Vu la requête et le mémoire de communication de pièces, enregistrés au greffe de la Cour le 29 juillet 2010 et le 17 septembre 2010, sous le n° 10BX01919, présentés pour la COMMUNE DE BEYNAC, représentée par son maire, par la SELARL d'avocats Caporale-Maillot-Blatt ;
La COMMUNE DE BEYNAC demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900843 du 17 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. A une somme de 56.390,01 euros en réparation des préjudices subis du fait de la délivrance d'un permis de construire illégal ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le tribunal administratif ;
3°) subsidiairement de réduire le montant de cette indemnité à la somme de 19.862,89 euros ;
4°) de condamner l'Etat à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle ;
5°) de mettre à la charge de M. A une somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2011 :
- le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;
- les observations de Me Blatt avocat de la COMMUNE DE BEYNAC ;
- les observations de Me Plas avocat de M. A ;
- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blatt, avocat de la COMMUNE DE BEYNAC et à Me Plas, avocat de M. A ;
Considérant que la COMMUNE DE BEYNAC interjette appel du jugement n° 0900843 en date du 17 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. A une indemnité de 56.390,01 euros en réparation du préjudice subi du fait de la délivrance d'un permis de construire illégal ; que par la voie de l'appel incident, M. A demande que cette indemnité soit portée à 71.892,61 euros ;
Sur la responsabilité :
Considérant que par arrêté du 6 septembre 2006, le maire de la COMMUNE DE BEYNAC a délivré à M. A un permis de construire une habitation sur une parcelle située au lieu-dit Les Rivailles ; que par jugement du 27 décembre 2007 devenu définitif, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté au motif que le projet de construction était situé en zone agricole du plan local d'urbanisme où ne sont autorisées que les constructions nécessaires à l'activité agricole ; qu'ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, l'illégalité entachant ce permis de construire est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune envers M. A et ouvre à ce dernier un droit à réparation à raison des préjudices actuels, directs et certains résultant de cette faute ;
Sur les préjudices :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif, pour évaluer les dépenses exposées en vain par M. A pour la réalisation des travaux de construction de l'habitation, a retenu les factures de travaux et d'achat de matériaux intervenues entre la date de délivrance du permis de construire et la notification de l'ordonnance de suspension de ce permis de construire le 9 mars 2007, pour un montant total de 37.520,96 euros ; que si la COMMUNE DE BEYNAC soutient que ce montant doit être ramené à une somme de 19.862,89 euros dès lors que les matériaux non utilisés ont pu faire l'objet d'une reprise par les fournisseurs, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que M. A, qui a produit les factures d'achat de ces matériaux, ait pu bénéficier d'une telle reprise ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A fait valoir que le terrain d'assiette de son projet d'habitation fait désormais l'objet d'un classement en zone naturelle inconstructible à la suite de la révision du plan local d'urbanisme de la communauté du Val de Vienne, approuvé le 16 décembre 2010 ; qu'il demande en conséquence que la commune soit condamnée à lui verser une somme de 43.029,40 euros correspondant à la perte de valeur vénale de cette parcelle ; que, toutefois, les conséquences du classement de sa propriété en zone naturelle par le document d'urbanisme applicable à Beynac, ne sont pas susceptibles de donner lieu à indemnisation au titre du préjudice résultant de l'irrégularité du permis de construire qui lui a été délivré ;
Considérant en troisième lieu, que si la COMMUNE DE BEYNAC conteste l'indemnité accordée à M. A au titre des troubles dans ses conditions d'existence, il résulte de l'instruction que l'intéressé qui réalisait lui-même les travaux de construction de l'habitation familiale, a dû interrompre ce chantier et n'a pu tirer profit du temps ainsi employé ; que l'annulation de l'autorisation de construire dont il bénéficiait l'a contraint à de nombreuses démarches administratives et contentieuses ; qu'il a ainsi subi de multiples perturbations dans sa vie quotidienne dont la COMMUNE DE BEYNAC n'établit pas que le tribunal administratif aurait fait une appréciation excessive en allouant à ce titre à M. A, la somme de 12.000 euros ;
Considérant, enfin, que l'annulation de l'autorisation dont il était bénéficiaire a généré pour M. A un sentiment d'inquiétude et d'incertitude quant à la réalisation de son projet de construction du logement familial ; que c'est par une juste appréciation du préjudice moral ainsi subi que les premiers juges ont alloué à l'intéressé une somme de 3.000 euros ; que si la COMMUNE DE BEYNAC soutient que M. A serait susceptible d'obtenir un nouveau permis de construire, il résulte des pièces produites, et notamment des documents graphiques du plan local d'urbanisme révisé approuvé le 16 décembre 2010, que le terrain d'assiette figure désormais en zone N inconstructible ; que, par suite, les conclusions de la COMMUNE DE BEYNAC tendant à ce que le montant de cette indemnité soit réduit doivent être rejetées, ainsi que les conclusions incidentes de M. A tendant à ce que le montant de cette indemnité soit porté à la somme de 20.000 euros ;
Sur les conclusions d'appel en garantie :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Le maire ou le président de l'établissement public compétent peut disposer gratuitement, et en tant que de besoin, des services déconcentrés de l'Etat pour effectuer l'étude technique de celles des demandes de permis de construire sur lesquelles il a compétence pour l'instruction et la décision et qui lui paraissent justifier l'assistance technique de ces services. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie ; qu'aux termes de l'article R. 490-2 du même code, alors en vigueur : Le conseil municipal (...) peut décider de confier par voie de convention l'instruction des autorisations et actes relatifs à l'occupation du sol à une collectivité territoriale, à un groupement de collectivités territoriales ou au service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme (...) ;
Considérant que les conventions conclues à titre onéreux et en dehors de toute obligation entre l'Etat et les collectivités territoriales pour confier aux services déconcentrés de l'Etat des travaux d'études, de direction et de surveillance de projets de ces collectivités sont des contrats de louage d'ouvrage dont l'inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dans les conditions de droit commun ; que n'ont en revanche pas ce caractère les conventions de mise à disposition des services de l'Etat prévues par les dispositions spécifiques des articles L. 421-2-6 et R. 490-2 précités du code de l'urbanisme, qui sont conclues à titre gratuit et sont de droit lorsque les communes le demandent ; que les services de l'Etat mis à disposition agissant dans le cadre de ces conventions en concertation permanente avec le maire, qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées, en vue de l' exercice de compétences d'instruction et de décision qu'il conserve, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à ce titre qu'en cas de refus ou de négligence d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ;
Considérant qu'ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué par la COMMUNE DE BEYNAC que les services de l'Etat mis à sa disposition pour l'instruction des permis de construire auraient refusé ou négligé d'exécuter un ordre ou une instruction du maire lors de l'étude de la demande de permis de construire de M. A ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la COMMUNE DE BEYNAC n'était pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNE DE BEYNAC une somme de 1.500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BEYNAC et les conclusions incidentes de M. A sont rejetées.
Article 2 : La COMMUNE DE BEYNAC versera à M. A une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 10BX01919