Vu, I°), sous le n° 10BX01409 le recours enregistré sous le n° 05BX00066 le 12 janvier 2005, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101406 du 19 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Pau a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par M. Jean-Michel X du fait de la destruction de bocaux de conserves de foie gras et a ordonné une expertise avant de statuer sur le montant de l'indemnité à laquelle celui-ci pouvait prétendre ;
2°) de rejeter les demandes de M. X ;
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Vu, II°), sous le n° 11BX02695 le recours enregistré sous le n° 07BX01206 le 8 juin 2007, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101406 du 29 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser au principal à M. X la somme de 806.882,52 euros hors taxes ;
2°) de rejeter les demandes de M. X ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution ;
Vu le code rural ;
Vu le décret n° 71-636 du 21 juillet 1971 pris pour l'application des articles 258, 259 et 262 du code rural et relatif à l'inspection sanitaire et qualitative des animaux vivants et des denrées animales ou d'origine animale ;
Vu l'arrêté du 3 mars 1981 du ministre de l'agriculture relatif aux normes sanitaires auxquelles doivent satisfaire les établissements de transformation de produits à base de viande et déterminant les conditions de l'inspection sanitaire dans ces établissements ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :
- le rapport de M. de La Taille Lolainville, conseiller ;
- les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;
- et les observations de M. X ;
Considérant que, sur le fondement des dispositions de l'article 263 du code rural alors en vigueur, les services vétérinaires du Gers ont, le 23 mai 1986, saisi et enlevé au domicile de M. X des marchandises, notamment des conserves de foie gras, qui n'étaient pas pourvues d'estampilles ou marques attestant l'intervention des services d'inspection et de surveillance sanitaire ; que, par un arrêt du 14 janvier 1988, la cour d'appel d'Agen a dit n'y avoir pas lieu à confiscation et ordonné à l'administration de restituer à M. X, soit en nature, soit en valeur, les marchandises saisies ; que, toutefois, le receveur principal des impôts de Mirande a pratiqué le 4 février 1988 entre les mains de la direction des services vétérinaires une saisie arrêt sur ces mêmes marchandises puis, par un certificat du 13 juillet 1989, le directeur des services vétérinaires du Gers a procédé à une nouvelle saisie de ce stock au motif que les marchandises étaient impropres à la consommation et a fait procéder à leur destruction ; que sous le n° 10BX01409, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES relève appel du jugement n° 0101406 du 19 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Pau a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par M. X du fait de la destruction de ses bocaux de conserves de foie gras et a ordonné une expertise avant de statuer sur le montant de l'indemnité à laquelle celui-ci pouvait prétendre ; que sous le n° 11BX02695, il relève appel du jugement n° 0101406 du 29 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à verser au principal à M. X la somme de 806.882,52 euros hors taxes au titre de la perte de sa marchandise ; que M. X demande, par la voie de l'appel incident, que le point de départ des intérêts soit fixé au 12 avril 1988 ou, à défaut, au 12 juillet 1995 ; que ces deux recours concernent les demandes de M. X à l'égard de l'Etat au titre de la saisie et de la destruction de ses marchandises et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Sur le jugement du 19 octobre 2004 :
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (...) ; que le jugement n° 0101406 du 19 octobre 2004 du tribunal administratif de Pau a été notifié au ministre le 15 novembre 2004 ; que par suite, le recours du ministre, enregistré au greffe de la cour le 12 janvier 2005, n'était pas tardif ; que dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. X à ce titre doit être écartée ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 21 juillet 1971 pris pour l'application des articles 258, 259 et 262 du code rural, alors en vigueur : Des arrêtés (...) du ministre de l'agriculture (...) fixeront les normes sanitaires et qualitatives auxquelles devront satisfaire les animaux, les denrées animales et les denrées d'origine animale pour être reconnus propres à la consommation ; qu'aux termes de l'article 5 de ce décret : L'exposition, la circulation, la mise en vente des denrées animales (...) et des denrées d'origine animale non conformes aux normes prévues à l'article 3, sont interdites. / Les services vétérinaires sont habilités à vérifier, à tous les stades de la production, de la transformation et de la commercialisation, que les denrées mentionnées à l'alinéa précédent sont conformes auxdites normes. (...) ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : Les denrées animales ou d'origine animale, saisies comme impropres à la consommation humaine (...) sont dénaturées ou détruites par les soins des services vétérinaires (...) ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'agriculture du 3 mars 1981 pris pour l'application de ce décret : (...) tous les produits à base de viande soumis au traitement thermique défini à l'article 12, sous a), doivent être élaborés dans les appareils autoclaves ou stérilisateurs (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les bocaux de conserves de foie gras fabriqués par M. X n'avaient pas subi de traitement dans un appareil autoclave ou stérilisateur ; qu'ils ne respectaient donc pas la norme fixée par l'article 1er de l'arrêté du 3 mars 1981 ; qu'ainsi, et en application de l'article 3 du décret du 21 juillet 1971, ils devaient être regardés comme impropres à la consommation humaine ; que dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé non établi, en l'absence d'analyses bactériologiques appropriées, le caractère impropre à la consommation humaine des denrées alimentaires saisies ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens de M. X ;
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 263 du code rural : En cas d'infraction aux dispositions concernant l'apposition d'estampilles ou de marques attestant l'intervention des services d'inspection ou de surveillance sanitaire que le règlement ou un règlement pris en application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes aurait rendu obligatoire, les denrées non estampillées pourront être saisies et cédées par l'Etat, sans préjudice des sanctions pénales qui pourront comporter la confiscation des sommes récupérées par l'Etat ; que par un arrêt du 14 janvier 1988, la cour d'appel d'Agen a jugé qu'il n'y avait pas lieu à confiscation des denrées de M. X sur le fondement de ces dispositions ; que toutefois, la retenue puis la destruction des bocaux de M. X par les services vétérinaires postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 14 janvier 1988 ont pour base légale, non l'article 263 du code rural, mais l'article 6 précité du décret du 21 juillet 1971 ; qu'il s'ensuit que pour soutenir que l'Etat aurait commis, en retenant et en détruisant ainsi les denrées en cause, une faute de nature à engager sa responsabilité, M. X ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance ni de l'article 263 du code rural, ni de l'arrêt du 14 janvier 1988 de la cour d'appel d'Agen ;
Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : La loi détermine les principes fondamentaux : / du régime de la propriété (...) ; qu'aux termes de l'article 258 du code rural, alors applicable : Dans l'intérêt de la protection de la santé publique, il doit être procédé : / (...) 3° A l'inspection de la salubrité et de la qualité des denrées animales ou d'origine animale destinées à cette consommation ; / 4° A la détermination et à la surveillance des conditions d'hygiène dans lesquelles ces denrées sont préparées et conservées, notamment lors de leur transport et de leur mise en vente ; qu'aux termes de l'article 262 de ce code : Un règlement d'administration publique détermine, en tant que de besoin, les conditions d'application des articles 258 et 259 (...) ; que par ces dispositions, le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à porter au droit de propriété les atteintes nécessaires pour tenir compte de la finalité de la législation, qui est la protection de la santé publique ; qu'en autorisant les services vétérinaires, par l'article 6 du décret du 21 juillet 1971 précité, à détruire les denrées saisies comme impropres à la consommation humaine, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu cette habilitation ; qu'ainsi, et contrairement à ce que M. X soutient, l'administration n'a pas fait application de dispositions illégales en procédant à la destruction des denrées saisies ; que par suite, elle n'a pas commis à ce titre de faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant en troisième lieu, qu'il ressort également des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que les denrées de M. X devaient être regardées comme impropres à la consommation en application de l'article 3 du décret du 21 juillet 1971 ; que dès lors, et sans qu'il lui soit besoin d'ordonner la production d'analyses bactériologiques, l'Etat pouvait légalement décider leur saisie, alors même que celles-ci n'étaient déjà plus, matériellement, en possession de l'intéressé, puis les détruire, sans lui en rétrocéder la valeur ;
Considérant en quatrième lieu, que, ainsi qu'il a été dit, le caractère impropre à la consommation humaine des denrées de M. X justifiait légalement les décisions de saisir ces denrées puis de les détruire ; que dès lors, à supposer même que ces décisions auraient été prises en méconnaissance des droits de la défense, une telle faute ne serait pas la cause directe et certaine du préjudice invoqué par M. X, constitué de la perte de sa marchandise ; qu'elle ne saurait donc donner lieu à réparation de celui-ci ;
Considérant en cinquième et dernier lieu, que M. X fait grief à l'administration de ne pas avoir matériellement procédé à la destruction des denrées saisies ; que toutefois, à la supposer même établie, une telle circonstance ne constituerait pas la cause directe et certaine du préjudice invoqué par M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 octobre 2004, le tribunal administratif de Pau a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par M. X du fait de la destruction de ses bocaux de conserves de foie gras ;
Sur le jugement du 29 mars 2007 :
Sur la régularité :
Considérant que le ministre soutient que les premiers juges n'auraient pas suffisamment motivé leur jugement en n'expliquant pas pour quelle raison un éventuel retraitement des produits concernés n'aurait pas eu pour conséquence d'abaisser leur prix de vente, voire de laisser invendue une partie du stock ; que, toutefois, ledit jugement s'est référé, en s'en appropriant le contenu, à l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire droit du 19 octobre 2004, laquelle donnait les éléments permettant d'écarter l'hypothèse d'un prix plus faible et d'une mévente des foies gras reconditionnés ; qu'il ne saurait, par conséquent, être regardé comme entaché d'une insuffisance de motivation ;
Sur l'appel principal :
Considérant que la responsabilité de l'Etat n'étant pas engagée à l'égard de M. X, c'est à tort que, par le jugement du 29 mars 2007, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par M. X du fait de la perte de sa marchandise ;
Sur l'appel incident :
Considérant que le présent arrêt rejette les demandes au principal formées en première instance par M. X ; que dès lors, ses conclusions incidentes tendant à la fixation du point de départ des intérêts moratoires sur le principal au 12 avril 1988 ou, à défaut, au 12 juillet 1995, et à la capitalisation de ces intérêts, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de maintenir les frais d'expertise à la charge de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. X quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0101406 du 19 octobre 2004 et les articles 1er et 3 du jugement du 29 mars 2007 du tribunal administratif de Pau sont annulés, et les demandes de première instance de M. X sont rejetées.
Article 2 : Le surplus des conclusions du ministre est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. X présentées par la voie de l'appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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