Vu la requête enregistrée le 30 mai 2011 présentée pour la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE, dont le siège social est situé Le Grand Brugnal à Saint-André d'Allas (24200), par Me Faure ;
La SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802633 en date du 14 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2008, par lequel le préfet de la Dordogne a déclaré d'utilité publique la création d'un musée des arts et traditions populaires dans le centre ancien de la ville de Sarlat la Canéda ;
2°) d'annuler la déclaration d'utilité publique contestée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre-Maurice Bentolila, rapporteur public ;
Considérant que le 5 avril 1994, le préfet de la Dordogne a pris un arrêté déclarant d'utilité publique la création d'un musée des arts et traditions populaires dans le centre de la commune de Sarlat la Canéda, autorisant cette commune à acquérir les immeubles nécessaires à la réalisation de cette opération et déclarant cessibles ceux désignés à l'état parcellaire joint à cet acte ; que la société civile immobilière SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE, propriétaire d'un immeuble situé sur la parcelle cadastrée section BN n° 311 située impasse de la République, déclaré cessible par l'arrêté précité, en a été expropriée par ordonnance du 14 octobre 1994 ; qu'elle a alors perçu une indemnité d'expropriation dont le montant a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 27 octobre 1999 ; qu'au motif de l'absence de réalisation du musée, la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE a demandé en janvier 2007 la rétrocession de son bien sur le fondement de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que, par une délibération du 11 mai 2007, le conseil municipal de Sarlat la Canéda a décidé de solliciter une nouvelle déclaration d'utilité publique pour la création du musée des arts et traditions populaires ; que le préfet de la Dordogne, après avoir prescrit le 16 novembre 2007 une enquête publique qui s'est déroulée du 3 au 21 décembre 2007, a, par arrêté du 12 février 2008, de nouveau déclaré d'utilité publique la création d'un musée des arts et traditions populaires dans le centre de Sarlat la Canéda ; que la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 avril 2011 qui a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du 12 février 2008 portant déclaration d'utilité publique ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la société requérante se plaint de ce que le tribunal aurait omis de répondre à son moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en limitant son examen au II de cet article relatif aux déclarations demandées en vue de l'acquisition d'immeubles et en ne se plaçant pas sur le terrain du I du même article relatif aux déclarations demandées en vue de la réalisation des travaux ; que, cependant, les premiers juges ont explicitement écarté son moyen tiré du I de l'article R. 11-3 en indiquant, après avoir cité les dispositions du II de cet article, que la composition du dossier d'enquête, qu'ils ont décrite et dont ils ont souligné qu'elle incluait une estimation sommaire des dépenses nécessitées pour l'acquisition de l'immeuble, répondait aux prescriptions de ces dispositions, et en ajoutant que la société requérante se prévalait à tort des dispositions du I dont ils ont précisé qu'elles n'étaient pas applicables en l'espèce ; que, par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur la légalité externe :
Considérant en premier lieu que, par une motivation retenue à juste titre pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la déclaration contestée, le jugement énonce " que, par un arrêté en date du 30 juillet 2007, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 31 juillet 2007, Mme Sophie Brocas, secrétaire général de la préfecture de la Dordogne, a reçu délégation de signature à effet de signer, en toutes matières, tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Dordogne à l'exception de trois catégories de décisions au nombre desquelles ne se trouvent pas les arrêtés portant déclaration d'utilité publique " ; qu'il convient d'adopter cette motivation pour écarter ce même moyen repris en appel ;
Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; / 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret. / II.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; / 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. / Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. / La notice explicative comprend, s'il y a lieu, les indications mentionnées à l'article R. 122-15 du code de l'environnement " ;
Considérant que le projet en cause consiste en la création d'un musée des arts et traditions populaires dans le centre ancien de Sarlat la Canéda, prévu dans les murs de la Chapelle des Pénitents blancs, de l'immeuble dit Hôtel Plamon et de l'immeuble contigu à ce dernier bâtiment implanté sur la parcelle cadastrée BH n° 311, dont la société requérante avait été expropriée ; qu'à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.11-3, la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE fait valoir que la déclaration d'utilité publique en litige tend à la réalisation de travaux et ouvrages sur son immeuble et que le dossier de la demande soumis à l'enquête publique ne comporte pas les documents exigés dans ce cas ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, portant sur des immeubles existants dont celui qui appartenait auparavant à la société, aurait requis d'autres travaux que des travaux intérieurs d'aménagement et de rénovation ; que, même si ces travaux envisagés sur des immeubles très anciens et de grand intérêt historique ont le caractère d'une rénovation lourde, à cause notamment des contraintes pesant sur la réhabilitation d'immeubles de cette nature et découlant de leur ouverture au public à des fins culturelles, ils ne relèvent pas pour autant du II de l'article R. 11-3, ainsi que l'ont estimé les premiers juges ; qu'en tout état de cause et en admettant même que la réalisation du musée appellerait des travaux de la nature de ceux visés par les dispositions du II de l'article R. 11-3, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment du dossier de l'enquête publique produit en appel par le ministre dont aucun élément de l'instruction ne permet d'établir qu'il serait différent de celui effectivement soumis à l'enquête, que ce dossier était composé conformément aux prescriptions du II de l'article R. 11-3 ; qu'il contenait ainsi une notice explicative quant à la réalisation du musée, un plan de situation et une appréciation sommaire des dépenses ; qu'il incluait également la délibération susvisée du 11 mai 2007 accompagnée de son annexe, laquelle comprenait notamment un plan général des travaux ; que ces documents se rapportaient au projet déclaré d'utilité publique par l'arrêté en litige, qu'ils décrivaient de manière suffisante et en fonction d'estimations pouvant être regardées comme raisonnablement faites à la date de cet arrêté ; que la circonstance que la notice explicative aurait été produite par la commune postérieurement à sa demande est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'elle a été soumise à l'enquête pendant toute la durée de celle-ci ; qu'il suit de là que le moyen tenant à l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas fondé ;
Considérant en troisième lieu qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Un avis au public faisant connaître l'ouverture de l'enquête est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents huit jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements intéressés. (...)/ Huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, cet avis est publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet ; cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et est certifié par lui (...) " ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont déjà relevé les premiers juges, que l'avis d'enquête publique prescrite par arrêté préfectoral du 16 novembre 2007 et devant se dérouler du 3 au 21 décembre 2007, sur le territoire de la commune de Sarlat la Canéda, a été publié les 23 novembre 2007 et 4 décembre 2007 dans le journal "Sud-ouest" et les 23 novembre et 7 décembre 2007 dans le journal "L'Essor Sarladais" ; que si la société requérante se plaint d'une diffusion trop restreinte de ce dernier journal, il résulte notamment de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2006 fixant la liste des journaux autorisés à publier des annonces légales, que ce journal est habilité à recevoir des annonces pour l'arrondissement de Sarlat et il ressort du dossier qu'il est effectivement diffusé au moins dans cet arrondissement ; qu'eu égard à l'objet du projet en litige, lequel intéresse principalement les habitants de la commune et ceux de l'arrondissement de Sarlat, même si l'objectif touristique est plus vaste, la circonstance que "L'Essor Sarladais" ne serait pas diffusé dans tout le département de la Dordogne ne suffit pas à faire regarder la procédure d'enquête publique comme étant entachée d'une irrégularité substantielle, alors surtout qu'une publicité adéquate a été diffusée dans le journal "Sud-ouest" ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête publique a été affiché aux portes de la mairie de Sarlat la Canéda ainsi que sur plusieurs murs du futur musée ; que, si la société requérante se prévaut de ce que l'une des affiches apposées sur ces bâtiments a été arrachée pendant la nuit du 24 novembre 2007, comme en atteste un procès-verbal établi par les services de la police municipale, il ressort du même procès-verbal que cette affiche a été remplacée par ces services ; que, dans ces conditions, le moyen tiré d'une insuffisance d'affichage de l'avis d'enquête publique doit être écarté
Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante se plaint de ce que le préfet de la Dordogne, auquel elle avait adressé des courriers en septembre 2007, n'ait pas transmis ces courriers, malgré ses demandes, au commissaire enquêteur ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de communiquer au commissaire enquêteur les observations préalables d'un tiers, alors que l'avis d'enquête publique a reçu une publicité suffisante et qu'en outre, par un courrier daté du 23 octobre 2007, le préfet avait informé la société de l'ouverture prochaine d'une enquête publique et de la faculté qui lui serait alors offerte de faire valoir ses observations ; que, dès lors, l'absence de communication des courriers en cause ne saurait être constitutive d'un vice de procédure ;
Sur la légalité interne :
Considérant que l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique autorise l'ancien propriétaire d'un immeuble exproprié qui n'a pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue par une déclaration d'utilité publique à demander la rétrocession de son bien " à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique " ; qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement, les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que la réalisation d'un musée des arts et traditions populaires dans l'hôtel Plamon et l'immeuble voisin, ainsi que dans la chapelle des Pénitents blancs située à proximité de ces deux immeubles, répond à l'objectif de la commune de Sarlat la Canéda de se doter d'un lieu d'exposition permanent de l'histoire de Sarlat et du Périgord noir qui lui fait défaut, pour regrouper des collections communales dispersées dans huit bâtiments différents et valoriser leur présentation, en lui permettant en outre d'ouvrir des espaces affectés aux expositions temporaires organisées pendant les périodes de forte fréquentation touristique ; que la création d'un tel pôle touristique et culturel présente un caractère d'intérêt général ; que, s'il est vrai que sont lourdes les différentes contraintes, notamment techniques, pesant sur la rénovation de ces immeubles, en raison de leur nature, de leur ancienneté et de leur localisation dans un secteur et un environnement protégés à plus d'un titre et aussi des obligations découlant de leur affectation, il ne ressort cependant pas du dossier que lesdits immeubles seraient inadaptés à cette affectation ; qu'en particulier, la circonstance qu'une rivière traverse, pour une part, à ciel ouvert, la parcelle d'implantation de l'ancien immeuble de la société requérante ne retire pas à la réhabilitation de cet immeuble son intérêt ; qu'il ne ressort pas non plus du dossier que le coût du projet, estimé à un montant de près de 4 millions d'euros, traduisant les contraintes pesant sur l'opération, serait disproportionné par rapport aux facultés financières de la commune, alors surtout que ce projet est susceptible d'engendrer des retombées économiques positives ; que, dans ces conditions et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les inconvénients du projet de musée ne sont pas excessifs eu égard aux avantages qu'il comporte pour la mise en valeur du patrimoine de Sarlat et le développement de l'activité culturelle et touristique de la commune ; qu'ils ne peuvent donc être regardés comme privant le projet en litige d'utilité publique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la délibération du 11 mai 2007, que la commune de Sarlat la Canéda a requis une nouvelle déclaration d'utilité publique portant sur la création du musée dans les mêmes immeubles, en raison des modifications qu'a connues ce projet, notamment quant à ses modalités financières et à ses conditions techniques, lesquelles dépendaient également d'autres acteurs que la commune, afin que soient prises en compte ces modifications ; que celles-ci sont de nature à expliquer le retard pris pour la réalisation du projet que la commune n'avait nullement abandonné, comme le montrent les études qu'elle a fait réaliser ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que l'arrêté pris par le préfet de la Dordogne le 12 février 2008 ait eu pour seul objet de faire échec à l'exercice de son droit de rétrocession par la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE ; qu'il suit de là que le moyen tiré d'un de détournement de pouvoir doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin de condamnation :
Considérant qu'en l'absence d'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 12 février 2008, les conclusions indemnitaires présentées par la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE sur le terrain de la responsabilité pour faute ne peuvent être accueillies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, que la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI IMPASSE DE LA REPUBLIQUE est rejetée.
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No 11BX01285