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15/04/2010 | FRANCE | N°08BX02287

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 15 avril 2010, 08BX02287


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 3 septembre 2008, présentée pour la SARL SOCOREG, dont le siège social est 8, rue Gay-Lussac, ZI du Phare à Mérignac (33700), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL SOCOREG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 juillet 2008 qui a rejeté ses demandes tendant, en premier lieu, à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2005 par lequel le préfet de la Gironde l'a mise en demeure de remettre à l'inspection des installations classées des résultats d'ana

lyse et des justificatifs concernant la mise en place de mesures de dépollution...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 3 septembre 2008, présentée pour la SARL SOCOREG, dont le siège social est 8, rue Gay-Lussac, ZI du Phare à Mérignac (33700), représentée par son gérant en exercice ;

La SARL SOCOREG demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 juillet 2008 qui a rejeté ses demandes tendant, en premier lieu, à l'annulation de l'arrêté du 10 mai 2005 par lequel le préfet de la Gironde l'a mise en demeure de remettre à l'inspection des installations classées des résultats d'analyse et des justificatifs concernant la mise en place de mesures de dépollution de son site ainsi que les justificatifs de la constitution d'un dossier d'installations classées, en deuxième lieu, à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2005 par lequel le préfet de la Gironde a décidé, sur le fondement de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, qu'elle déposerait entre les mains d'un comptable public la somme de 52 560 euros, en troisième et dernier lieu, à l'annulation du titre de perception émis le 5 mars 2007 en exécution de l'arrêté de consignation du 8 décembre 2005 ;

2°) à titre principal, d'annuler ces deux arrêtés ainsi que ce titre de perception ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 10 000 euros au titre des frais engagés pour l'instance et non compris dans les dépens, et de le condamner aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise, à hauteur de 1 175,30 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et son décret d'application n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs et l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général de la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2010 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les observations de Me Lafaye collaborateur du cabinet d'avocats Alain Pareil, avocat de la SARL SOCOREG ;

- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Lafaye ;

Considérant que la SARL SOCOREG, qui exploite depuis 1995, dans la zone industrielle du Phare à Mérignac, un atelier de gravure de plaques photopolymères flexographiques relevant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, a fait l'objet le 18 mai 2001 d'un premier contrôle de l'inspection des installations classées qui a conduit à constater de nombreux manquements de ladite société à ses obligations ; qu'il a été notamment prescrit à la société, par un arrêté du 24 août 2001, de faire réaliser un pré-diagnostic, une étude des sols et une évaluation simplifiée des risques, d'implanter sur le site des piézomètres et de procéder à des campagnes de prélèvements mensuels sur ces piézomètres afin de déceler notamment la présence dans le sol de composés organo-halogénés et, par un arrêté du 23 avril 2002, de mettre en oeuvre un programme de traitement des eaux superficielles ; qu'un nouveau contrôle, qui a eu lieu le 9 septembre 2004, a révélé non seulement que les objectifs de dépollution fixés n'étaient pas atteints mais encore une remontée des concentrations en polluants, la SARL SOCOREG ayant mis fin en mars 2003 aux mesures qui avaient été mises en place sous le contrôle d'un bureau d'études spécialisé, le BURGEAP, en vue de la dépollution ; que, par un arrêté du 10 mai 2005, le préfet a mis la société en demeure de remettre à l'inspection des installations classées les résultats des analyses de surveillance des eaux souterraines ainsi que différents justificatifs permettant notamment de s'assurer du respect de l'article 1 de l'arrêté du 23 avril 2002 et de remettre en service l'installation de traitement de la nappe de manière à atteindre les objectifs de dépollution fixés ; que l'exploitant ne respectant pas certaines des prescriptions de l'arrêté de mise en demeure, le préfet a pris un arrêté de consignation, pour un montant de 52 560 euros, le 8 décembre 2005, suivi, le 5 mars 2007, d'un titre de perception du même montant ; que la SARL SOCOREG fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 juillet 2008 qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des trois décisions précitées des 10 mai 2005, 8 décembre 2005 et 5 mars 2007 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de mise en demeure et l'arrêté de consignation :

Considérant que, contrairement à ce qu'affirme la société requérante, l'arrêté préfectoral de prescriptions de travaux pris le 21 avril 2008 par le préfet de la Gironde sur le fondement, non pas de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, mais de l'article L. 512-2 du même code, n'a pas entraîné le retrait implicite de la mise en demeure du 10 mai 2005, ces deux actes n'ayant ni le même objet, ni la même portée ; qu'il y a donc lieu de statuer sur l'ensemble des conclusions susvisées ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, que les arrêtés attaqués indiquent les dispositions applicables et comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui justifient les mesures prises à l'encontre de la SARL SOCOREG ; que ces actes sont ainsi, contrairement à ce que soutient celle-ci, suffisamment motivés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...). / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; qu'aux termes du I de l'article L. 514-1 du code de l'environnement : Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : / 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites (...) ; / 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; / 3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 514-1 du code de l'environnement précité, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976, que lorsque l'inspecteur des installations classées a, comme en l'espèce, constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé ; que si l'article L. 514-1 laisse au préfet un choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, la mise en demeure qu'il édicte n'emporte pas par elle-même une de ces sanctions, de sorte que l'option ainsi ouverte en matière de sanctions n'affecte donc pas la compétence liée du préfet pour édicter la mise en demeure ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la mise en demeure du 10 mai 2005 a méconnu la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant et ne peut donc qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, qu'en application des dispositions de l'article L. 514-5 du code de l'environnement, les installations classées pour la protection de l'environnement sont soumises à un contrôle de l'inspection des installations classées dont les constats, en cas d'inobservation des prescriptions imposées à l'exploitant, servent de fondement à la mise en demeure que le préfet est tenu d'adresser à l'exploitant, avant de prendre, le cas échéant, les mesures de consignation, d'exécution forcée des travaux ou de suspension du fonctionnement de l'installation, prévues à l'article L. 514-1 ; que si ces contrôles peuvent avoir lieu à tout moment, les inspecteurs des installations classées doivent informer l'exploitant quarante-huit heures avant la visite, sauf contrôle inopiné, et l'exploitant peut se faire assister d'une tierce personne ; qu'en vertu de ce même article, l'exploitant est informé par l'inspecteur des installations classées des suites du contrôle ; que l'inspecteur lui transmet une copie de son rapport de contrôle et que l'exploitant peut faire part au préfet de ses observations ; qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions du code de l'environnement qu'elles organisent une procédure contradictoire particulière applicable aux sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; que les dispositions du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixent, en l'absence de dispositions législatives ayant instauré une procédure contradictoire particulière, les règles générales de procédure applicables aux décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient dès lors être utilement invoquées à l'encontre d'un arrêté portant consignation d'une somme répondant du montant des travaux à réaliser pris sur le fondement du I de l'article L. 514-1 du code de l'environnement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté de consignation en litige a été pris en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne saurait être accueilli ;

En ce qui concerne le bien-fondé des décisions contestées :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, que la pollution du site, caractérisée par des taux très élevés de dichloroéthylène, de trichloroéthylène, de tétrachloroéthylène et de chlorure de vinyle, a pour origine des déversements par la SARL SOCOREG d'un solvant dans un fossé situé à proximité immédiate du bâtiment qu'elle exploite, fossé aujourd'hui comblé et au niveau duquel a été installé le point piézomètrique n° 4 où ont été constamment relevés d'importants niveaux de pollution ; que cette société a interrompu en mars 2003, de sa propre initiative, les travaux de dépollution qui étaient en cours alors que les valeurs observées étaient encore très éloignées des objectifs fixés pour atteindre le seuil de dépollution ; que, si la société fait valoir qu'elle n'utilise, depuis 2002, que du solvant sans chlore ni halogène, de sorte que la présence de chlorure de vinyle dans le sol du site observée en 2004 ne peut pas lui être imputable mais serait imputable à la société Tauzin installée à proximité, cette affirmation n'est pas démontrée alors au contraire que le chlorure de vinyle peut se former à partir du trichloroéthylène et du perchloroéthylène présents dans les eaux souterraines ; que la seule circonstance, également invoquée par la société requérante en vue de démontrer que la pollution observée depuis 2004 serait imputable à l'entreprise voisine, que les niveaux de pollution sont, depuis septembre 2007, plus élevés au point piézométrique n° 2 qu'au point piézométrique n° 4, n'est pas de nature à étayer ses dires dès lors que le point piézométrique n° 2 est situé en aval du point n° 4 dans le sens d'écoulement de la nappe et a donc vocation à recueillir la pollution observée dans ce dernier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la pollution constatée à partir de 2004 aurait pour origine non l'activité propre de la requérante, mais celle d'une société voisine doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante conteste la pertinence des mesures de dépollution qui lui sont imposées et leur caractère excessif, eu égard aux mesures qu'elle a déjà mises en oeuvre et à ce qu'elle considère comme une pollution qui ne serait plus que résiduelle ; qu'il résulte cependant de l'instruction que l'état de pollution du site par des produits chlorés est tel que sa dépollution ne peut être effectuée que par la méthode dite du stripping qui consiste à pomper l'eau polluée et à la traiter à travers un filtre à charbon actif, et, si les valeurs requises ne sont pas atteintes par cette méthode, par celle dite du venting , qui consiste à traiter le sol à l'origine de la pollution par un maillage du site à l'aide de piézomètres équipés d'un dispositif d'aspiration ; que la requérante ne conteste pas l'efficacité de ces méthodes ; que, par suite, c'est à bon droit que, par l'arrêté contesté du 10 mai 2005, le préfet a imposé à la société SOCOREG de remettre en service sous un mois l'installation de traitement de la nappe, dans les conditions précisées par le programme de dépollution transmis par la société elle-même le 29 mars 2002 ; que la requérante ne produit aucun élément de nature à démontrer que le chiffrage du coût de chacune de ces méthodes serait excessif ; qu'eu égard au coût de ces méthodes de dépollution tel qu'indiqué par l'expert et qui n'est pas sérieusement contesté, le montant de la consignation mise à la charge de la société SOCOREG par l'arrêté contesté du 8 décembre 2005, soit 52 560 euros, n'est pas excessif, compte tenu des objectifs de dépollution fixés par la mise en demeure du 10 mai 2005 ;

Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré du coût excessif des prescriptions et de la consignation au regard des conditions économiques de l'exploitation et de la situation financière de la société est inopérant pour contester la légalité des arrêtés préfectoraux litigieux ;

Sur l'opposition à titre de perception :

Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui précède, la société requérante n'est pas fondée à contester le titre de perception litigieux en se fondant sur l'illégalité des arrêtés de mise en demeure et de consignation ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que le titre litigieux, par l'importance de son montant, compromettrait gravement l'équilibre financier de la société, est inopérant pour contester ce titre devant le juge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la nouvelle expertise sollicitée par la SARL SOCOREG, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes ;

Sur les dépens de l'instance :

Considérant que les frais de l'expertise, liquidés et taxés par une ordonnance du président du tribunal le 9 juillet 2007 à la somme de 1 175,30 euros, doivent être laissés, ainsi que l'a relevé le jugement attaqué, à la charge de la SARL SOCOREG ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par la SARL SOCOREG au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL SOCOREG est rejetée.

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No 08BX02287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX02287
Date de la décision : 15/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ALAIN PAREIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-04-15;08bx02287 ?
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