Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2006, présentée pour M. et Mme Marc Y, demeurant ..., par Me de Marolles ; M. et Mme Y demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500951 du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1997 et 1998, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 :
- le rapport de Mme Leymonerie, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y était, au cours des années 1997 et 1998 en litige, dirigeant de la SELAFA Cabinet Dugois, qui exerçait l'activité d'avocat à Paris et à Parthenay (Deux ;Sèvres) et dont il détenait 98 % du capital, et gérant de la société civile immobilière de la Guyonnière qui donnait des locaux en location à la SELAFA et dont il détenait la totalité des parts sociales ; que M. et Mme DUGOIS ont fait l'objet, en 2000, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1997 et 1998 ; que, simultanément, la SELAFA a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices correspondant à ces années ; que M. et Mme DUGOIS demandent l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1997 et 1998 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en vertu du V de l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale, les différends nés de l'assujettissement à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social de 2 % sur les revenus d'activité relèvent du contentieux de la sécurité sociale ; que, par suite, c'est à tort que le jugement attaqué a retenu la compétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur la demande en décharge de ces impositions relatives aux sommes qualifiées de salaires ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement en tant qu'il a statué sur ces contributions sociales mises à la charge de M. et Mme DUGOIS ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. et Mme DUGOIS devant le tribunal administratif en tant qu'elles concernent ces contributions sociales ;
Considérant que les conclusions des requérants tendant à la décharge des compléments de contribution sociale généralisée, de contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % relatives aux sommes qualifiées de salaires doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre, dans la même rédaction : « La notification de redressement (…) fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification » ;
Considérant, d'une part, que la notification de redressement adressée le 22 juin 2000 à M. et Mme DUGOIS indiquait les raisons pour lesquelles une partie du montant des loyers n'était pas déductible des charges de la SELAFA Cabinet Dugois, soit 67 532 francs en 1997 et 69 909 francs en 1998 ; que le montant de ces sommes initialement regardées par l'administration comme des revenus distribués, puis qualifiées d'avantages en nature au profit de M. DUGOIS dans la décision du 9 février 2005 du directeur des services fiscaux statuant sur la réclamation préalable des requérants, était mentionné dans la notification en tant que loyers non déductibles pour la société ;
Considérant, d'autre part, que la même notification de redressement indiquait le montant des frais de mission et de réception et des indemnités kilométriques considérés comme non déductibles des résultats de la SELAFA Cabinet Dugois et le motif de ce rejet ; qu'ainsi, la notification de redressement était suffisamment motivée pour permettre aux requérants de présenter utilement leurs observations ;
Considérant, en outre, que le service a, en application de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, en ce qui concerne les avantages en nature, substitué à la qualification de revenus de capitaux mobiliers celle de traitements et salaires ; que cette substitution n'a pas eu pour effet de priver M. DUGOIS d'une garantie dès lors qu'il avait été mis à même de discuter du principe de l'imposition et du montant des sommes retenues ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition du livre des procédures fiscales que les sommes taxées comme traitements et salaires puissent être soumises à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, pas plus que celles qui l'ont été comme revenus de capitaux mobiliers ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les traitements et salaires :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 82 du code général des impôts : « Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires (…), ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires (…) proprement dits (…) » ;
Considérant que M. DUGOIS ne conteste pas s'être réservé l'usage personnel d'une partie de l'appartement sis 14 rue Jean Richepin à Paris, donné en location à la SELAFA par la société civile immobilière de la Guyonnière, mais fait valoir que le montant du loyer taxé, soit 67 532 francs et 69 909 francs, au titre respectivement des années 1997 et 1998, a été surévalué par le service ;
Considérant, toutefois, que le vérificateur a estimé à 10 % de la surface de l'appartement de 200 m2, celle de la pièce que M. DUGOIS réservait à son usage privatif ainsi que celle de la salle de bains et de la cuisine dont il n'avait pas l'usage privatif et a donc fixé à 10 % du montant du loyer l'avantage en nature en résultant ; que M. DUGOIS, qui n'allègue pas que la surface retenue est inférieure à 20 m2, ne saurait soutenir que le montant de cet avantage en nature serait nul au motif que l'appartement est à usage professionnel, dès lors que le montant du loyer retenu par l'administration, soit respectivement 5 627,67 francs et 5 825,75 francs par mois pour 1997 et 1998, peut être regardé comme justifié, pour l'usage à titre d'habitation, dans ce quartier et dans cet immeuble, d'une pièce, d'une salle de bains et d'une cuisine, même à titre non exclusif pour ces dernières, qui offrent la commodité de se trouver dans le même appartement que le lieu d'exercice professionnel, et ont dispensé M. DUGOIS de prendre en location un local dans un autre immeuble ; qu'ainsi, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de la juste estimation du montant de cet avantage en nature ;
S'agissant de l'application de la doctrine administrative :
Considérant que la doctrine administrative 4 A 223 prévoit : « 23. Lorsqu'un exploitant ou un membre de sa famille habite dans un immeuble faisant partie de l'actif de l'entreprise, il convient de rapporter aux produits bruts entrant en compte pour la détermination du bénéfice imposable, une somme représentant la valeur locative réelle, au cours de la période d'imposition considérée, des locaux réservés à cet usage … En effet, aux termes de l'article 38 du code précité, le bénéfice commercial imposable est déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature, effectuées par les entreprises. Or ces opérations comprennent, notamment, le produit de l'avantage en nature que retire un exploitant de l'utilisation privative d'un immeuble inscrit à l'actif de son entreprise … 25. D'une façon plus générale, lorsque la société consent un abandon de loyer au profit de l'un des membres occupant ainsi, à titre gratuit, un immeuble inscrit à l'actif social, il convient de réintégrer dans les résultats de l'entreprise le montant du loyer que celle-ci aurait dû normalement demander à l'intéressé » ;
Considérant que M. et Mme DUGOIS ne sauraient se prévaloir de ladite instruction qui ne vise que les immeubles inscrits à l'actif social alors que l'immeuble en cause avait été pris en location ;
En ce qui concerne l'imposition des avantages en nature en tant que revenus distribués dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
S'agissant du principe de l'imposition en application de l'article 111 c du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : « Les contribuables visés à l'article 53 A (…) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel » ; et qu'aux termes de l'article 111 du même code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : (…) c. Les rémunérations et avantages occultes (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société qui comptabilise indistinctement, dans son compte de frais généraux, des avantages en nature accordés à des membres de son personnel ne respecte pas les conditions posées par l'article 54 bis précité ; que ces avantages revêtent de ce fait un caractère occulte et sont constitutifs, pour ceux qui en bénéficient, de revenus distribués ;
Considérant que les sommes en litige ont été comptabilisées par la SELAFA Cabinet Dugois dans un compte de frais généraux ; qu'elles ne peuvent donc être regardées comme ayant été inscrites en comptabilité sous une forme explicite ;
S'agissant des frais de mission et de réception :
Considérant que M. et Mme DUGOIS se bornent à soutenir que les sommes en litige incluent des frais d'hôtel, d'avion, de péage, des notes de restaurants d'établissements proches des lieux de travail, sans apporter aucune précision quant aux montants concernés et à l'objet des déplacements en cause ; qu'aucune des pièces produites ne permet de justifier que ces charges ont été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, compte tenu de la proximité des restaurants dont émanent les notes de frais avec les cabinets principal et secondaire de M. DUGOIS et de l'absence d'indication sur les notes du nom des convives ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé du redressement litigieux ;
En ce qui concerne les indemnités kilométriques :
Considérant, s'agissant des indemnités kilométriques, que la société disposait de deux véhicules inscrits dans ses immobilisations dont elle prenait en charge la quasi-totalité des frais d'entretien ; que la société versait à ses collaborateurs des indemnités kilométriques à raison de l'utilisation par ceux-ci de leurs véhicules personnels ; que, toutefois, il n'a été produit aucun élément relatif à l'usage par M. DUGOIS de son véhicule personnel à des fins professionnelles ; que ces constatations justifient le bien-fondé de la réintégration des indemnités kilométriques dans les résultats de la société ; que la circonstance qu'en 1998 aucune charge de carburant pour les véhicules de la société n'a été comptabilisée n'est pas de nature à établir que M. DUGOIS aurait utilisé son véhicule personnel pour les besoins du cabinet ; que, de même, au titre de l'année 1997, M. DUGOIS ne saurait invoquer la faiblesse du nombre de kilomètres parcourus résultant des écritures comptables faute de toute justification que l'activité du cabinet aurait nécessité des déplacements plus importants ; qu'enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'administration aurait admis des frais de péage ne saurait valoir prise de position formelle de sa part sur le nombre total de kilomètres parcourus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme DUGOIS ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. et Mme DUGOIS la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0500951 en date du 23 mars 2006 du Tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à la décharge de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % relatives aux sommes qualifiées de salaires.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme DUGOIS tendant à la décharge de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % relatives aux sommes qualifiées de salaires sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme DUGOIS est rejeté.
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N° 06BX00996