Vu la requête enregistrée le 27 février 2012 pour Mme Dyna X, demeurant ... par la SCP d'avocats Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles ;
Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102407 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2011 du préfet de la Vienne lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le délai de départ volontaire ainsi que le pays de renvoi ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes délais et sous la même astreinte et de réexaminer sa demande ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Breillat, Dieumegard, Matrat-Salles, avocat de Mme X, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, modifiée ;
Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2012 :
- le rapport de M. Philippe Cristille, premier-conseiller ;
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
Considérant que Mme Dyna X, de nationalité haïtienne, née en 1980, a sollicité, pour la première fois, le 11 mai 2011 la délivrance d'un titre de séjour au regard de ses liens personnels en France et à titre humanitaire ; que, par l'arrêté attaqué du 6 octobre 2011, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme X relève appel du jugement du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement en relevant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que ni le séisme qu'a connu Haïti en janvier 2010, ni la circonstance, attestée notamment par l'obtention d'un contrat de travail à durée indéterminée, que Mme X est intégrée à la société française ne sont de nature à faire entrer l'intéressée dans les prévisions de cet article alors qu'elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, qu'elle était âgée de 31 ans à la date de la décision contestée, et que le fait allégué qu'elle serait exposée à un rejet familial et social en raison de son état de mère célibataire n'est assorti d'aucun élément probant ;
Au fond :
Sur la compétence du signataire de l'arrêté litigieux :
Considérant que l'arrêté contesté a été signé pour le préfet de la Vienne par M. Jean-Philippe Setbon, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, lequel a reçu délégation de signature par arrêté préfectoral du 22 août 2009 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 24 août 2011 à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives, à l'exception notamment des actes pour lesquels une délégation a été confiée à un chef de service de l'Etat dans le département ; qu'aux termes de l'article 4 du même arrêté, " s'agissant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, délégation de signature est consentie à M. Jean-Philippe Setbon, (...) pour l'ensemble de ses dispositions (...) " ; qu'aucun principe ni aucun texte législatif ou réglementaire n'interdit une telle délégation qui n'est ni générale ni permanente ; que ces dispositions, qui sont suffisamment précises, donnaient légalement compétence à M. Jean-Philippe Setbon pour signer l'arrêté litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;
Sur la légalité du refus de séjour :
Considérant que l'arrêté litigieux, qui vise les textes constituant le fondement du refus de séjour opposé à Mme X et qui mentionne les éléments de fait propres à la situation de cette dernière que le préfet a retenus au soutien de sa décision, contient ainsi une motivation suffisante de ce refus ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable ; que le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est limité aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, qui est annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 ; qu'il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008 - de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France - peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
Considérant que, pour demander le bénéfice de ces dispositions Mme X fait valoir qu'elle vit en France depuis sept ans à la date de la décision attaquée, qu'elle y a donné naissance en 2009 à une fille, qu'elle est sans nouvelles de sa famille restée en Haïti depuis le séisme de janvier 2010, que sa situation de mère célibataire la placerait en grande difficulté en cas de retour en Haïti et qu'elle réalise d'importants efforts d'insertion et notamment travaille, comme aide à domicile, en contrat à durée indéterminée ; que, toutefois, d'une part, Mme X n'établit pas l'ancienneté de sa résidence en France depuis 2004 ; que, d'autre part, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations relatives aux risques de rejet social et familial que comporterait pour elle, en tant que mère célibataire, son retour dans son pays d'origine ; qu'enfin, si la requérante travaille depuis le mois de septembre 2011 en qualité d'aide à domicile, le contrat à durée indéterminée invoqué a été conclu le 6 octobre 2011, soit à la date de la décision en litige, et, de plus, cette profession ne concerne pas un emploi dit " en tension " figurant sur la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ; qu'ainsi, Mme X ne justifie pas, par les éléments dont elle se prévaut, de considérations humanitaires ou de circonstances exceptionnelles qui seraient de nature à faire regarder le refus de séjour qui lui a été opposé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que, pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme X fait valoir qu'elle a désormais toutes ses attaches familiales et personnelles en France où elle vit depuis 2004 et où sa fille est née, qu'elle n'a plus de nouvelles de sa famille depuis le tremblement de terre qu'a connu Haïti en 2010 et qu'elle est bien intégrée en France où elle travaille ; que, toutefois, les pièces que Mme X produit sont insuffisantes pour établir une présence en France depuis 2004 ainsi qu'il vient d'être dit ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches en Haïti où réside l'ensemble des membres de sa famille avec lesquels elle n'établit pas avoir perdu tout contact ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que cette décision ne méconnaissait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que si Mme X fait valoir que son départ portera atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille qui devra la suivre alors qu'elle ne connaît pas Haïti, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale constituée d'elle-même et de sa fille, eu égard au jeune âge de celle-ci, ne puisse se reconstituer hors de France ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la situation de son pays d'origine dès lors que la décision contestée ne désigne pas le pays de destination ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant citées ci-dessus doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) " ;
Considérant que l'obligation de quitter le territoire français contestée a prévu un délai de trente jours pour le départ volontaire ; que la fixation de ce délai, qui n'est pas inférieur au délai de principe prévu par l'article L. 511-1 susmentionné du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ;
Considérant que, si Mme X soutient qu'elle est installée en France depuis sept ans et exerce un travail, qu'il lui est indispensable de pouvoir prendre des dispositions afin d'organiser pour elle et pour son enfant son retour en Haïti où elle n'a plus d'attaches et que le préfet aurait dû prolonger son délai de départ volontaire, il n'est pas établi, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que sa situation personnelle nécessitait que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à un mois ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'en lui appliquant le délai de départ volontaire prévu par les dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la durée du délai de départ volontaire au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
Considérant que si Mme X soutient que son renvoi en Haïti l'exposerait ainsi que sa fille à un traitement dégradant compte tenu des conséquences du séisme de janvier 2010 sur les infrastructures du pays et de la situation sanitaire prévalant en Haïti, elle se borne à évoquer la situation générale en Haïti et n'établit pas qu'elle serait exposée avec sa fille à des risques personnels et actuels de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays ; que le moyen doit être, par suite, écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme X ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
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No12BX00485