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30/07/2009 | FRANCE | N°08BX00717

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 30 juillet 2009, 08BX00717


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2008, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ; le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE demande à la Cour d'annuler le jugement du 31 janvier 2008 n° 0601417 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a, d'une part, fait droit à la demande de M. Malek X tendant à l'annulation de sa décision en date du 4 juillet 2006 par laquelle il a refusé d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de son épouse, et d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'arti

cle 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2008, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ; le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE demande à la Cour d'annuler le jugement du 31 janvier 2008 n° 0601417 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a, d'une part, fait droit à la demande de M. Malek X tendant à l'annulation de sa décision en date du 4 juillet 2006 par laquelle il a refusé d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de son épouse, et d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Bordeaux, en date du 9 décembre 2008, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la directive n° 2003/86 du 22 septembre 2003 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 2005-253 du 17 mars 2005 ;

Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ensemble le décret n° 2005-215 du 4 mars 2005 pris pour son application ;

Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties et la HALDE ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2009 :

- le rapport de M. Brunet, président de chambre, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;

Considérant que M. X, de nationalité algérienne, est entré en France en 1976, à l'âge de quatre ans ; qu'il est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans portant la mention vie privée et familiale ; que, le 16 octobre 2005, il a épousé une ressortissante algérienne ; que, le 27 janvier 2006, il a déposé une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse ; que, par une décision en date du 4 juillet 2006, le PREFET DE LA HAUTE VIENNE a rejeté cette demande, motif pris de l'insuffisance des ressources de l'intéressé ; que, par un jugement du 31 janvier 2008, le Tribunal administratif de Limoges a annulé ladite décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Rock, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Vienne, a été habilité à faire appel au nom du préfet, par arrêté du 30 juillet 2007, régulièrement publié ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir tirée de ce que M. Rock n'avait pas qualité pour faire appel au nom du PREFET DE LA HAUTE VIENNE doit être écartée ;

Sur l'appel du préfet :

Considérant que, pour annuler la décision du PREFET DE LA HAUTE VIENNE, le Tribunal administratif de Limoges a retenu l'absence de signature du maire de la commune de résidence de M. X, ou de l'un de ses adjoints, sur l'avis, exigé par l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile préalablement à la décision du PREFET DE LA HAUTE VIENNE et portant sur le logement et les ressources de M. X ; que, toutefois, l'original de ce document, produit par le PREFET DE LA HAUTE VIENNE en appel, daté du 14 juin 2006, comporte la signature de M. Francis Barret, adjoint délégué au maire de Limoges ; qu'il résulte des pièces du dossier que cet adjoint délégué avait été habilité par décision du maire de Limoges, régulièrement publiée en mairie le 27 décembre 2005, pour émettre un tel avis ; qu'ainsi, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Limoges a retenu ce motif pour annuler sa décision du 4 juillet 2006 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X, tant en première instance qu'en appel ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, d'une part, qu'il ne résulte d'aucune disposition conventionnelle, législative ou règlementaire que la décision prise par le préfet sur une demande de regroupement familial devrait être précédée d'un avis émis par le directeur de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ; que M. X n'est pas fondé à se prévaloir de circulaires dépourvues de caractère réglementaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 10 du décret du 17 mars 2005 alors applicable, une enquête a été diligentée par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations sur la demande de regroupement familial présentée par M. X au profit de son épouse ; que la circonstance que le relevé d'enquête de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations n'a pas été signé par le directeur de cet organisme est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été exposé, la décision en litige du PREFET DE LA HAUTE-VIENNE a été précédée d'un avis défavorable émis, pour le maire de Limoges, par son adjoint délégué et que cet avis était visé par la décision attaquée ; que M. X n'est donc pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un vice de procédure ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ;

Considérant que la décision attaquée, laquelle vise et applique l'article 4 de l'accord franco-algérien, ne saurait être regardée comme entachée d'erreur de droit au seul motif qu'elle reprendrait la terminologie d'un article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non applicable aux ressortissants algériens ;

Considérant que, si pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. X, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE a pris en compte le caractère insuffisant des ressources de l'intéressé ainsi que l'avis émis par le maire de Limoges, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru, à tort, lié par ces seuls éléments et n'aurait pas examiné, au préalable, l'ensemble de la situation individuelle de M. X ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;

Considérant qu'en vertu des articles 6 et 8 du décret du 17 mars 2005 susvisé, alors applicable, les ressources prises en compte lors de la demande de regroupement familial sont celles de l'intéressé sur la période de douze mois précédant la demande ; que l'aide personnalisée au logement, qui permet à son bénéficiaire de réduire ses dépenses de logement, est versée directement par la caisse d'allocations familiales au bailleur ; qu'ainsi, elle ne constitue par une ressource stable au sens de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé ; que c'est donc à bon droit que le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE a estimé à 599,49 euros les revenus mensuels de M. X ; qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que le montant total de cette allocation et des revenus de l'intéressé serait égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; qu'en conséquence, M. X ne saurait soutenir que le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE a méconnu l'article 4 de l'accord franco-algérien précité ;

Considérant que, si l'intimé se prévaut de son invalidité et de l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'augmenter ses revenus afin de pouvoir bénéficier du regroupement familial, les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien ne prévoient pas de conditions spéciales de ressources lorsque le demandeur est en situation d'invalidité ; que la circonstance que l'incapacité de M. X s'établit entre 50 % et 79 % ne saurait suffire, à elle seule, à faire regarder la décision en litige comme présentant un caractère discriminatoire contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a été prise pour un motif tenant aux ressources de l'intéressé et non à son état de santé ; que, pour la même raison, il ne saurait davantage, en tout état de cause, se prévaloir, à supposer qu'il entende soulever un tel moyen, de l'incompatibilité de l'accord franco-algérien avec la directive 2003/86 CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ;

Considérant, enfin, que, compte tenu du caractère récent de son mariage à la date de la décision litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée lui refusant le bénéfice du regroupement familial ait porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ait, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en outre, que la décision attaquée n'a eu ni pour objet ni pour effet d'empêcher l'intimé de se marier et de fonder une famille ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance du Préambule de la Constitution n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée ;

Sur les conclusions tendant à ce que la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité soit invitée à produire ses observations dans la présente affaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 : Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles ont été saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant, à présenter des observations. La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions ; dans ce cas, cette audition est de droit ;

Considérant que la Cour, qui dirige seule l'instruction, n'est pas tenue de faire droit à des conclusions tendant à ce que la HALDE présente des observations ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée, qui a été prise en application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, résulte d'une discrimination ; que si la HALDE a adressé un courrier à la Cour, le 11 mai 2008, dans lequel elle déclare qu'elle a été saisie d'une demande de production d'observations par l'avocat du requérant, que cette demande est actuellement à l'étude et qu'elle devrait prendre quatre mois, elle n'a pas sollicité d'être entendue par la Cour, alors qu'un avis d'audience lui a été adressé ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu, pour la Cour, de surseoir à statuer ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a, d'une part, annulé sa décision en date du 4 juillet 2006 par laquelle il a refusé d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de l'épouse de M. X, et d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susanalysées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, les frais exposés par M. X ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Limoges du 31 janvier 2008 est annulé.

Article 2 : La demande de M. X devant le Tribunal administratif de Limoges et les conclusions présentées devant la Cour par M. X sont rejetées.

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N° 08BX00717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX00717
Date de la décision : 30/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: M. Jean-Max BRUNET
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-07-30;08bx00717 ?
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