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23/10/2012 | FRANCE | N°12BX00892

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 23 octobre 2012, 12BX00892


Vu la requête enregistrée le 6 avril 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 11 avril 2012 présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 120848 du 27 février 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. Abdelkarim X, d'une part, son arrêté en date du 22 février 2012 par lequel il a obligé ce dernier à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine, d'a

utre part, sa décision du même jour de le placer en rétention administrative ;

2°) d...

Vu la requête enregistrée le 6 avril 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 11 avril 2012 présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 120848 du 27 février 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. Abdelkarim X, d'une part, son arrêté en date du 22 février 2012 par lequel il a obligé ce dernier à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine, d'autre part, sa décision du même jour de le placer en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2012 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a pris à l'encontre de M. X, le 22 février 2012, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit ainsi qu'une décision de placement dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que, par un jugement du 27 février 2012, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté et la décision de placement en rétention administrative pour le motif que l'arrêté préfectoral portait au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant que M. X, de nationalité tunisienne, est entré irrégulièrement en France en 2005 et qu'il s'y est maintenu illégalement après avoir fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris le 22 avril 2007 par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; qu'il fait valoir que depuis le mois de septembre 2007 il vit auprès de Mlle Y, sa concubine qui est de nationalité marocaine et qui est titulaire d'une carte de résident, de l'enfant qu'ils ont eu ensemble, née à Toulouse le 11 avril 2010 et de ses deux beaux-enfants ;

Considérant que pour établir une vie commune qui existerait depuis plus de quatre ans, M. X produit, d'une part, un " bulletin de situation " émanant de l'hôpital Purpan de Toulouse indiquant que l'intéressé est sorti de l'établissement le 4 décembre 2007 et mentionnant l'adresse à Toulouse où il vivrait à la date des décisions contestées, d'autre part, un document émanant de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, pour des versements durant la période du 15 novembre 2009 au 10 novembre 2010 le concernant en qualité de bénéficiaire de l'aide médicale de l'Etat, qui lui a été envoyé à la même adresse que précédemment mais comportant la mention " chez Mlle Y " ; qu'en admettant que l'intéressé vivait à cette adresse au 4 décembre 2007 et durant la période de novembre 2009 à novembre 2010, ces documents ne suffisent pas à établir une vie commune avec Mlle Y durant la période de septembre 2007 au 22 février 2012, même si celle-ci en atteste, alors que lors de son interpellation par la police le 22 février 2012, l'intéressé a déclaré ne pas avoir de domicile fixe à Toulouse, ne pas avoir d'autres attaches familiales en France que deux frères et qu'il ne désirait faire prévenir personne de sa garde-à-vue ;

Considérant que l'allégation de M. X selon laquelle il subviendrait effectivement aux besoins de son enfant n'est corroborée objectivement par aucune pièce du dossier ; que l'attestation de Mlle Y indiquant que l'intéressé contribue à l'éducation et à l'entretien de leur fille est dépourvue de toute précision sur les modalités de cette contribution ; qu'il en va de même de l'attestation médicale produite selon laquelle la fille de l'intéressé " est l'objet de soins attentifs de ses deux parents " ; que d'ailleurs, lors de sa garde-à-vue du 22 février 2012, M. X a indiqué qu'il n'avait pas d'enfant à charge et a précisé qu'il ne versait aucune somme d'argent pour sa fille en raison du fait qu'il n'exerçait aucune activité professionnelle et qu'il ne disposait donc pas de revenus ; qu'il n'a donné à cette occasion aucune précision sur les liens noués avec sa fille ;

Considérant, enfin, que M. X est entré en France en 2005 à l'âge de 25 ans, venant de Tunisie, pays dont il a la nationalité, où il a toujours vécu et où résident ses parents et six de ses frères et soeurs ;

Considérant qu'eu égard aux conditions dans lesquelles M. X est entré sur le territoire français et s'y est maintenu, aux circonstances qu'une vie familiale continue avec Mlle Y, leur enfant et les enfants de cette dernière n'est pas établie, que l'intéressé n'établit pas non plus subvenir aux besoins de sa fille et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, l'arrêté du 22 février 2012 n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que l'arrêté n'a donc pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté préfectoral du 22 février 2012 et par voie de conséquence la décision du même jour plaçant M. X en rétention administrative ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X ;

Sur l'arrêté préfectoral :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen effectif de la situation personnelle du requérant est dépourvu de toutes précisions et doit donc être écarté ; qu'en tout état de cause le moyen n'est pas fondé dès lors qu'il ressort des termes mêmes de cette décision que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a pris en compte l'ensemble des éléments dont il disposait résultant notamment des procès-verbaux de police établis à la suite des deux interpellations dont M. X a fait l'objet les 22 avril 2007 et 22 févier 2012 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des éléments versés au dossier que M. X ait une vie familiale avec Mlle Y et avec leur fille âgé de deux ans à la date de la décision attaquée, ni qu'il subvienne aux besoins matériels ou affectifs de cette dernière; que, dans ces conditions, la décision ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

Considérant que M. X soutient que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas en droit de l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il est atteint de troubles psychiatriques et d'une paralysie faciale ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que cette paralysie faciale n'est qu'épisodique, le dernier épisode étant survenu le 26 novembre 2007, et son origine était infectieuse ; que l'attestation médicale produite selon laquelle l'intéressé connaît un état dépressif sévère ne précise pas que ce dernier devrait faire l'objet d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Tunisie, pays dont il a la nationalité ; que la décision contestée n'a donc pas été prise en violation des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire:

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;

Considérant que la décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire à M. X est fondée sur les circonstances, d'une part, que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, un arrêté de reconduite à la frontière pris le 22 avril 2007, d'autre part, qu'il ne justifie pas de garanties de représentation puisqu'il ne dispose pas de documents d'identité ni de lieu de résidence effective permanente ; que, si M. X fait valoir que l'arrêté de reconduite du 22 avril 2007 n'a pas été exécuté " en raison de la non-délivrance d'un laissez-passer consulaire ", il n'établit ni même allègue qu'il aurait fait les démarches nécessaires pour obtenir ce document de la part du consulat général de Tunisie à Paris ; que s'il affirme disposer d'un domicile fixe à Toulouse il ne produit aucun document susceptible d'étayer ses allégations comme notamment un bail de location ou des factures de gaz ou d'électricité ; qu'enfin, l'intéressé ne produit aucune pièce d'identité ; que, par suite, la décision de ne pas accorder à M. X un délai de départ volontaire n'a pas été prise en violation des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que l'article L. 561-2 du même code dispose que : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

Considérant que la décision de placer M. X en résidence administrative vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, notamment le 6° de l'article L. 551-1 précité et qu'elle précise les motifs de fait qui lui font mettre en oeuvre ces dispositions ; que, de plus, elle indique les motifs de fait pour lesquels l'intéressé n'est pas assigné à résidence puisqu'elle rappelle que M. X n'offre pas de garanties de représentation suffisantes pour bénéficier d'une mesure moins coercitive que la rétention administrative dès lors qu'il ne dispose pas de pièce d'identité en cours de validité ni de lieu de résidence effective et permanente et qu'il présente donc le risque qu'il se soustraie à son éloignement comme il l'a fait dans le passé ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit donc être écarté ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X n'établit pas disposer d'un domicile fixe ; que cette circonstance justifie à la fois le refus de lui accorder un délai de départ volontaire et son placement en rétention administrative sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être retenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 22 février 2012 obligeant M. X à quitter le territoire français sans délai et sa décision du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 27 février 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 12BX00892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00892
Date de la décision : 23/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : BREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-23;12bx00892 ?
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