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23/12/2008 | FRANCE | N°07BX00636

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 23 décembre 2008, 07BX00636


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 21 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 0202613 du 5 décembre 2006 en tant qu'il a accordé à M. X la décharge du montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'

année 1996 à raison de la plus-value de cession de son fonds de commerce ;
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Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 21 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 0202613 du 5 décembre 2006 en tant qu'il a accordé à M. X la décharge du montant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de la plus-value de cession de son fonds de commerce ;

2°) de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de M. X ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2008 :

- le rapport de Mme Leymonerie, premier conseiller,

- les observations de Me Bouffard pour M. X,

- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité de loueur de fonds et de locaux aménagés à l'issue de laquelle l'administration a notamment imposé entre ses mains une plus-value réalisée en 1996 à la suite de la cession de son fonds de commerce que l'intéressé avait initialement regardée comme exonérée ; que M. X a contesté l'imposition de cette plus-value devant le tribunal administratif de Toulouse qui a fait droit à sa demande par un jugement du 5 décembre 2006 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait régulièrement appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : « Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait ou de l'évaluation administrative sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691 » ; que, selon l'article 202 bis du même code : « En cas de cession ou de cessation de l'entreprise, les plus-values mentionnées à l'article 151 septies ne sont exonérées que si les recettes de l'année de réalisation, ramenées le cas échéant à douze mois, et celles de l'année précédente ne dépassent pas le double des limites de l'évaluation administrative ou du forfait » ;

Considérant que M. X, propriétaire avec sa femme et exploitant d'un fonds de commerce de conserverie artisanale depuis le 1er septembre 1979, a donné ce fonds en location-gérance à la société Etablissements Michel X, au terme d'un bail conclu le 2 mars 1989, moyennant un loyer annuel de 300 000 francs ; que, par avenant du 18 janvier 1994, M. X a ramené à 240 000 francs le montant du loyer annuel ; qu'enfin, par acte du 20 avril 1996, M. X a vendu son fonds de commerce à la société Etablissements Michel X moyennant le prix de 1 600 000 francs ; que l'administration fiscale, estimant que la baisse de loyer était dépourvue de contreparties réelles, l'a remise en cause et tenu pour normal le loyer antérieurement consenti fixé à 300 000 francs, puis constatant que les recettes perçues par M. X excédaient les limites fixées par l'article 151 septies, elle a remis en cause l'exonération de la plus-value réalisée sur la vente du fonds de commerce ; que l'administration ne s'est pas prévalue du caractère fictif de l'avenant du 18 janvier 1994, mais s'est bornée à constater le caractère anormal du montant stipulé du nouveau loyer par rapport aux prestations fournies et aux contreparties obtenues ; qu'ainsi, elle n'a pas entendu dénoncer implicitement un abus de droit au sens des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que l'administration avait, en réalité, appliqué la procédure de l'abus de droit et privé le requérant des garanties attachées à cette procédure ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation... » ;

Considérant que la notification de redressement comporte une analyse des différents bilans de l'activité de M. X depuis la mise en location-gérance de son fonds de commerce et du chiffre d'affaires de la société Etablissements Michel X, qui a permis à l'administration de conclure à l'insuffisance du loyer résultant de l'acte 18 janvier 1994 ; qu'elle donne des précisions suffisantes sur les termes de comparaison utilisés pour établir le caractère anormal de l'évaluation du loyer stipulé ; qu'ainsi, l'administration a assorti la notification de redressement qu'elle a adressée à M. X d'une motivation lui permettant de formuler utilement ses observations ;

Considérant, en second lieu, que les irrégularités de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peuvent avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance que l'identification des sociétés, prises en référence par l'administration pour justifier l'évaluation qu'elle propose du loyer normal, a été rendue possible en raison de la description qui en a été faite au cours de la séance de la commission, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que M. X soutient que la baisse de loyer stipulée par l'avenant du 18 janvier 1994 était assortie de contreparties consistant en la vente de matériel pour un montant de 220 000 francs ; que, toutefois, ce matériel représentait, au 1er janvier 1994, seulement 4 % du total des immobilisations et sa cession ne saurait à elle seule expliquer une baisse de plus de 20 % du loyer alors que parallèlement la valeur des constructions mises à la disposition du locataire a été portée de 1 673 276 francs à 2 766 662 francs ;

Considérant, d'une part, que la baisse du loyer de 20 % prévue par l'acte du 18 janvier 1994 est intervenue alors que le bailleur, M. X, et le locataire, la société Etablissements Michel X dont M. X et son épouse détenaient toutes les parts, étaient en relations d'intérêts étroites et directes ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la méthode d'appréciation du loyer, fondée sur le rapport entre le montant de la redevance de location-gérance et le chiffre d'affaires annuel de la société, fait apparaître un pourcentage de 2,1 % pour la période de 1994 à 1996 du fait de l'exécution de l'avenant en litige, largement inférieur à celui de 4 % calculé antérieurement dans la même entreprise, et également à ceux constatés pour la location-gérance d'un fonds de conserverie de palmipèdes gras et d'un fonds de commerce de produits régionaux comparables à celui de M. X, qui étaient respectivement de 3,3 % et 5,4 % ; que le niveau normal du loyer annuel retenu par l'administration a été calculé à partir d'une norme intermédiaire de 3,84 %, conforme aux loyers des fonds de commerce de la profession ; qu'un tel pourcentage correspondait à un loyer réel d'un montant de 300 000 francs ; que M. X ne justifie pas que la norme retenue par l'administration serait exagérée en proposant de l'établir à partir de données postérieures à 1996, année de la cession ; que l'administration, ayant fourni des éléments chiffrés précis et non des moyennes, ne pouvait, sans méconnaître le principe du secret des affaires, livrer le nom des sociétés dont elle a produit les résultats cités ; que cette circonstance ne saurait faire regarder comme viciés la méthode de comparaison, le choix des références et les évaluations obtenues pour la détermination d'un niveau de loyer normal ;

Considérant qu'en établissant l'insuffisance du loyer stipulé dans l'acte de location-gérance, l'administration apporte la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion résultant de la renonciation de M. X à des revenus locatifs ; qu'elle était par suite fondée à arrêter le loyer perçu par M. X au montant de 300 000 francs correspondant d'ailleurs au loyer initialement stipulé ; qu'ayant constaté que les revenus de M. X au titre des années 1994 et 1995 étaient portés à un montant qui excédait le plafond fixé par l'article 202 bis précité, elle a pu remettre en cause l'exonération de la plus-value de cession de son fonds de commerce dont M. X avait bénéficié au titre de l'année 1996 ;

Sur les pénalités :

Considérant que, dès lors qu'elles prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement du contribuable et que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, peut décider soit de maintenir et d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci selon la gravité de la faute commise par le contribuable, soit s'il estime que l'administration n'établit ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que les intérêts de retard, les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas contraires avec les exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'il prescrit la proportionnalité des peines et des délits ;

Considérant qu'en indiquant que M. X avait délibérément mis en oeuvre des opérations de nature à éluder tout ou partie de l'impôt alors qu'il ne pouvait ignorer le caractère anormal du loyer qu'il avait consenti à son entreprise, l'administration doit être regardée comme ayant établi la mauvaise foi du contribuable ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les compléments d'impôt ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à M. X la décharge du montant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social, à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale et des pénalités y afférentes auxquelles il avait été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de la plus-value de cession de son fonds de commerce ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, au prélèvement social, à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale ainsi que les pénalités y afférentes auxquelles M. X avait été assujetti au titre de l'année 1996 à raison de la plus-value de cession de son fonds de commerce sont intégralement remises à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 0202613 en date du 5 décembre 2006 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant au versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 07BX00636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 07BX00636
Date de la décision : 23/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Françoise LEYMONERIE
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : GASQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-12-23;07bx00636 ?
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