Vu la requête, enregistrée en télécopie le 9 octobre et en original le 13 octobre 2009, présentée pour le COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS, sis à Rimont (09420) et l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE ET LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN VALLEE D'USTOU (ADEPEVU), sise à Trein d'Ustou à Ustou (09140) ;
Le COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS et l'ADEPEVU demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du 11 août 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, statuant sur leur demande à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 20 juillet 2006 autorisant la SNC Pervu à disposer de l'énergie des ruisseaux de l'Escorce et de l'Ossèse en vue d'alimenter une centrale hydroélectrique, a seulement mis en demeure le préfet de l'Ariège de prendre, dans le délai de six mois, en concertation avec la fédération départementale de pêche de l'Ariège, un arrêté complémentaire tendant à limiter au maximum l'espacement des barreaux des grilles de protection des turbines, et a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté du 20 juillet 2006 ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, enregistrée le 12 novembre 2010, la note en délibéré présentée pour la SNC Pervu ;
Vu la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et des milieux naturels de l'Europe, signée le 19 septembre 1979 ;
Vu la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages, dite directive " Habitats " ;
Vu la directive n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, dite " Directive-cadre sur l'eau (DCE) " ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 modifiée relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour-Garonne approuvé par arrêté du préfet de la région Midi-Pyrénées en date du 1er décembre 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2010 :
- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;
- les observations de Me Lelong se substituant à Me Terrasse, avocat du COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS, de l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE ET LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN VALLEE D'USTOU et de la fédération départementale de pêche de l'Ariège ;
- les observations de Me Larrouy-Castera du cabinet d'avocats Larrouy-Castera, avocat de la SNC Pervu ;
- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;
Considérant que, le 17 juin 2005, la SNC Pervu a déposé une demande en vue d'être autorisée à exploiter une centrale micro-hydroélectrique d'une puissance maximale de 4 476 Kw, dans les Pyrénées ariégeoises ; que cette centrale doit être implantée à la confluence des ruisseaux de l'Escorce et de l'Ossèse où se forme la rivière Alet, laquelle est classée comme " rivière réservée " en application de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 ; que, par un arrêté du 20 juillet 2006, le préfet de l'Ariège a autorisé la SNC Pervu à disposer de l'énergie des ruisseaux de l'Escorce et de l'Ossèse ; que le COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS et l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE ET LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN VALLEE D'USTOU (ADEPEVU) ont demandé l'annulation de cet arrêté ; que, par un jugement en date du 11 août 2009, le tribunal administratif de Toulouse a prescrit au préfet de l'Ariège de prendre, dans le délai de six mois, en concertation avec la fédération départementale de pêche de l'Ariège, un arrêté complémentaire tendant à limiter au maximum l'espacement des barreaux des grilles de protection des turbines et a rejeté le surplus de la demande ; que le COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS et l'ADEPEVU font appel dudit jugement en demandant à nouveau l'annulation de l'arrêté en litige ; que la SNC Pervu forme un appel incident contre ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;
Sur la recevabilité de l'intervention de la fédération départementale de pêche de l'Ariège (FDPA) :
Considérant que la FDPA justifie d'un intérêt à intervenir dans la présente instance à l'appui des conclusions du recours ; que, par suite, son intervention doit être admise ;
Sur les conclusions en annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique : " Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat. (...) " ; qu'en vertu de l'article 2 de la même loi : " Sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance (produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation) excède 4 500 kilowatts. Sont placées sous le régime de l'autorisation toutes les autres entreprises (...) " ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. " ; qu'aux termes de l'article L. 214-10 du même code : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions fixées à l'article L. 514-6. " : que l'article L. 514-6 dudit code ajoute : " Les décisions prises en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-12, L. 512-13, L. 513-1 à L. 514-2, L. 514-4, L. 515-13 I et L. 516-1 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Elles peuvent être déférées à la juridiction administrative : 1°/ Par les tiers, personnes physiques ou morales... " ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les décisions relatives à la réalisation et l'exploitation des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique trouvent leur fondement juridique à la fois dans la loi du 19 octobre 1919 et dans les articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement ; qu'elles relèvent, dès lors, en application de l'article L. 214-10 de ce code, d'un contentieux de pleine juridiction, dans les conditions fixées par l'article L. 514-6 ; qu'il en résulte qu'il appartient à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de l'autorisation litigieuse au vu de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement: " III. Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (...) XI. Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. " ;
Considérant que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) révisé du bassin Adour-Garonne, applicable pour la période 2010-2015, a été approuvé par un arrêté du préfet de la région Midi-Pyrénées du 1er décembre 2009 ; que ce schéma a fixé au nombre de ses orientations fondamentales la préservation et la restauration de la continuité écologique des cours d'eau ; que cette continuité nécessite, ainsi que le rappelle le SDAGE, et comme le précise l'article L. 214-17 du code de l'environnement issu de l'article 6 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 adoptée dans le cadre de la transposition de la directive susvisée n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000, que soient assurés le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ; que, dans le cadre de cette orientation fondamentale, le SDAGE a procédé à l'inventaire des cours d'eau présentant un très bon état écologique, pour lesquels doit être préservée ou restaurée la continuité écologique ; que le bassin versant de la rivière Alet à l'amont de la prise d'eau de la centrale de Saint-Lizier, et par conséquent le ruisseau de l'Escorce et le ruisseau de l'Ossèse qui sont inclus dans ce bassin versant, font partie de cette liste ; qu'il appartient dès lors à la cour, quand bien même la liste des cours d'eau visés au I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement n'a pas encore été établie par le préfet coordonnateur de bassin, de vérifier que l'autorisation délivrée à la SNC Pervu n'est pas incompatible avec le fait que l'Escorce et l'Ossèse ont été considérés par le SDAGE aujourd'hui en vigueur comme des cours d'eau en très bon état écologique pour lesquels doit être préservée la continuité écologique ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la centrale en litige doit être alimentée au moyen de deux prises d'eau, situées l'une sur le ruisseau de l'Ossèse, l'autre sur le ruisseau de l'Escorce, à partir desquelles une partie du débit du premier de ces cours d'eau sera dérivé sur une longueur de 3,4 kilomètres, soit environ la moitié de sa longueur totale, et, pour le second cours d'eau, sur 2,5 kilomètres, les prises d'eau se situant respectivement à 1 060 et 945 mètres d'altitude pour une restitution de l'eau dérivée à une altitude de 776 mètres ; que, compte tenu notamment de la portion très importante de ces deux cours d'eau qui serait ainsi dérivée, et alors même que l'intégralité du débit prélevé en vue d'assurer le fonctionnement de la centrale doit être restituée en aval de celle-ci, le projet litigieux aura nécessairement, même en tenant compte du débit réservé, un impact significatif sur le régime hydrologique de ces cours d'eau et sur la continuité du transport de sédiments, notamment des sédiments grossiers ; que les modifications apportées au régime hydrologique sont de nature à porter atteinte en particulier aux espèces les plus fragiles présentes ou susceptibles d'être présentes dans ces cours d'eau, notamment le desman des Pyrénées et l'euprocte des Pyrénées, qui sont au nombre des espèces protégées répertoriées comme menacées, ou le triton palmé, espèce protégée, dont la présence est avérée sur le site ; que si le système de prise d'eau " par en-dessous " prévu par le projet est de nature à limiter l'impact de celui-ci sur la population piscicole, ce système n'est pas néanmoins dénué d'effets négatifs puisqu'il peut, ainsi que l'a relevé le Conseil supérieur de la pêche dans son avis défavorable du 1er juillet 2005, constituer un piège pour les poissons juvéniles en période de dévalaison ; qu'en outre, le projet rend la montaison plus difficile, en dépit de la présence de passes à poissons dites " en bassins successifs " ; que, dans ces conditions, le projet autorisé par l'arrêté litigieux est, en raison de ses caractéristiques mêmes, lesquelles sont de nature à porter atteinte à la continuité écologique des deux cours d'eau dans lesquels est prélevée l'eau nécessaire au fonctionnement de la centrale, incompatible avec le fait que ces cours d'eau ont été répertoriés par le SDAGE comme en très bon état écologique et comme devant ainsi être préservés d'atteintes à leur continuité écologique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS et l'ADEPEVU sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande à fin d'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2006, d'autre part, l'appel incident de la SNC Pervu ne peut qu'être rejeté ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que le COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS, l'ADEPEVU et la fédération départementale de pêche de l'Ariège, qui ne sont pas les parties perdantes, ne sauraient être condamnées à verser à la SNC Pervu les sommes réclamées par celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme de 1 000 euros respectivement au COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS, à l'ADEPEVU et à la fédération départementale de pêche de l'Ariège ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la fédération départementale de pêche de l'Ariège est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 11 août 2009 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de l'Ariège en date du 20 juillet 2006 est annulé.
Article 4 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS, une somme de même montant à l'ADEPEVU et une somme de même montant à la fédération départementale de pêche de l'Ariège.
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No 09BX02369