Vu l'arrêt avant dire droit en date du 24 janvier 2008 par lequel la Cour administrative d'appel de Bordeaux a ordonné, avant de statuer sur la requête de M. et Mme , de M. et Mme et du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DE CAPEYRON, une expertise en vue de déterminer les parts respectives des phénomènes naturels et des travaux d'entretien de l'estuaire de la Gironde effectués par le Port Autonome de Bordeaux dans l'érosion des parcelles cadastrées section ZN 18, 40 et 42 et situées au lieu dit Les Eperviers à Cussac-Fort-Médoc ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la cour le 22 juin 2009 ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 juillet 2009, présenté pour le Grand Port Maritime de Bordeaux, anciennement dénommé Port autonome de Bordeaux, par Me Wickers, avocat ;
Le Grand Port Maritime de Bordeaux conclut, comme précédemment, au rejet de la requête et demande à la cour de porter à 20.000 euros le montant de la somme mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi du 16 septembre 1807, relative au dessèchement des marais ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2010,
- le rapport de M. Péano, président-assesseur ;
- les observations de Me Paul, de la Selarl Huglo Lepage, avocat de M. et Mme Pierre , de M. et Mme et du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DE CAPEYRON ;
- les observations de Me Seze, de la SCP Wickers May, avocat du Grand Port Maritime de Bordeaux ;
- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que Mme Marie Pierre , nue-propriétaire des parcelles cadastrées section ZN 18, 40 et 42 situées à Cussac-Fort-Médoc au lieu-dit Les Eperviers , M. et Mme Pierre , le GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DE CAPEYRON, usufruitiers de ces parcelles, ainsi que M. Alain , qui exploite ces trois parcelles en nature de vignes, interjettent appel du jugement du 4 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande de condamnation solidaire de l'Etat et du Port Autonome de Bordeaux devenu Grand Port Maritime de Bordeaux à leur verser respectivement les sommes de 575.843 euros et de 115.389 euros en réparation des préjudices subis par leurs parcelles viticoles du fait des travaux d'entretien effectués, chaque année, par le Port Autonome de Bordeaux dans l'estuaire de la Gironde, ainsi que la somme de 7.622 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'avant de statuer sur la requête, la cour a ordonné, par arrêt du 24 janvier 2008, de procéder à une expertise en vue de déterminer les parts respectives des phénomènes naturels et des travaux d'entretien de l'estuaire de la Gironde effectués par le Port Autonome de Bordeaux dans l'érosion des parcelles cadastrées section ZN 18, 40 et 42 et situées au lieu dit Les Eperviers au droit de la passe de Cussac à Cussac-Fort-Médoc ; que dans le rapport en date du 22 juin 2009, l'expert désigné évalue les parts respectives des éléments intervenant dans l'érosion de ces parcelles à 70 % pour le trafic maritime et 30 % pour les travaux d'entretien ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné, dont il n'est pas établi qu'il serait entaché d'incohérences, d'insuffisances ou de contradictions, que le batillage dû à la circulation des navires de commerce dans le chenal de navigation et les opérations d'élargissement et d'approfondissement de ce chenal, consistant particulièrement en des dragages et des déroctages, ont porté atteinte à la stabilité des berges au droit de la passe de Cussac en favorisant l'érosion de leur base ; qu'ils ont ainsi aggravé l'érosion résultant de l'action naturelle des éléments dans l'estuaire de la Gironde et les dommages qui en découlent ; que ces dommages causés aux immeubles, qui présentent un caractère anormal et spécial, sont de nature à engager, même sans faute de sa part, la responsabilité du Port Autonome de Bordeaux, devenu Grand Port Maritime de Bordeaux, chargé de l'entretien et de la gestion du chenal de navigation, à l'égard des requérants, qui ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage ; que l'Etat, propriétaire du chenal, ne peut voir sa responsabilité engagée du fait de ces dommages qui résultent, non de l'existence de l'ouvrage, mais de son entretien et de sa gestion ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dommages résultant de l'aggravation de l'érosion des berges seraient imputables aux propriétaires riverains dont il n'est pas établi qu'ils auraient commis des négligences ou des imprudences de nature à exonérer le Grand Port Maritime de Bordeaux de tout ou partie de sa responsabilité alors même qu'ils supportent la charge d'assurer la protection de leurs propriétés ; que le Grand Port Maritime de Bordeaux n'apporte pas d'élément justifiant que les requérants étaient informés des risques résultant de la réalisation des travaux d'entretien du chenal de navigation au moment de l'acquisition des parcelles ; qu'il s'ensuit que doit être mise à la charge du Grand Port Maritime de Bordeaux la réparation de la totalité des préjudices qui sont la conséquence directe et certaine de ces travaux et qui sont établis ;
Considérant que l'aggravation de l'érosion des berges et de leur base au droit de la passe de Cussac, même si elle n'est pas à l'origine d'une diminution des surfaces plantées en vignes ou seulement cultivables, a causé une perte de terrains, d'une surface d'environ 0,9 hectare, situés le long de la digue édifiée pour protéger les parcelles des requérants et a entraîné la nécessité d'effectuer des travaux de confortement en vue de consolider le soubassement de la digue ; qu'il résulte de l'instruction qu'alors même que ces terrains n'étaient pas plantés en vignes, leur valeur peut être fixée à 13.720 euros ; que, pour justifier du montant de l'indemnité demandée au titre des travaux de confortement, les requérants produisent une facture, d'un montant s'élevant à 1.893 euros, d'une réparation réalisée en 1998 en vue de consolider le soubassement de la digue dont l'entretien leur incombe en vertu des dispositions de la loi du 16 septembre 1807, relative au dessèchement des marais, ainsi qu'un devis établi en vue de la constitution d'un remblai et d'un enrochement sur membrane textile, évaluée à un montant de 102.817 euros toutes taxe comprises, qui n'est pas sérieusement contredit et dont les requérants demandent l'actualisation ; que toutefois l'actualisation ne peut être admise dès lors que les requérants, qui ne justifient pas des autres travaux allégués, n'établissent pas s'être trouvés dans l'impossibilité de faire procéder à des travaux de réparation dès le dépôt du rapport de l'expert désigné par l'ordonnance du 30 décembre 1998 ; qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner le Grand Port Maritime de Bordeaux à payer, à ces titres, la somme de 8.860 euros à Mme Marie Pierre , nue-propriétaire des parcelles et la somme globale de 111.570 euros à M. et Mme Pierre , usufruitiers ;
Considérant que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature, liés notamment à la disparition de la végétation plantée sur les terrains perdus, subis par M. et Mme Pierre du fait des travaux réalisés par le Grand Port Maritime de Bordeaux en les évaluant à la somme globale de 2.000 euros ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'existerait un lien direct de cause à effet entre les travaux réalisés par le Grand Port Maritime de Bordeaux en vue de l'élargissement et l'approfondissement du chenal de navigation dans l'estuaire de la Gironde et l'intrusion d'eau saumâtre qui serait à l'origine d'une élévation de la sodicité des parcelles en bordure de la Gironde et de l'asphyxie racinaire des pieds de vignes ; que les requérants ne sauraient donc prétendre ni à l'indemnisation des travaux qu'ils envisagent de réaliser en vue de réduire la sodicité des sols, ni au remboursement des travaux de remplacement des pieds de vigne, victimes d'asphyxie racinaire ; qu'en l'absence de justifications de nature à établir la portée et le bien-fondé de leur demande sur ce point, ils ne sauraient non plus prétendre à la réparation de surcoûts d'exploitation et à l'indemnisation de pertes de rendement et de qualité de la vendange, dont l'imputabilité aux travaux réalisés par le Port Autonome de Bordeaux n'est pas établie ; que les requérants n'établissent pas l'existence d'un préjudice certain lié à l'impossibilité de louer, vendre ou utiliser les parcelles sur le long terme ; que de même ils ne sont pas fondés à demander le remboursement des frais de géomètre et d'analyse qu'ils ont unilatéralement engagés et qui n'ont pas été utiles à la solution du litige ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Marie Pierre et M. et Mme Pierre sont seulement fondés à demander la condamnation du Grand Port Maritime de Bordeaux à leur verser respectivement les sommes de 8.860 euros et de 113.570 euros ;
Considérant que Mme Marie Pierre et M. et Mme Pierre ont droit aux intérêts des sommes que le Grand Port Maritime de Bordeaux est condamné à leur verser à compter du 6 avril 2001, jour de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif ;
Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui condamne le Grand Port Maritime de Bordeaux au paiement d'une indemnité, n'implique pas nécessairement qu'il lui soit enjoint de réaliser des travaux ; que, par suite, les conclusions des requérants tendant à cette fin ne sauraient être accueillies ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en première instance le 30 décembre 1998 et de celle ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 24 janvier 2008 à la charge du Grand Port Maritime de Bordeaux ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du Grand Port Maritime de Bordeaux le versement d'une somme globale de 1.500 euros à Mme Marie Pierre et à M. et Mme Pierre ; qu'il n'y a lieu d'accorder le bénéfice de ces mêmes dispositions à aucune des autres parties ;
DECIDE :
Article 1er : Le Grand Port Maritime de Bordeaux est condamné à verser à Mme Marie Pierre et à M. et Mme Pierre respectivement les sommes de 8.860 euros et de 113.570 euros qui porteront intérêt au taux légal à compter du 6 avril 2001.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée en première instance le 30 décembre 1998 et de celle ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 24 janvier 2008 sont mis à la charge du Grand Port Maritime de Bordeaux.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 4 janvier 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le Grand Port Maritime de Bordeaux versera une somme globale de 1.500 euros à Mme Marie Pierre et à M. et Mme Pierre en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions de l'Etat et du Grand Port Maritime de Bordeaux tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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No 05BX000502