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04/10/2012 | FRANCE | N°12BX00520

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 04 octobre 2012, 12BX00520


Vu la requête, enregistrée le 29 février 2012, présentée pour M. Fehmi X, demeurant ..., par Me Trebesses, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104418 du 2 février 2012 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 6 octobre 2011 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux

ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'eff...

Vu la requête, enregistrée le 29 février 2012, présentée pour M. Fehmi X, demeurant ..., par Me Trebesses, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104418 du 2 février 2012 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 6 octobre 2011 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 80 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Dupuy, conseiller ;

- et les observations de Me Trebesses, avocat de M. X ;

Considérant que M. X, ressortissant turc, est entré en France en juillet 2005 selon ses déclarations, et a été admis au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile jusqu'au 19 juillet 2011 ; qu'il a sollicité le 12 août 2011 la délivrance d'une carte de séjour en application de l'article L. 313-10 2° du même code ; que par un arrêté du 6 octobre 2011, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans ; que M. X relève appel du jugement n° 1104418 du 2 février 2012 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été pris le 6 octobre 2011 par M. Marc Burg, préfet délégué pour la défense et la sécurité ; que par un arrêté du 2 mai 2011, régulièrement publié le même jour, M. Patrick Stéfanini, préfet de la Gironde, avait confié à M. Burg une délégation à l'effet de signer notamment tous arrêtés de police administrative ou relevant du service de l'immigration et de l'intégration ; que dès lors, le moyen tiré de ce que M. Burg n'aurait pas bénéficié d'une délégation de signature régulièrement publiée et suffisamment précise doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X n'avait soulevé devant le tribunal administratif que des moyens de légalité interne, et ne peut utilement se prévaloir de la mention de son mémoire de première instance " vu l'article 5 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 " qui n'est suivie de l'articulation d'aucun moyen dirigé contre la décision expresse attaquée ; que dès lors, les moyens de forme et de procédure invoqués pour la première fois en appel, qui ne sont pas d'ordre public et qui ne se rattachent pas à la même cause juridique que les moyens soulevés en première instance, sont constitutifs d'une demande nouvelle en appel, et sont à ce titre irrecevables ;

Considérant, en troisième lieu, qu' aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;

Considérant que M. X, qui ne peut à cet égard se prévaloir de ce qu'il a été autorisé à séjourner en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au titre de son état de santé, ne conteste pas ne pas être entré en France muni du visa de long séjour mentionné à l'article L. 311-7 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet pouvait légalement refuser de lui délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 313-10 2° précité en se fondant sur ce seul motif tenant à l'absence de visa de long séjour ; qu'il en résulte que doit être écarté le moyen du requérant relatif à ses conditions d'activité commerciale en France ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté litigieux, notamment de la mention relative au défaut de visa long séjour, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet se serait cru tenu de refuser l'admission au séjour de M. X ;

Considérant, enfin, que si M. X réside en France depuis 2005 et est gérant-associé- salarié de la SARL " Les couleurs du Monde ", dont il soutient que l'activité de travaux de peinture et de vitrerie est économiquement viable, l'intéressé, célibataire et sans enfant, a vécu la majeure partie de sa vie en Turquie et n'allègue pas y être dépourvu de toute attache privée ou familiale ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à sa régularisation, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit, M. X n'est pas fondé à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de séjour litigieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. X est présent en France depuis 2005, où il a séjourné régulièrement en qualité d'étranger malade pendant deux ans et demi et exerce une activité commerciale, l'intéressé a cependant vécu ses vingt-trois premières années en Turquie, pays dont il a la nationalité et où il n'est ni établi, ni même allégué, qu'il soit dépourvu d'attaches, et est célibataire et sans charge de famille ; que, dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et ne procède pas davantage d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ; qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

Considérant que l'arrêté contesté, qui se borne à faire état, s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français, de ce que " lorsque le délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans ", est dépourvu de toute motivation quant aux faits sur lesquels le préfet s'est fondé pour prononcer une telle interdiction ; qu'ainsi, il ne permet pas de s'assurer de la prise en compte par le préfet, au vu de la situation de M. X, de l'ensemble des critères prévus par la loi ; que, par suite, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français opposée à M. X, entachée d'une insuffisance de motivation, est illégale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre l'interdiction de retour sur le territoire français contenue dans l'arrêté litigieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 511-3 de ce code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées " ; qu'aux termes de l'article 7 de ce décret : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. Les données enregistrées au titre du 5° du IV de l'article 2 sont effacées, au plus tard, trois ans après la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été signée. La mise à jour des données enregistrées est réalisée, à l'initiative de l'autorité ayant demandé l'inscription au fichier, par les services ayant procédé à l'enregistrement des données en application des dispositions de l'article 4. Des vérifications périodiques sont mises en oeuvre afin de garantir la fiabilité des données " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le présent arrêt, qui annule l'interdiction de retour sur le territoire français, implique nécessairement que le préfet de la Gironde fasse supprimer dans le système d'information Schengen le signalement de M. X aux fins de non-admission ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt ;

Considérant, en second lieu, que le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard à ses motifs, que le préfet de la Gironde délivre à M. X un titre de séjour ou procède au réexamen de sa situation ; que, dès lors, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à cette autorité de prendre des mesures en ce sens ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 6 octobre 2011 du préfet de la Gironde est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. X une interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : Le jugement n° 1104418 du 2 février 2012 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder à la suppression du signalement de M. X aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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No 12BX00520


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00520
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-04;12bx00520 ?
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