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17/12/2009 | FRANCE | N°07BX02505

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2009, 07BX02505


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 décembre 2007, présentée pour M. François X, demeurant ..., par Me Bonnet-Lambert ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404931 en date du 4 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné solidairement avec M. Y et l'entreprise Lafond à verser à l'Etat la somme de 28 043,99 euros en réparation des préjudices résultant du remplacement des plaques de couverture du bâtiment destiné à accueillir le centre d'information et d'orientation de Pauillac ;

2°) à titre prin

cipal, de prononcer sa mise hors de cause, et, subsidiairement, de limiter à 5 ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 décembre 2007, présentée pour M. François X, demeurant ..., par Me Bonnet-Lambert ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404931 en date du 4 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné solidairement avec M. Y et l'entreprise Lafond à verser à l'Etat la somme de 28 043,99 euros en réparation des préjudices résultant du remplacement des plaques de couverture du bâtiment destiné à accueillir le centre d'information et d'orientation de Pauillac ;

2°) à titre principal, de prononcer sa mise hors de cause, et, subsidiairement, de limiter à 5 % sa part de responsabilité et de condamner la société Lafond, M. Duprat et le bureau de contrôle Socotec à le relever indemne des condamnations éventuellement mises à sa charge ;

3°) de condamner les parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d'appel et aux frais de justice ;

4°) de condamner les parties succombantes à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation ;

Vu le décret 96-98 du 7 février 1996 relatif à la protection contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;

- les observations de Me Bonnet-Lambert, pour M. RIGOTHIER ;

- les observations de Me Seze, pour la société Lafond ;

- les observations de Me Harmand, pour M. Duprat ;

- les observations de Me Violle, pour la société Socotec ;

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte d'engagement du 30 juin 1995, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre avec M. Duprat, architecte, en vue de l'édification d'un bâtiment destiné à accueillir un centre d'information et d'orientation sur le territoire de la commune de Pauillac (Gironde) ; que, par acte d'engagement du 21 octobre 1996, les travaux de couverture du bâtiment, correspondant au lot n° 3 du marché, ont été confiés à l'entreprise Lafond ; que la mission de contrôle technique a été confiée au bureau de contrôle Socotec et la mission coordination et sécurité à M. RIGOTHIER, suivant actes d'engagement en date du 24 mai 1996 ; que la direction départementale de l'équipement de la Gironde a assumé, par ailleurs, le rôle de conducteur de travaux au sens de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ; que, dans le cadre de l'exécution des travaux de couverture du bâtiment, la société Lafond a commandé un lot de plaques de couverture Soutuile qui ont été livrées le 27 décembre 1996 ; qu'à la suite des opérations préalables à la réception des travaux, le maître d'ouvrage a, le 13 juin 1997, refusé de prononcer la réception au motif que les plaques de couverture contenaient de l'amiante ; qu'à défaut d'accord amiable, il a saisi le Tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant notamment à la condamnation solidaire de M. Duprat, du bureau de contrôle Socotec, de M. RIGOTHIER et de l'entreprise Lafond à l'indemniser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a mis la société Socotec hors de cause, condamné conjointement et solidairement M. Duprat, l'entreprise Lafond et M. RIGOTHIER à verser à l'Etat la somme de 28 043,99 €, et en a réparti la charge définitive en la faisant supporter à hauteur de 40 % par l'entreprise Lafond, de 40 % par M. Duprat et de 20 % par M. RIGOTHIER ; que ce dernier, par la voie de l'appel principal, sollicite sa mise hors de cause ; que M. Duprat et l'entreprise Lafond interjettent également appel de ce jugement par la voie de l'appel incident ;

Sur l'appel principal de M. RIGOTHIER :

Considérant qu'il appartient au coordonnateur sécurité-santé de veiller à ce que les principes généraux de prévention définis aux articles L. 235-1 et L. 235-18 du code du travail soient effectivement mis en oeuvre ; qu'en sa qualité de coordonnateur sécurité-santé, M. RIGOTHIER n'avait pour mission que d'assurer le respect des dispositions du code du travail relatives à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs et n'a pas participé au choix du matériau ; qu'à supposer même qu'il ait commis des fautes dans l'exécution de la mission qui lui a été confiée, le préjudice subi par l'Etat n'est pas imputable aux fautes contractuelles qui auraient été commises dans l'exercice de cette mission ; que, par suite, M. RIGOTHIER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a considéré que sa responsabilité était engagée et l'a condamné solidairement avec M. Duprat et l'entreprise Lafond à réparer les préjudices subis par l'Etat et résultant du changement des plaques de couverture du bâtiment ;

Sur les conclusions d'appel incident présentées par M. Duprat et l'entreprise Lafond :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de ce que la responsabilité de l'Etat serait invoquée pour la première fois en appel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans un mémoire en date du 1er septembre 2005, M. Duprat a expressément invoqué devant les premiers juges la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que ce moyen serait nouveau en appel doit être écartée ;

En ce qui concerne les responsabilités :

Considérant qu'en vertu des dispositions du décret du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, la vente des produits contenant de l'amiante a été interdite à compter du 1er janvier 1997 ; que toutefois, conformément au compte-rendu d'une réunion technique organisée par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, il a été admis que la mise en oeuvre des matériaux livrés avant le 1er janvier 1997, en exécution d'un contrat passé avant le 1er janvier 1997, n'était pas interdite et que ce point a été confirmé par la réponse du ministère de l'emploi et de la formation professionnelle n° 47447 du 27 janvier 1997 ; que, dès lors, la pose des plaques litigieuses, qui ont été livrées à l'entreprise Lafond le 27 décembre 1996, en exécution d'un contrat passé antérieurement, a été réalisée dans le respect de la réglementation en vigueur ; que, néanmoins, le changement de réglementation relative aux matériaux contenant de l'amiante, amorcé par le décret du 7 février 1996 relatif à la protection contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante, avait été annoncé par la Fédération nationale du bâtiment et que l'ensemble des professionnels du bâtiment, qui ne pouvaient ignorer les risques inhérents à l'utilisation de ces matériaux pour les personnes appelées à les manipuler et à l'exposition des utilisateurs des bâtiments qui en auraient comporté, ainsi que les contraintes liées aux opérations de désamiantage, étaient tenus à une obligation de renseignement et de conseil pour éclairer le maître d'ouvrage ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. Lafond a commandé auprès de son fournisseur des plaques Soutuile correspondant à la teinte prescrite par le cahier des clauses techniques particulières et que la prestation a été réalisée conformément aux prescriptions dudit cahier ; que, nonobstant la circonstance que l'entrepreneur n'ait pas formulé de réserves expresses sur la présence d'amiante dans les plaques dont il devait assurer la pose, il résulte de l'instruction et notamment du compte-rendu de réunion tenue à la direction départementale de l'équipement le 26 février 1997, ainsi que des attestations concordantes d'entreprises présentes sur le chantier au moment des travaux, que la question de la présence d'amiante dans le produit avait été soulevée par M. Lafond dès les mois d'octobre et novembre 1996 et que celui-ci avait informé le maître d'oeuvre, qui constituait, aux termes des documents contractuels, son seul interlocuteur, de la présence d'amiante ; que, par suite, M. Lafond, qui n'avait pas la possibilité d'intervenir directement auprès du maître de l'ouvrage, n'a pas méconnu son devoir de conseil et ne peut voir sa responsabilité engagée à ce titre ; que, par suite, l'entreprise Lafond est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a considéré que sa responsabilité était engagée et l'a condamnée solidairement à réparer les préjudices subis par l'Etat et résultant du remplacement des plaques de couverture du bâtiment ;

Considérant, en second lieu, que le cahier des clauses techniques particulières définissant le matériau qui devait être posé a été élaboré par le maître d'oeuvre, M. Duprat, sous la direction du maître d'ouvrage ; qu'il résulte de l'instruction que M. Duprat a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, été informé par l'entreprise Lafond de la possible présence d'amiante dans les plaques de couverture, mais que cette information ne lui a pas paru importante au point de figurer sur le compte-rendu des réunions de chantier et qu'il n'a, pendant la durée des travaux, adressé aucune mise en garde expresse au maître d'ouvrage sur ce point ; qu'il a ainsi manqué à son obligation de conseil ; qu'à cet égard, la circonstance alléguée que les seules plaques de la dimension et de la couleur spécifiées par l'article 3.3. du cahier des clauses techniques particulières disponibles auprès du fabriquant étaient des plaques contenant de l'amiante, s'avère sans influence sur l'étendue de cette obligation de conseil ; qu'il en va de même de la circonstance que la certitude de la présence d'amiante dans les plaques mises en oeuvre n'ait été acquise qu'en février 1997 ; que, par suite, M. Duprat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné solidairement à réparer les préjudices subis par l'Etat et résultant du remplacement des plaques de couverture du bâtiment ;

Considérant, toutefois, qu'en vertu des dispositions de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, le maître de l'ouvrage peut recourir à l'intervention d'un conducteur d'opération pour une assistance générale à caractère administratif, financier et technique ; que le conducteur d'opération engage sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage s'il manque à sa mission de conseil, laquelle comporte notamment une aide dans les choix techniques et dans le suivi et l'ordonnancement des travaux ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la présence d'amiante dans les plaques de couverture avait été évoquée dès le mois de novembre 1996 par l'entreprise Lafond ; que la direction départementale de l'équipement de la Gironde, qui assurait la mission de conducteur de l'opération, et dont un représentant assistait aux réunions de chantier, admet avoir été informée oralement au cours des réunions de chantier intervenues en novembre 1996 que les plaques de couverture pouvaient contenir de l'amiante ; que, dans ces conditions, l'Etat, en sa qualité de conducteur d'opération, a manqué à sa mission de conseil ; que la faute ainsi commise est de nature à exonérer partiellement la responsabilité des autres constructeurs ; qu'il sera fait une juste appréciation de la faute ainsi commise par le conducteur d'opération dans la réalisation du préjudice en la fixant à 60 % des conséquences du remplacement des plaques de couverture ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est seulement fondé à solliciter la condamnation de M. Duprat à supporter 40 % des préjudices qu'il a subis ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant que pour fixer le montant du coût des travaux nécessaires au remplacement des plaques de couverture, les premiers juges ont pu, bien qu'il n'ait pas revêtu un caractère contradictoire, se fonder sur les estimations non sérieusement contestées contenues dans le rapport établi par l'expert missionné par l'Etat en vue d'un règlement amiable ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du devis établi par l'entreprise Lafond, que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du montant de l'indemnité à allouer au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour ce chef de préjudice en le fixant, y compris les frais de l'expertise amiable, à la somme de 28 043,99 euros, dont le montant n'est pas contesté par M. Duprat ; que, compte tenu du partage de responsabilité susévoqué, M. Duprat doit être condamné à supporter la somme de 11 217, 60 euros ;

Sur les appels en garantie :

En ce qui concerne les appels en garantie de M. Duprat :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucune responsabilité ne peut être retenue à l'encontre de M. RIGOTHIER et de l'entreprise Lafond dans la réalisation des dommages ; que, par suite, les conclusions d'appel en garantie présentées à leur encontre par M. Duprat doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les appels en garantie de M. Lafond :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucune responsabilité ne peut être retenue à l'encontre de l'entreprise Lafond dans la réalisation des dommages et que celui-ci doit être mis hors de cause ; que, par suite, les conclusions d'appel en garantie présentées par M. Lafond à l'encontre de M. RIGOTHIER, de M. Duprat et du bureau de contrôle Socotec sont dépourvues d'objet ;

Sur les conclusions d'appel provoqué du bureau de contrôle Socotec :

Considérant qu'en l'absence d'aggravation de sa situation par la requête d'appel de M. RIGOTHIER, les conclusions susvisées d'appel provoqué présentées par le bureau de contrôle Socotec ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. RIGOTHIER, et une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'entreprise Lafond ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. Duprat tendant au versement de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, enfin, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du bureau de contrôle Socotec tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. RIGOTHIER et l'entreprise Lafond sont mis hors de cause.

Article 2 : M. Duprat est condamné à verser à l'Etat la somme de 11 217, 60 euros.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par l'entreprise Lafond.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. RIGOTHIER et les appels incidents de M. Duprat et du bureau de contrôle Socotec sont rejetés.

Article 5 : Le jugement n° 0404931 du Tribunal administratif de Bordeaux du 4 juillet 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera aux sociétés Coshytec et Socotec la somme de 1 500 euros à M. RIGOTHIER et la somme de 1 500 euros à l'entreprise Lafond, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

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N° 07BX02505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 07BX02505
Date de la décision : 17/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : BONNET-LAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-12-17;07bx02505 ?
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