Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 août 2006 sous le n° 06BX01705, présentée pour M. Jean-Luc Y et Mlle Mégane Y demeurant à ..., pour Mme Françoise X demeurant ..., pour M. Aurélien Y demeurant ... et pour Mlle Emilie Y demeurant ... par Maître Roger Morand-Monteil, avocat ; M. Y et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 11 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Carcans et subsidiairement du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde à réparer le préjudice moral subi par chacun d'eux consécutivement au décès accidentel par noyade le 16 août 1997 de Cindy Y ;
2°) de condamner solidairement la commune de Carcans et le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde à payer à titre de dommages et intérêts une somme de 22.500 euros chacun à M. Jean-Luc Y et Mme Françoise X et une somme de 4.500 euros chacun à M. Aurélien Y, à Melle Mégane Y et à Melle Emilie Y ;
3°) de condamner solidairement la commune de Carcans et le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde à leur verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008,
- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller ;
- les observations de Me Baillot substituant Me Dufranc, avocat de la commune de Carcans et de Me Ruffié, avocat du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde ;
- et les conclusions de Mme Balzamo, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 16 août 1997, la jeune Cindy Y, âgée de dix ans, marchait sans bouée ni flotteur dans la zone de baignade surveillée du lac de Carcans-Maubuisson en compagnie de sa cousine, Emilie, âgée de onze ans lorsqu'elle a perdu pied et s'est noyée ; que, par jugement du 11 juillet 2006, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. Jean-Luc Y, père de la victime, de Mme Françoise X, sa mère, de M. Aurélien Y, son frère, de Mlles Mégane et Emilie Y, ses soeurs, tendant à la condamnation de la commune de Carcans, et subsidiairement, à la condamnation solidaire du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde, à réparer leur douleur morale ; que M. Y et autres interjettent appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics communaux : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : La prescription est interrompue par (...)/ Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance./ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'en vertu de ce dernier article, une plainte avec constitution de partie civile interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu'elle porte sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance sur une collectivité publique ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 8 juillet 2000 les consorts Y se sont constitués parties civiles dans le cadre des poursuites pénales engagées contre le chef de poste, Mlle Agnès Durand, et le maire de la commune de Carcans ; que cette plainte doit être regardée comme relative à la créance des consorts Y sur la commune de Carcans ; qu'elle a, de ce fait, interrompu le cours de la prescription quadriennale en vertu des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; qu'ainsi, la créance des consorts Y n'était pas prescrite le 27 juin 2003, date à laquelle ils ont réclamé à la commune le versement d'indemnités en réparation des préjudices moraux subis ; que dès lors, les consorts Y sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande au motif que le maire de la commune de Carcans pouvait à juste titre, par une décision en date du 28 avril 2006, opposer à leurs créances la prescription quadriennale ;
Considérant, toutefois, qu'en vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet, notamment, de prévenir par des précautions convenables les accidents et de les faire cesser par la distribution des soins nécessaires ; qu'il incombe aux communes qui ont aménagé sur leur territoire des plans d'eau destinés à la baignade et aux sports nautiques d'une part, de prendre les mesures appropriées en vue d'assurer la sécurité des usagers et plus particulièrement des baigneurs et d'autre part, de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir » ; qu'aux termes de l'article L. 2213-23 du même code : Le maire exerce la police des baignades (...) Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades (...) sont réglementées (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux d'audition du chef de poste et des maîtres nageurs ainsi que des constatations des gendarmes que l'étang de Carcans est un plan d'eau artificiel dont le fond est sableux, ce qui rend l'eau trouble, mais dont la profondeur ne varie pas en l'absence de courant et de mouvements de sol ; que la zone de baignade surveillée où s'est produit l'accident est délimitée par des lignes de baignade et des balises et présente une déclivité progressive pour atteindre une profondeur maximale approximative de deux mètres à environ 60 mètres du bord de l'étang ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'interdit d'inclure dans les limites d'une baignade surveillée des zones où un enfant n'a pas pied ; que l'accroissement progressif, même rapide, de la profondeur du plan d'eau au lieu de l'accident n'excédait pas les dangers auxquels un baigneur doit s'attendre et ne nécessitait, par suite, pas la mise en place d'une signalisation particulière ; que, par ailleurs, au moment de la noyade, la zone de baignade était surveillée par un maître nageur ; que, dans ces conditions, ni la commune de Carcans ni le service départemental d'incendie et de secours n'ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité lors de l'accident de Cindy, qui est exclusivement imputable au fait que celle-ci est partie se baigner, sans savoir nager, dépourvue de flotteurs, et a avancé dans l'eau jusqu'au menton, accompagnée de sa seule cousine, pour ensuite perdre pied et se noyer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Carcans et le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer aux requérants la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à la commune de Carcans ni au service départemental d'incendie et de secours de la Gironde ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 06BX01705 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Carcans et du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 06BX01705