Vu la requête, enregistrée par télécopie le 6 juin 2011, et par courrier le 22 août 2011 présentée pour Mme Eglis A, demeurant ..., par Me Mélin ;
Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001085 et 101007 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er octobre 2010 et du 10 décembre 2010 par lesquels le préfet de la Guyane a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur son droit au séjour dans le délai d'un mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à NewYork ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :
- le rapport de Mme Dominique Flécher-Bourjol, président-rapporteur ;
- les conclusions de M. Jean-Marc Vié, rapporteur public ;
Considérant que Mme A, ressortissante brésilienne est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2002, en compagnie de ses deux enfants ; que le 7 juillet 2006, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ; que le 6 septembre 2010 elle a déposé une nouvelle demande d'admission au séjour qui lui a été refusée ; que par arrêté du 1er octobre 2010, le préfet de la Guyane a ordonné sa reconduite à la frontière ; que par arrêté du 10 décembre 2010, le préfet de la Guyane a ordonné pour la seconde fois son éloignement ; que Mme A interjette régulièrement appel du jugement du 7 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés susvisés des 1er octobre et 10 décembre 2010 ;
Considérant que contrairement à ce que soutient le préfet de la Guyane les conclusions en annulation étaient dirigées contre l'arrêté du 1er octobre 2010 ; que la fin de non recevoir opposée par le préfet ne peut qu'être écartée ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ;
Considérant que Mme A produit les certificats de scolarité depuis 2003 de ses deux enfants qui sont arrivés en France avec elle à l'âge de 7 et 8 ans ; qu'elle produit des avis de non imposition dont le plus ancien remonte à l'année 2004 et portant l'indication d'une même adresse qui est celle de ces parents âgés et en séjour régulier en France qui l'héberge depuis plusieurs années ; que des documents médicaux viennent également attester de sa présence continue au cours de la même période ; qu'un de ses frères est également en France en situation régulière ; qu'il résulte des pièces du dossier que célibataire avec deux enfants qui n'ont pas été reconnus par leurs pères, elle ne saurait compter sur le soutien des pères et qu'ainsi elle peut être regardée comme établissant n'avoir plus de lien dans son pays d'origine ; qu'au demeurant la prolongation du séjour en France de la requérante résulte de ce que les services de la préfecture n'ont répondu à une demande de régularisation déposée en 2006 par Mme A et qui avait été déclarée complète, qu'à la fin de l'année 2010 ; qu'eu égard à ces éléments, Mme A est fondée à soutenir que les mesures d'éloignement contestées ont porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et le préfet ne pouvait sans méconnaître ses droits à une vie familiale normale et sans erreur manifeste d'appréciation décider qu'elle serait reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er octobre 2010 et du 10 décembre 2010 par lesquels le préfet de la Guyane a ordonné sa reconduite à la frontière et à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté de reconduite à la frontière n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; qu'il incombe au préfet de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer à nouveau sur son droit à un titre de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de l'intéressée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen dans un délai de deux mois ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir d'astreintes cette injonction ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
" Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " .
Considérant qu'il y a lieu en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'État, partie perdante, à payer 1 500 euros à Mme A ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne en date du 7 avril 2011 et les arrêtés du préfet de la Guyane des 1er et 10 décembre 2010 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de réexaminer la demande de Mme A dans un délai de deux mois.
Article 3 : L'état versera 1 500 euros à Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°11BX01363