Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 janvier 2006, présentée pour Mme Micheline X, demeurant ..., par Me Nassif ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0402598, en date du 17 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Charente à lui verser des indemnités de 4 390,10 et 39 510 euros en réparation des conséquences dommageables de la décision du président du conseil général de ce département du 14 mai 2003 prononçant son licenciement ;
2°) à titre principal, de condamner le département de la Charente à lui verser lesdites sommes en déclarant son licenciement à la fois irrégulier en la forme et abusif ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le département de la Charente à lui verser une indemnité de 39 510 euros au titre de sa responsabilité sans faute ;
4°) en tout état de cause, de condamner le département de la Charente à lui verser la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 94-909 du 14 octobre 1994 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2007 :
- le rapport de M. Zupan, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme Micheline X relève appel du jugement, en date du 17 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Charente à lui verser des indemnités de 4 390,10 et 39 510 euros en réparation des conséquences dommageables de la décision du président du conseil général de ce département du 14 mai 2003 prononçant son licenciement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que Mme X ne s'est pas bornée, dans son mémoire introductif d'instance, à reproduire intégralement et exclusivement ses écritures de première instance, mais y a développé une critique du jugement attaqué ; que la requête satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables en cause d'appel, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé de faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, que la demande présentée par Mme X au Tribunal administratif de Poitiers tendait seulement à la réparation des conséquences dommageables de la décision du 14 mai 2003, mettant fin à son engagement, par le département de la Charente, en qualité d'assistante maternelle, et ne comportait pas de conclusions tendant à l'annulation de cette décision ; que ladite demande, précédée d'une réclamation préalable en date du 22 juillet 2004, ne saurait dès lors se voir opposer l'expiration du délai du recours pour excès de pouvoir que la notification de cette décision a fait courir, non plus d'ailleurs, en application du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, et faute pour le président du conseil général de la Charente d'avoir expressément rejeté la réclamation susmentionnée, qu'aucun autre délai d'action ;
Considérant, en second lieu, que si Mme X s'est prévalue, devant le Tribunal administratif de Poitiers, du préjudice moral résultant de l'irrégularité de la procédure de licenciement dont elle a fait l'objet, ce préjudice n'est pas d'une nature distincte de ceux dont elle a demandé la réparation dans sa réclamation préalable du 22 juillet 2004, alors même, d'une part, qu'il a été chiffré séparément dans ses écritures et que, d'autre part, ladite réclamation invoquait seulement le caractère « abusif », sur le fond, de la décision contestée du 14 mai 2003 ; qu'ainsi, le département de la Charente n'est pas fondé à opposer le défaut de liaison, sur ce point, du contentieux ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 773-7 du code du travail, rendu applicable aux assistantes maternelles des collectivités publiques par l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à une personne relevant du présent chapitre qu'il employait depuis trois mois au moins doit notifier à l'intéressée sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception » ;
Considérant que la décision contestée du 14 mai 2003, qui fait suite à l'échéance anticipée, à compter du 11 avril 2003, des contrats d'accueil afférents à la garde des trois enfants que le département de la Charente avait confiés à Mme X, est motivée par le fait que la sécurité de ces enfants n'était plus assurée au domicile de l'intéressée ; qu'il est constant que le président du conseil général de la Charente a ainsi entendu tirer les conséquences de la suspicion d'abus sexuels imputés au fils de la requérante, en raison de déclarations faites quelques semaines plus tôt, auprès d'une infirmière du centre hospitalier Camille Claudel de La Couronne, par l'un de ces enfants, suivi dans cet établissement ; que, ladite décision de licenciement revêtant ainsi le caractère d'une mesure prise en considération de la personne de son destinataire, le président du conseil général de la Charente se devait nécessairement, en l'absence même de toute disposition du code du travail l'imposant expressément, de la faire précéder d'une procédure contradictoire, afin de mettre Mme X à même de faire utilement valoir ses observations, et l'avisant, par conséquent, des faits qui lui étaient reprochés ; que, cependant, ni les courriers par lesquels l'intéressée a été informée du retrait définitif des enfants dont elle avait la garde, ni la lettre du président du conseil général du 18 avril 2003 l'informant de ce qu'une procédure de licenciement était engagée à son encontre, n'ont comporté la mention des faits justifiant ces mesures ; qu'il ne résulte pas même de l'instruction que ces faits auraient été évoqués lors de l'entretien préalable auquel Mme X a été conviée le 7 mai 2003 ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, la mesure de licenciement décidée le 14 mai 2003 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ; que l'illégalité dont elle est ainsi entachée est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du département de la Charente ;
Considérant, toutefois, que les graves soupçons pesant sur le fils de Mme X, qui vivait au domicile de celle-ci et y côtoyait les enfants dont elle assumait la garde, étaient de nature, eu égard, d'une part, aux informations dont disposaient les services départementaux et, d'autre part, aux risques que les agissements délictueux ainsi dénoncés étaient susceptibles de faire peser sur le développement physique, intellectuel et affectif de ces enfants, à justifier, dans un premier temps, l'échéance anticipée des contrats d'accueil, puis, l'intérêt des mineurs devant primer toute autre considération, la décision de l'autorité départementale de ne pas confier d'autres enfants à l'intéressée, plaçant ainsi cette dernière dans la situation prévue par l'article L. 773-7 précité du code du travail ; qu'en prononçant, en conséquence de cette situation, le licenciement de Mme X, le président du conseil général de la Charente, auquel les dispositions du code du travail, et notamment son article L. 773-12, qui impose en tout état de cause le licenciement de l'assistante maternelle à laquelle aucun enfant n'a été confié depuis trois mois, n'offraient pas l'alternative d'une mesure conservatoire, n'a pas commis d'erreur d'appréciation, alors même que la procédure pénale engagée à propos des accusations d'abus sexuels portées contre le fils de la requérante a finalement été classée sans suite en juin 2004 ; qu'il eût ainsi été amené, dans le cas d'une procédure régulière, à prendre la même décision ; que, par suite, Mme X, qui ne conteste pas avoir perçu l'indemnité de licenciement prévue par l'article 18 du décret n° 94-909 du 14 octobre 1994, alors en vigueur, relatif aux assistants maternels et assistantes maternelles employées par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, et ne saurait invoquer, au delà du montant déterminé par ces dispositions réglementaires, l'application d'un régime de responsabilité sans faute, peut seulement prétendre, en outre, à la réparation du préjudice moral résultant de l'irrégularité de la procédure suivie par le président du conseil général de la Charente ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant le département de la Charente à lui verser une indemnité de 1 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation du département de la Charente à lui verser une indemnité de 1 000 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser au département de la Charente la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner le département de la Charente à verser à Mme X la somme réclamée de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers n° 0402598 du 17 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : Le département de la Charente est condamné à verser à Mme X une indemnité de 1 000 euros.
Article 3 : Le département de la Charente versera à Mme X la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du département de la Charente tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N° 06BX00111