Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 2007 sous le n° 07BX02591, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;
Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :
- d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté en date du 9 août 2007, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Driss X et portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi ;
- de rejeter la demande de M. Driss X devant le tribunal administratif ;
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Vu 2°) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 décembre 2007 sous le n° 07BX02592, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;
Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 6 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté en date du 9 août 2007, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. X et portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2009,
- le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
Considérant que les requêtes du PREFET DE LA VIENNE sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;
Sur la requête n° 07BX002591 :
Considérant que, par arrêté du 9 août 2007, le PREFET DE LA VIENNE a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. X, de nationalité marocaine, lui a enjoint de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par jugement en date du 6 décembre 2007, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté au motif que son signataire ne disposait pas, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature lui permettant de signer celle-ci aux lieu et place du préfet ; que le PREFET DE LA VIENNE relève appel de ce jugement ;
Considérant que l'arrêté attaqué a été signé pour le PREFET DE LA VIENNE par M. Frédéric Benet-Chabellan, secrétaire général de la préfecture de la Vienne ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 juillet 2007 du PREFET DE LA VIENNE, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne du 11 juillet 2007 : « délégation de signature est donnée à M. Frédéric Benet-Chambellan, sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Vienne, à l 'exception : - des mesures générales concernant la défense nationale, la défense intérieure et le maintien de l'ordre, - des matières qui font l'objet d'une délégation à un chef de service de l'Etat dans le département. » ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même arrêté : « s'agissant de l'application des dispositions du CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et notamment des articles L. 552-1, L. 552-7, L. 552-8 et L. 552-9, délégation de signature est donnée au secrétaire général, à l'effet de saisir le président du tribunal de grande instance ou un magistrat du siège délégué par lui et le premier président de la Cour d'Appel ou un magistrat du siège délégué par lui. » ;
Considérant que les actes susmentionnés relevant des attributions de l'Etat dans le département comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; qu'il résulte de la rédaction de l'article 1er de l'arrêté susmentionné du 9 juillet 2007 que le secrétaire général de la préfecture de la Vienne est compétent pour signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception des deux catégories d'actes explicitement visés ; que l'article 3 de cet arrêté n'a pas eu pour objet d'établir une nouvelle exception concernant les décisions en matière de police des étrangers ; qu'il se borne à ajouter un domaine supplémentaire à la délégation de signature consentie au secrétaire général de la préfecture de la Vienne en ce qui concerne la saisine des autorités judiciaires ; que les dispositions précitées de l'article 1er donnaient dès lors compétence à M. Frédéric Benet-Chambellan pour signer l'arrêté du 9 août 2007 refusant l'admission au séjour de M. X, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur ce qu'il aurait été pris par une autorité incompétente ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Poitiers ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique de pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est marié le 24 juillet 2006 avec Mme Y qui réside régulièrement en France et a une activité professionnelle stable ; que son épouse a accouché d'un fils né prématurément le 8 juillet 2006 ; que, depuis sa naissance, ainsi qu'il ressort du certificat médical en date du 28 août 2007, cet enfant connaît d'importants problèmes de santé nécessitant un suivi médical multiple, notamment en milieu hospitalier, qui n'est pas possible dans le pays d'origine de M. X ; que le départ de ce dernier, dans le but de bénéficier de la procédure de regroupement familial, serait de nature à compromettre le suivi médical de son enfant ; que, dès lors, compte tenu de ces éléments particuliers, la décision du 9 août 2007 refusant un titre de séjour à M. X et l'obligeant à quitter le territoire français a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté en date du 9 août 2007 par lequel il a refusé à M. X la délivrance d'un titre de séjour et les décisions obligeant celui-ci à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
Considérant que l'annulation des décisions en date du 9 août 2007 du PREFET DE LA VIENNE rejetant la demande de titre de séjour de M. X, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, fondée sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (C.E.S.E.D.A.) et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, implique qu'un titre de séjour soit délivré à l'intéressé ; qu'il y a lieu par suite, d'enjoindre au préfet de délivrer à M. X une carte de séjour mention « vie privée et familiale » dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur la requête n° 07BX002592 :
Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement du 6 décembre 2007 du Tribunal administratif de Poitiers, les conclusions de la requête n° 07BX002592 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution deviennent sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que M. X n'a pas justifié du dépôt de sa demande auprès du bureau d'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Considérant qu'en revanche dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 07BX02591 du PREFET DE LA VIENNE est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE LA VIENNE de délivrer une carte de séjour mention « vie privée et familiale » à M X dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du PREFET DE LA VIENNE à fin de sursis à exécution du jugement en date du 6 février 2008.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1.500 euros à M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Nos 07BX02591-07BX02592