scolarité et à la perte d'agrément, en allouant à ce titre une réparation de 48 000 euros ;

3. Considérant que, durant quatre années, Mlle X a enduré des souffrances permanentes avec une intensité très élevée, en raison, tant des séquelles de son accident, que des multiples opérations qu'elle a dû subir et des traitements qui lui ont été administrés ; qu'il convient de les indemniser à hauteur de 50 000 euros ; que l'altération de son apparence physique lui a causé un préjudice esthétique qui, pour la même période, peut être estimé à 12 000 euros ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, durant les quatre années qu'a duré son invalidité, Mlle X a passé les week-ends et les vacances, soit 214 jours, au domicile de ses parents ; que, selon l'expertise réalisée par les docteurs Sauvageon et Tadié, son état demandait l'assistance d'une tierce personne, 24 heures sur 24, se décomposant en 12 heures actives et 12 heures passives ; que le coût d'une telle assistance peut être estimé à 300 euros par jour ; qu'il convient donc de ramener l'indemnisation de ce chef de préjudice évalué forfaitairement à 80 000 euros par le tribunal à la somme de 64 200 euros ;

En ce qui concerne les préjudices des parents et du frère de Mlle X :

5. Considérant que le centre hospitalier ne conteste pas l'indemnisation des frais d'obsèques alloués par le tribunal à hauteur de 2 951,37 euros, ni celle des frais de déménagement et de transports évalués à hauteur respectivement de 8 309,94 euros et 4 284,25 euros ; que le tribunal a fait une juste appréciation des frais d'acquisition d'un véhicule automobile adapté en les évaluant à la somme de 5 000 euros ;

6. Considérant que les intimés ne justifient pas plus en appel qu'en première instance que les frais de leur logement à proximité des établissements où leur fille était prise en charge comportent un surcoût par rapport à leur hébergement à Saint-Martin ; que, dès lors, leurs conclusions tendant à l'indemnisation de ces frais de logement ne sauraient être accueillies ;

7. Considérant que le centre hospitalier fait valoir que l'indemnisation pour perte de rémunération allouée à la mère de Mlle X par le tribunal ne saurait se cumuler avec la réparation du préjudice pour l'assistance par tierce personne apportée par la famille de Mlle X et accordée à celle-ci dès lors que cette indemnisation pour assistance par tierce personne permet de compenser la perte de rémunération supportée par la mère de la victime ; que, toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que la mère de Mlle X a cessé son activité professionnelle pour se consacrer à sa fille, en étant en permanence présente à ses côtés durant ses hospitalisations et séjours en centre de soins ; que le médecin, chef du centre de rééducation et de soins où Mlle X était hospitalisée, a d'ailleurs établi un certificat selon lequel " compte tenu de son handicap, la présence de ses parents, tous les jours à ses côtés depuis son admission pour participer à sa prise en charge, est nécessaire " ; que, d'autre part, il convient de distinguer l'assistance apportée à Mlle X par sa famille au titre des actes de la vie courante durant les week-ends et les vacances, c'est-à-dire en dehors des jours normalement travaillés, et la perte de rémunération consécutive à la cessation d'activité de Mme X pour lui permettre d'être auprès de sa fille les jours ouvrés ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'assistance par tierce personne ne saurait être regardée comme compensant la perte de salaire de Mme X ; qu'il convient, par suite, de confirmer le montant de 30 602,07 euros octroyé, à ce titre, par le tribunal, qui a tenu compte, à bon droit, des allocations versées par les Assedic pour calculer la perte de revenus ;

8. Considérant que la cessation d'activité de Mme X pendant quatre années en raison de l'état de santé de sa fille et les répercussions et changements de situation liés à cet état de santé, ont entraîné pour elle une perte de chance de retrouver un emploi équivalent à celui précédemment occupé ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en portant à 6000 euros la somme allouée à ce titre par le tribunal ;

9. Considérant que si M. X exerçait une activité d'artisan électricien à Saint-Martin qui lui a procuré un revenu de 16 194 euros en 2002, activité qu'il a arrêtée à la suite du déménagement nécessité par l'état de santé de sa fille puis recréée en métropole, il n'établit pas avoir subi une perte de revenus en produisant, pour les années 2002 et 2003, son avis d'impôt sur le revenu et, pour les années 2004, 2005 et 2006, ses seules déclarations de bénéfices industriels et commerciaux qui ne concernent que cette catégorie de revenus et ne permettent pas de connaître d'éventuels revenus salariaux ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé de l'indemniser au titre d'une perte de revenus ;

10. Considérant que M. et Mme X ont subi durant quatre ans, en raison de la situation de leur fille, puis à la suite de son décès, un préjudice d'accompagnement et un préjudice d'affection dont il pourra être fait une juste appréciation en leur allouant à chacun la somme de 50 000 euros ; que ces mêmes préjudices pourront être indemnisés à hauteur de 37 050 euros, comme l'a jugé le tribunal, s'agissant du frère de Mlle X, Michaël ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du centre hospitalier doit être rejetée tant en ce qui concerne la minoration des indemnités allouées à M. et Mme X qu'en ce qui concerne la somme allouée à M. Michaël X ; que M. et Mme X sont en revanche fondés à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme de 262 297,63 euros allouée par le tribunal après déduction de la somme de 60 000 euros versée à titre de provision soit portée à 271 347,63 euros ; qu'en ce qui le concerne M. Michaël X n'est pas fondé à demander la réévaluation de la somme de 37 050 euros qui lui a été allouée ;

Sur les intérêts :

12. Considérant que, comme l'a jugé le tribunal, les indemnités allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 28 février 2005, date de présentation de la réclamation préalable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique : " Si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l'offre de l'assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l'assureur à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. " ;

14. Considérant que l'offre présentée par la SHAM, assureur du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre, le 23 mai 2008, bien qu'elle ne prenait pas en compte l'ensemble des préjudices subis par Mlle X, n'était pas manifestement insuffisante ; que, par suite, les conclusions présentées par M. et Mme X tendant à l'application des dispositions précitées doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre le paiement aux consorts X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ONIAM sur ce même fondement ;

DECIDE

Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre a été condamnée à verser à M. et Mme X, après déduction des provisions déjà versées, par l'article 2 du jugement du 10 février 2011 du tribunal administratif de Basse-Terre, est portée à 271 347,63 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre versera aux consorts X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre ensemble le surplus des conclusions des consorts X ainsi que les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 11BX01259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX01259
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Patrice LERNER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-04;11bx01259 ?
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