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11/07/2008 | FRANCE | N°06BX02441

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 11 juillet 2008, 06BX02441


Vu la requête, enregistrée au greffe le 4 décembre 2006, présentée pour la SARL LE SWING, représentée par son gérant, dont le siège est situé au 42 bis rue Suffren à Saint-Paul (97460) ;

La SARL LE SWING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 11 octobre 2006, par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté, d'une part, ses conclusions principales tendant à la décharge, en droits et pénalités, à hauteur de 59 900 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la pério

de correspondant aux exercices clos en 2000 et 2001, d'autre part, ses conclusions ...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 4 décembre 2006, présentée pour la SARL LE SWING, représentée par son gérant, dont le siège est situé au 42 bis rue Suffren à Saint-Paul (97460) ;

La SARL LE SWING demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 11 octobre 2006, par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté, d'une part, ses conclusions principales tendant à la décharge, en droits et pénalités, à hauteur de 59 900 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2000 et 2001, d'autre part, ses conclusions subsidiaires tendant à la seule décharge, en droits et pénalités, à hauteur de 39 648,37 euros, desdits rappels ;

2°) de faire droit à cette demande ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2008 :

- le rapport de M. Labouysse, conseiller ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL LE SWING, qui exploite une discothèque à Saint-Gilles-les-Bains sur l'île de la Réunion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, qui s'est déroulée du 24 août au 13 novembre 2001 et qui a porté sur les exercices 1998, 1999, 2000 et 2001 ; qu'à l'issue de ces opérations de contrôle, l'administration, ayant rejeté comme dénuée de valeur probante la comptabilité de la société au titre de ces exercices, a reconstitué les recettes de son activité d'exploitation d'une discothèque ; que la société a contesté les redressements opérés en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période couvrant ces exercices ; que, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie de cette contestation, l'administration a abandonné les redressements opérés au titre de la période correspondant aux exercices clos en 1998 et 1999, et a maintenu ceux portant sur celles couvrant les exercices clos les 29 février 2000 et 28 février 2001 ; que la SARL LE SWING fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de ces dernières périodes, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

Sur les redressements opérés en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'exercice clos le 29 février 2000 :

Considérant, en premier lieu, que l'administration, qui ne conteste pas la régularité en la forme de la comptabilité afférente à l'exercice clos le 29 février 2000, invoque, pour établir le défaut de caractère probant de cette comptabilité, d'une part, l'existence d'incohérences dans les achats et les stocks qui révèleraient un certain nombre d'achats non comptabilisés ; que, toutefois, les seuls exemples donnés, qui portent sur des sommes modiques au regard du volume d'achats réalisés par la société, sont tirés de factures qui, si elles sont afférentes à des opérations non retranscrites dans la comptabilité, ont été émises durant l'exercice clos au 28 février 1999, lequel n'est pas en litige ; que, si l'administration invoque, d'autre part, le caractère « incroyable » du niveau moyen du solde de caisse mensuel qui atteint 406 733 F au 30 octobre 1999 et 89 414 F au 28 février 2000, ainsi que des incohérences ressortant de la comparaison entre le montant des ventes déclarées par la société et le nombre d'entrées qu'elle a répertoriées, dans la mesure où elle aboutit à une moyenne de 1,11 consommation par entrée, ce qui apparaît, selon ses dires « invraisemblable » compte tenu du prix « modique » des boissons au bar, ces « anomalies » ne suffisent pas à dénier à la comptabilité de la société son caractère probant ; qu'en deuxième lieu, si, pour regarder la comptabilité de la société comme dépourvue de pièces justificatives, l'administration invoque des lacunes dans le fonctionnement de la billetterie, les constatations à partir desquelles elle les a identifiées ont été effectuées lors d'un contrôle conjoint de la brigade d'intervention des douanes et de la brigade de contrôle et de recherches des impôts à l'occasion d'une seule soirée, le 13 mai 2000, soit au cours de l'exercice clos le 28 février 2001 ; que ne peuvent être également retenus, pour ôter son caractère probant à la comptabilité litigieuse, le défaut d'enregistrement comptable de la créance de loyers détenue par la société sur l'exploitant d'un snack-bar et l'emploi d'un salarié non déclaré, qui ont été également constatés à l'occasion du contrôle mené au cours de la soirée du 13 mai 2000 et qui ne permettent pas, par eux-mêmes, d'écarter la comptabilité afférente à la discothèque ; que l'administration ne justifie pas, dans ces conditions, comme il lui incombe, de l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de l'exercice clos le 29 février 2000 ; que, par suite, il lui incombe d'apporter la preuve du bien-fondé des rappels en litige au titre de la période correspondant à cet exercice, preuve qu'elle n'apporte pas par la reconstitution théorique des recettes de la société à laquelle elle a procédé ; que, dès lors, la SARL LE SWING doit être déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de cette période ;

Sur les redressements opérés en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'exercice clos le 28 février 2001 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le vérificateur ne pouvait régulièrement procéder à un redressement des bénéfices industriels et commerciaux de l'exercice clos le 28 février 2001 est inopérant à l'appui des conclusions présentées, qui portent exclusivement sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en second lieu, que la société soutient que le vérificateur n'était pas fondé à retenir des éléments tirés des redressements opérés en matière de bénéfices industriels et commerciaux pour regarder sa comptabilité comme dénuée de valeur probante ; que, toutefois, lorsque la comptabilité d'une entreprise présente au titre d'un exercice déterminé, comme il sera dit ci-dessous, de graves irrégularités, l'administration peut, à partir de la reconstitution du même chiffre d'affaires, aussi bien rectifier les déclarations des contribuables en matière de bénéfices industriels et commerciaux que les déclarations de chiffre d'affaires imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait irrégulièrement étendu les limites de la vérification, dont il résulte de l'instruction qu'elle a porté tant sur les bénéfices industriels et commerciaux que sur la taxe sur la valeur ajoutée, doit être écarté ;

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :

Considérant qu'il est constant que le contrôle de la billetterie mené au cours de la seule soirée du 13 mai 2000 a révélé l'absence de registre d'utilisation de billets, l'absence du nom de l'imprimeur sur les billets, des entrées sans délivrance de billets, ainsi que la pratique, sur une partie des billets délivrés, d'un système de double billetterie ; que la SARL LE SWING, qui ne conteste pas que de telles irrégularités aient pu être commises, soutient en revanche qu'elles ont été relevées au cours d'une seule soirée qui, organisée par une association à qui elle avait mis à disposition la salle, le personnel, l'installation technique et le service gardiennage, présenterait un caractère exceptionnel, et que lesdites irrégularités sont exclusivement imputables à cette association qui était chargée de la billetterie ; que, toutefois, alors qu'il est constant que les recettes de la société sont procurées, à titre principal, par les entrées et les consommations au bar, et à titre accessoire, par la vente de cigarettes et la location de la salle, cette mise à disposition au cours de la soirée du 13 mai 2000 a fait l'objet, non d'un contrat de location, mais d'une convention de partenariat entre la société et l'association en vertu de laquelle était prévu un partage égal des recettes perçues sur les entrées et les consommations ; que la société ne justifie pas que ce mode d'exploitation de la discothèque revêtait un caractère exceptionnel ; qu'en outre, l'organisation de telles soirées, à l'issue desquelles s'opère un partage de recettes entre les organismes utilisateurs de l'établissement et la société, n'exonérait pas cette dernière de sa responsabilité en matière de délivrance régulière des billets, de sorte que les anomalies de la billetterie ne sauraient être exclusivement imputées à l'organisme assurant l'organisation et la promotion de ce type de soirée ; que les seules irrégularités constatées au cours de la soirée du 13 mai 2000 suffisent à établir le défaut de caractère probant de la comptabilité de la SARL LE SWING au titre de l'exercice clos le 28 février 2001 ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que l'administration apporte, ainsi qu'il vient d'être dit, la preuve que la comptabilité de la SARL LE SWING comportait pour l'exercice litigieux de graves irrégularités ; que les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il appartient à la société requérante de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes provenant des entrées de la discothèque au titre de l'exercice clos le 29 février 2001, le vérificateur a, au regard de la pratique de la double billetterie révélée lors de la soirée du 13 mars 2000, multiplié par deux les recettes déclarées par la société ; que les montants non comptabilisés des recettes correspondant aux consommations ont été obtenus en multipliant la recette moyenne par consommation payante par le nombre de consommations payantes dissimulées ; que la recette moyenne par consommation payante a été obtenue en divisant le montant des recettes déclarées tant au titre de la consommation payante à laquelle donnait droit la délivrance d'un billet entrée qu'au titre des consommations supplémentaires réglées au bar, par le nombre d'entrées comptabilisé par la société ; que le nombre de consommations payantes dissimulées a été obtenu en soustrayant le nombre de consommations payantes déclaré par la société du nombre total de consommations payantes reconstitué par le vérificateur à partir des achats d'alcools comptabilisés, des doses servies et des tarifs pratiqués par la société ;

Considérant que la SARL LE SWING peut, soit critiquer la méthode d'évaluation retenue par l'administration en vue de démontrer qu'elle aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit soumettre à l'appréciation du juge une autre méthode permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration ;

Considérant, en premier lieu, que, dans sa critique apportée à la méthode ainsi décrite suivie par l'administration, la SARL LE SWING n'a pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, contesté le nombre de consommations alcoolisées déclarées retenu par le vérificateur, et n'a pas, comme ils l'ont encore souligné, démontré le caractère exagéré de l'évaluation de son chiffre d'affaires en se bornant à soutenir que cette exagération résulterait d'une sous-évaluation du volume des doses réellement servies et du taux d'abattement de 25 % qu'il convient d'appliquer sur le chiffre d'affaires, alors qu'elle ne justifie pas de la pertinence des chiffres dont elle se prévaut et qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a recouru aux données recueillies auprès du gérant lors du débat et des constatations effectuées sur place ; que si la société soutient que les entrées payantes ouvriraient droit à deux consommations payantes, l'une alcoolisée et l'autre non alcoolisée, elle n'établit pas la réalité de cette allégation qui est en outre contredite par l'affirmation selon laquelle son système de tarification a changé en avril 2000, date à partir de laquelle seuls des billets ne donnant plus droit à des consommations ont été délivrés, ce dont le vérificateur a tenu compte ; qu'en second lieu, le tribunal a considéré que la méthode alternative que proposait la société, et qui reposait sur la prise en compte des données qu'elle reprochait au vérificateur de ne pas avoir intégré, n'était pas susceptible d'apporter une meilleure approximation des résultats de son activité ; qu'en appel, la société requérante reprend, en ce qui concerne la méthode qu'elle propose, une argumentation identique à celle formulée devant les premiers juges et n'apporte pas plus devant la cour que devant le tribunal les justificatifs des données qu'elles reprochaient au vérificateur de ne pas avoir pris en compte et qui ont été intégrées pour l'élaboration de la méthode qu'elle propose ; que, par suite, la SARL LE SWING, qui ne justifie ni des critiques formulées à l'encontre de la méthode de reconstitution suivie par le vérificateur, ni de la pertinence de sa propre méthode, n'apporte pas la preuve de l'exagération des impositions encore en litige ;

Sur les pénalités dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été assortis de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 40 % prévue en cas de mauvaise foi par l'article 1729 du même code ; que l'administration a, au cours de la période qui a donné lieu aux rappels de taxe sur lesquels portent les pénalités en litige, mis à jour, comme il a été dit plus haut, de graves irrégularités comptables commises par la SARL LE SWING ; que des irrégularités avaient été également relevées lors de plusieurs opérations de contrôle menées, révélant notamment des anomalies dans le fonctionnement de la billetterie, et qui ont abouti à des redressements fondés sur d'importantes omissions de recettes ainsi qu'à l'infliction de pénalités pour manoeuvres frauduleuses compte tenu de la mise à jour d'un système de double billetterie, d'achats sans factures, et d'apports en espèces importants sur un compte courant ; que, par suite, en faisant valoir l'importance des omissions constatées et le caractère répétitif de ces infractions, et nonobstant l'abandon des redressements opérés au titre des trois exercices antérieurs à celui encore en litige, l'administration établit que la société a délibérément cherché à éluder l'impôt et justifie ainsi que lui soient infligées, au titre de ce seul exercice, les pénalités de mauvaise foi prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LE SWING est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ne lui a pas accordé la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant à l'exercice clos le 29 février 2000 ;

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé à la SARL LE SWING la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période correspondant à l'exercice clos le 29 février 2000, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, en date du 11 octobre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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No 06BX02441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX02441
Date de la décision : 11/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. David LABOUYSSE
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : TARDAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-07-11;06bx02441 ?
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