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29/01/2009 | FRANCE | N°06BX02107

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 29 janvier 2009, 06BX02107


Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2006, présentée pour M. Jean-Lucien X, demeurant ..., par Me Guillot de Suduiraut ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0101818 et 0101819 du 20 juin 2006 du Tribunal administratif de Toulouse en tant que, par ce jugement, le tribunal n'a fait que partiellement droit aux conclusions de ses demandes tendant à la décharge ou à la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 et à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont

été assignés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 et d...

Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2006, présentée pour M. Jean-Lucien X, demeurant ..., par Me Guillot de Suduiraut ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0101818 et 0101819 du 20 juin 2006 du Tribunal administratif de Toulouse en tant que, par ce jugement, le tribunal n'a fait que partiellement droit aux conclusions de ses demandes tendant à la décharge ou à la réduction des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 et à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions établies à raison de la comptabilisation des droits fixes, du rejet de dépenses de personnels, de dépenses de carburant, de frais d'acquisition de postes « citizen band » et du refus de tenir compte de détournements commis à son détriment, et des pénalités dont ces impositions ont été assorties ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu le décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ;

Vu le décret n° 85-1390 du 27 décembre 1985 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2008 :

- le rapport de Mme Jayat, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, exerçant la profession libérale de mandataire judiciaire, a été assujetti, à l'issue d'une vérification de comptabilité, à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1993 et 1994 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à ces deux années ; que, par le jugement attaqué du 20 juin 2006, le Tribunal administratif de Toulouse, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance, sur les conclusions de M. X tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, a prononcé en faveur du contribuable la décharge du supplément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1993 à raison de la perception d'une indemnité d'assurance et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé ; que M. X fait appel du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige et afférentes à la comptabilisation des droits fixes constituant une partie de ses rémunérations, à des dépenses de personnel, à des dépenses de carburant, à des frais d'acquisition de deux postes dits « citizen band » et à des détournements commis à son détriment ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant qu'en indiquant dans la notification de redressement du 11 juillet 1996 que les charges afférentes à l'emploi d'un maçon et d'un manoeuvre et celles concernant l'acquisition d'émetteurs-récepteurs dits « citizen band » n'étaient pas directement nécessitées par l'exercice de la profession de mandataire, le vérificateur a suffisamment précisé le motif des redressements concernés ; que cette motivation, qui permettait au contribuable de faire valoir utilement ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait, satisfait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne les recettes :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : « L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année » ; que l'article 93 du même code, concernant la détermination des bénéfices non commerciaux, dispose que : « 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ... » ; qu'en vertu de l'article 269 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible « ... c. Pour les prestations de services ... lors de l'encaissement ... de la rémunération ... » ;

Considérant, d'autre part, qu'en application de l'article 21 du décret du 27 décembre 1985 fixant le tarif des administrateurs judiciaires en matière commerciale et des mandataires judiciaires, le montant intégral des droits fixes, qui était alors de 15 000 F au titre de chaque procédure, sauf partage prévu à l'article 12 du décret, « est versé, sans délai, par le débiteur, ... au liquidateur » ;

Considérant que, pour établir les rehaussements et les rappels de taxe en litige, l'administration a considéré que M. X avait la disposition des comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations au titre de chacune des procédures dont il avait la charge et qu'il pouvait ainsi, dès lors que le solde des comptes au 31 décembre de chacune des années 1993 et 1994 le permettait, prélever le montant de ses droits fixes à raison des procédures ouvertes durant l'année ; que l'administration a regardé M. X, alors même qu'il n'avait pas encaissé les droits qui lui étaient dus, comme ayant eu la disposition des sommes correspondant à ces droits fixes et a, en conséquence, estimé que ces sommes constituaient des recettes encaissées au cours de l'année, au sens des dispositions précitées des articles 93 et 269 du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, que l'article 40 alors en vigueur de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 dispose que : « Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à leur échéance lorsque l'activité est poursuivie. En cas de cession totale ou de liquidation ou lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance en cas de continuation, elles sont payées par priorité à toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception des créances garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail. Leur paiement se fait dans l'ordre suivant : 1° Les créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-3 du code du travail ; 2° Les frais de justice ; 3° Les prêts consentis par les établissements de crédit ... ; 4° Les sommes dont le montant a été avancé en application du 3° de l'article L. 143-11-1 du code du travail ; 5° Les autres créances, selon leur rang » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une priorité de paiement est attachée aux créances superprivilégiées de salaires qui, même lorsqu'elles sont antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective, l'emportent sur toutes les autres ; qu'ainsi, les frais de la procédure collective, qui constituent une créance née après le jugement d'ouverture de celle-ci et relèvent, par conséquent, des dispositions de l'article 40 précité de la loi du 25 janvier 1985, ne peuvent être payés par priorité aux éventuelles créances de salaires nées antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en l'absence de dispositions excluant les droits fixes dus aux mandataires judiciaires du champ d'application de ces dispositions, et alors même que l'article 21 précité du décret du 27 décembre 1985 prévoit que les droits fixes sont versés « sans délai », un mandataire judiciaire, tenu de payer par priorité les éventuels créanciers superprivilégiés sur les fonds disponibles, ne peut être regardé comme ayant, dès le jugement d'ouverture, la disposition juridique des sommes correspondant aux droits fixes qui lui sont dus ; que, par suite, même si M. X disposait de la signature sur les comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations destinés à recevoir les fonds des débiteurs qu'il représentait, et à supposer même que les comptes retenus par le vérificateur auraient présenté, au 31 décembre de chaque année, un solde au moins égal au montant des droits fixes dus, l'administration, qui ne se prévaut en l'espèce d'aucune négligence ni d'aucun retard anormal dans l'accomplissement par M. X de sa mission, ne pouvait valablement retenir comme recettes encaissées au titre de chacune des années 1993 et 1994 l'ensemble des droits fixes dus à raison des procédures ouvertes au cours de l'année mais non prélevés par M. X sur les fonds des débiteurs ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti à raison du rehaussement de ses recettes ;

En ce qui concerne les dépenses :

Considérant, en premier lieu, que, si M. X soutient que les dépenses de personnels afférentes à l'emploi d'un maçon et d'un manoeuvre ont été exposées pour la réalisation de travaux divers d'aménagement du cabinet qu'il venait d'ouvrir à Foix et que les dépenses d'acquisition de postes dits « citizen band » répondaient à des motifs de sécurité professionnelle, il n'apporte aucune justification de nature à établir la réalité de ses allégations ; que, par suite, les dépenses dont s'agit ne peuvent être regardées comme nécessitées par l'exercice de la profession au sens de l'article 93 du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X et ses collaborateurs ont utilisé cinq véhicules durant les années en litige, pour les besoins du fonctionnement du cabinet ; que le vérificateur, ayant constaté, après rapprochement entre, d'une part, les notes de carburant, lesquelles ne comportaient qu'un total mensuel non détaillé et ne mentionnaient pas les véhicules alimentés, et, d'autre part, le kilométrage réalisé déterminé à partir des factures d'acquisition et d'entretien, a constaté une consommation moyenne de près de 16 litres pour 100 kilomètres ; qu'estimant que cette consommation ne pouvait correspondre à la réalité, il a reconstitué les dépenses déductibles de carburant en appliquant aux kilomètres parcourus la consommation moyenne résultant des normes diffusées par l'Union technique de l'automobile, du motocycle et du cycle ; qu'après consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les moyennes de consommation admises par le service ont été relevées ; que, si M. X soutient qu'eu égard aux conditions de circulation sur les routes sinueuses de montagne dans le département de l'Ariège et compte tenu de l'usure des véhicules qu'il utilisait, la consommation de 16 litres pour 100 kilomètres apparaît normale, il n'apporte pas à l'appui de ses affirmations de précisions de nature à en établir la réalité ; que, par suite, l'administration a pu estimer que les dépenses de carburant dont il était fait état ne se rapportaient aux déplacements nécessités par l'exercice de la profession que dans la mesure correspondant à la consommation moyenne qu'elle a retenue conformément à l'avis de la commission susmentionnée ;

Considérant, enfin, que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de M. X une somme de 259 976 F que le contribuable avait déduite de ses recettes imposables au titre de l'année 1993 et qui correspondait à des détournements commis par un salarié au cours des années 1992 et 1993 au détriment du cabinet ; que ces détournements, qui consistaient en l'absence de remise en banque des chèques de recettes, ont porté sur dix opérations au cours de l'année 1993 et que cet employé, qui a également détourné d'importantes sommes sur des comptes de tiers placés sous la responsabilité de M. X, a opéré un total de cent vingt prélèvements irréguliers entre 1986 et 1993 pour un montant total de 3 465 001 F ; que ces malversations, eu égard à leur nature, leur répétition et leur importance, pouvaient être décelées par les contrôles que le contribuable devait exercer sur la tenue de sa comptabilité ; que, si les agissements commis par l'employé de M. X, pour ce qui est des comptes de tiers, ne sont pas concernés par le redressement, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'il en soit tenu compte pour apprécier le caractère décelable des détournements ; que, dans ces conditions, et alors même que M. X a porté plainte contre le salarié dès qu'il a eu connaissance de ces opérations, les conséquences de ces agissements ne peuvent être regardées comme correspondant à un risque lié à l'exercice normal de la profession ; qu'elles ne constituaient dès lors pas une perte déductible en application de l'article 93 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de ses demandes en ce qui concerne le rehaussement de ses recettes imposables au titre des années 1993 et 1994 et de la période correspondante ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à M. X la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 à raison de l'intégration dans ses recettes imposables de droits fixes dus mais non encore perçus.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 20 juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

5

N° 06BX02107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX02107
Date de la décision : 29/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : GUILLOT DE SUDUIRAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2009-01-29;06bx02107 ?
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