Vu le recours enregistré le 4 juillet 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société civile d'exploitation agricole (SCEA) de la Forêt a été assujettie au titre de la période allant de mai 1995 à mars 1999, ainsi que de la taxe d'apprentissage à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant de janvier 1997 à décembre 1998 ;
2°) de remettre à la charge de la SCEA de la Forêt les compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant de mai 1995 à mars 1999 ainsi que la taxe d'apprentissage à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 ;
3°) à titre subsidiaire, de remettre à la charge de la SCEA de la Forêt le supplément de taxe sur la valeur ajoutée dû au titre du mois de mars 1999 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2008 :
- le rapport de M. Margelidon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCEA de la Forêt n'a demandé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant de mai 1995 à mars 1999 qu'en tant qu'ils procèdent de la requalification par l'administration de son activité en activité commerciale et des conséquences que cela entraîne quant à l'exigibilité de la taxe ; qu'elle n'a pas contesté lesdits rappels en tant qu'ils procèdent de la remise en cause par l'administration d'une déduction prématurée de taxe sur la valeur ajoutée, soit un montant en droits et pénalités de 1 788 euros ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi en accordant la décharge des rappels correspondant à ce chef de redressement, et que les droits et pénalités correspondant audit chef de redressement doivent être remis à la charge de la SCEA de la Forêt ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : « 1. Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée se produit : a. au moment où la livraison, l'achat au sens du 10° de l'article 257, l'acquisition intracommunautaire du bien où la prestation de service est effectué.... 2. La taxe est exigible : a. pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur.... » ; qu'en vertu du 2° de l'article 298 bis du même code, relatif aux conditions d'exigibilité de la taxe pour ce qui concerne les ventes effectuées par les exploitants agricoles, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison desdites ventes intervient lors de l'encaissement des acomptes ou du prix ;
Considérant que, pour prononcer la décharge contestée, les premiers juges ont estimé que les opérations réalisées par la SCEA de la Forêt aux fins de commercialisation de bonsaïs importés de Chine, eu égard, d'une part, aux moyens mis en oeuvre tant en termes de personnel que d'infrastructures au sein de l'exploitation, d'autre part, à la complexité et à l'importance des soins apportés à des arbustes en état de « régression végétale » lors de leur livraison à la société, devaient être regardées comme s'inscrivant dans le cycle de production desdits arbustes et relevaient, dès lors, d'une activité agricole ; qu'ils ont estimé, par voie de conséquence, que l'exigibilité de la taxe litigieuse intervenait lors de l'encaissement, conformément aux dispositions précitées de l'article 298 bis-I-2° du code général des impôts, et non pas lors de la livraison des biens ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 269 dudit code ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les bonsaïs importés de Chine par la SCEA de la Forêt ont atteint, lors de leur production en Chine, le stade terminal de développement permettant leur commercialisation ; que l'intervention de la société se borne à réparer l'altération causée par les conditions dans lesquelles ces arbustes ont été transportés ; que la circonstance que ceux-ci se trouvent, lors de leur livraison à la société, en état de « régression végétale » ne saurait signifier qu'un nouveau cycle de production s'avère nécessaire ; que les importants soins et moyens mis en oeuvre par la société n'ont d'autre objet que de réparer l'impact perturbateur du transport et de reconditionner l'arbuste en vue de sa commercialisation ; que les opérations réalisées par la société ne peuvent, par suite, être regardées comme s'inscrivant dans un cycle biologique de production agricole ; que, par suite, les ventes réalisées par elle au cours de la période en litige ne peuvent être regardées comme étant au nombre de celles visées par les dispositions précitées de l'article 298 bis du code général des impôts ; que, par suite, l'exigibilité de la taxe afférente auxdites opérations est, contrairement à ce qu'à jugé le tribunal administratif, constituée non par l'encaissement du prix mais par la livraison du bien, ainsi que le prévoient les dispositions également précitées de l'article 269 dudit code ; qu'il en résulte, en l'absence de moyens sur lesquels il y ait lieu de statuer en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander que soient remis à la charge de la société les rappels de taxe provenant des redressements opérés à raison de la requalification de la nature des opérations effectuées par la société ;
Sur la taxe d'apprentissage :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 206 du code général des impôts que les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 dudit code ; que l'article 34 vise notamment les bénéfices provenant d'une profession commerciale ; qu'aux termes de l'article 224 du même code: « 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit est inscrit au budget de l'Etat pour y recevoir l'affectation prévue par la loi. 2. Cette taxe est due.... 2° par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du code général des impôts....;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que l'activité de la SCEA de la Forêt doit être regardée comme présentant le caractère, non pas d'une activité agricole, mais d'une activité commerciale ; que, par suite, en vertu des dispositions combinées des articles 224 et 206 du même code, ladite société est redevable de la taxe d'apprentissage ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SCEA de la Forêt a été assujettie au titre de la période allant de mai 1995 à mars 1999 ainsi que de la taxe d'apprentissage à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant de janvier 1997 à décembre 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SCEA de la Forêt la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 14 février 2006 est annulé.
Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels a été assujettie la SCEA de la Forêt au titre de la période allant de mai 1995 à mars 1999 sont intégralement remis à sa charge, ainsi que la taxe d'apprentissage à laquelle cette même société a été assujettie au titre de la période allant de janvier 1997 à décembre 1998.
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No 06BX01409